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Témoignages de personnes handicapées durant la pandémie COVID19

Dans le cadre de son Enquête nationale - Situations de handicap en établissement et à domicile, l'Espace éthique/IDF a lancé un appel à témoignages auprès des personnes en situation de handicap, au domicile ou en établissement. Pour plus d'information sur le groupe de travail et l'enquête, se référer aux liens en bas de page.

Publié le : 07 Mai 2020


Dans le cadre de l'Enquête nationale - Situations de handicap en établissement et à domicile, notre Observatoire a recueilli un ensemble de témoignages. Vous pouvez nous envoyer le vôtre.

En établissement

Les personnes en établissement qui témoignent mettent en avant leur grande solitude, le risque de désocialisation et de conséquences psychologiques, et la peur d’être atteint par le Covid-19.

« Le confinement et encore moins facile à vivre lorsque l'on réside en établissement médico-social. Car des règles sont imposées par l'agence régionale de santé. Les personnes vivant en établissement sans leur famille et en plus il se retrouve seul dans leur studio. Ils n'ont plus de vie en collectivité donc plus de repères. J'ai la chance d'être dans un studio qui est rattaché au foyer mais il se situe dans la ville. De plus certaines personnes ont changé de studio pendant le confinement. Afin de faire une aile dédiée aux éventuelles suspicions de COVID-19. On fait tout pour protéger les personnes les plus vulnérables. Mais on ne pense pas aux conséquences psychologiques que ce confinement peut avoir à long terme. »
Morgane Rapegno, habite en établissement médico-social à Magny-le-Hongre
 

A domicile

Les personnes vivant à domicile qui témoignent mettent en avant les situations de solitude, l’épuisement des familles, l’angoisse d’avoir à faire face à un changement subit, mais aussi le manque de mesures dérogatoires dans le cadre de la législation relative au confinement.

« Je suis une personne avec autisme, marié, deux enfants. Mon fils est également diagnostiqué porteur de TSA. Habituellement je suis accompagné par un Samsah. Cette prise en charge a un double objectif. D'un point de vue sanitaire d'abord, avec l'aide du Centre Expertise Handicap (CEH) de la fondation Bagatelle à Bordeaux. Ensuite dans l'aménagement de mon poste de travail dans établissement public administratif où je suis salarié. Depuis la mise en œuvre du confinement, toutes ces actions ont dû être mises de côté. C'est un peu dur à vivre. Ne pouvant plus me rendre au travail en transport en commun et ne disposant pas de moyen matériel pour effectuer du télétravail, j'ai fini pas être arrêté par mon médecin traitant. En effet je ne pouvais pas prétendre au dispositif de mise en congé maladie par mon employeur en tant que personne à risques pour le Covid-19. Mon handicap ne fait pas partie de la liste des fragilités édictée par le Haut Comité de Santé Publique. Ma situation ne rentrait dans aucune des cases prévues par cette instance. Bon j'ai l'habitude. Cela fait plus de cinquante ans que je ne rentre pas dans les cases de notre société. Cela m'a valu un internement à l'âge de cinq ans suivi d'un parcours scolaire et professionnel très chaotique. A la longue, j'ai développé des méthodes de compensation assez sophistiquées. Avec l'âge elles ont fini par m'épuiser. Mais heureusement j'ai pu transmettre ces stratégies d'invisibilité à mon fils. Il vient de rentrer dans le monde du travail avec une licence professionnelle en poche. J'en suis très fier. Mais l'épidémie du Covid-19 a failli compromettre tout cela. En effet, après sa formation en alternance, l'entreprise lui a proposé un contrat intérimaire qui s'est terminé le 31 mars dernier, en pleine période de confinement et de chômage partiel pour l'entreprise. Mais grâce à ses compétences, l'entreprise lui a proposé un CDI le jour même du début du confinement. Il a donné son accord le lendemain, par téléphone, l'usine ayant fermé ses portes entre-temps. Comme quoi, le confinement peut être le reflet de petits moments d'humanité très précieux pour les personnes avec autisme. 
Depuis hier, c'est la reprise du travail pour mon fils. Et le début des angoisses pour toute la famille. Déjà pour sortir afin d'aller faire ses courses. Affronter les longues files d'attente devant les magasins est juste impossible. Alors sortir deux fois par jour pour conduire notre au fils au travail et le ramener est difficile pour nous. On y est obligé car il ne sent pas capable de passer le permis de conduire. Je remplis donc une attestation de déplacement dérogatoire sans savoir vraiment quelle case cocher. Chauffeur pour emmener son fils au travail n'est pas dans la liste des justifications de l'attestation. Encore un problème de case manquante. Pour les sorties, heureusement je pratique les gestes barrières depuis ma plus jeune enfance. Je n'embrasse jamais. Je ne serre pas non plus les mains. Et je me tiens toujours à une distance très raisonnable des gens. J'avais l'habitude de me rendre dans un magasin alimentaire peu fréquenté mais éloigné de mon domicile. J'ai dû y renoncer. Je me retrouve donc dans le supermarché de proximité avec sa longue file d'attente et une peur au ventre indescriptible. J'y vais tous les quatre jours depuis début le confinement. Ce laps de temps ne suffit même pas à faire baisser le stress qu'il faut déjà y retourner. Autre problème, je ne retrouve pas les produits alimentaires que j'ai l'habitude de consommer. J'ai en effet une alimentation très stéréotypée. Elle me permettait également de passer des heures à éplucher des légumes et préparer la cuisine. C'était l'une de mes compensations favorites afin de me ressourcer. Et finalement est apparue une lueur d'espoir en ce matin 2 Avril, jour dédié à l'autisme. Le président Macron a annoncé un élargissement relatif des mesures de confinement pour les personnes avec autisme. On devrait avoir la possibilité de sortir afin de retrouver nos endroits fétiches pour se ressourcer. Je me prends donc de nouveau à espérer pouvoir fréquenter mon magasin d'alimentation favori. D'autant plus qu'il n'est pas très éloigné de l'usine de mon fils. Je pourrais alors faire mes courses en allant chercher mon fils. Je pourrais alors refaire mes plats favoris et abaisser mon niveau d'anxiété. Mais le formulaire n'est pas encore accessible sur le net. Pourvu qu'il y ait les cases répondant à mes attentes. Encore une question de cases. Voilà ce qu'est mon confinement. »
Thierry Gé, habite à domicile avec sa famille à Pessac

« C’est une période très difficile. Etre confiné, c'est compliqué en plus on en a pour plusieurs semaines encore, c'est horrible pour nous. Il nous faudrait des droits de sorties supplémentaires ça ferait du bien à toute la famille. Mon père et ma mère sont épuisés. »
Anonyme, habite à domicile avec sa famille à Brest

« D'une part, être dans une situation de handicap en raison d'une maladie grave et chronique oblige à réaliser des déplacement ou des activités qui ne sont pas autorisés en période de confinement. D'autre part, parce qu'il est évident qu'une situation de fragilité impose des mesures de protection et de limitation des contacts encore plus strictes, les personnes en situation du handicap sont immédiatement socialement isolées. Une situation qu'elles subissent déjà au quotidien, mais qui à l'extrême peut conduire à une réelle dégradation de leur état. Il est évident qu'il est impossible de prendre en compte la situation personnelle de chacun et que les personnes en situation de handicap très lourd sont peu nombreuses. En tous les cas je l'espère, car je ne souhaite le handicap à personne. Mais l'absence de mesures dérogatoires à ce qui est autorisé dans le cadre du confinement est extrêmement difficile à vivre et susceptible de mettre en péril la situation de handicap et la maladie. »
Lucile, habite seule à son domicile de Montrouge

Enquête nationale - Situations de handicap en établissement et à domicile

Cette enquête, réalisée entre le 12 mars et le 8 avril 2020, est une mise à disposition des travaux et des ressources de l’Observatoire « Covid-19, éthique et société / Situations de handicap », recueillis pendant le premier mois de la crise sanitaire du Covid-19.
Cette contribution intervient en complément des documents de préconisation produits par les instances publiques ainsi que les sociétés savantes.
La cellule de réflexion poursuit son travail de veille et présentera d’autres éclairages et propositions en accompagnement des évolutions de la pandémie et par la suite en retour d’expériences.

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