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Refonder la bioéthique ?
A l'heure des pratiques de la procréation médicalement assistée, des tests génétiques, des prélèvements d’organes ou de la mort médicalement assistée qui provoquent une forme de tourisme biomédical, la bioéthique doit-elle se repenser, 60 ans après l'énonciation de ses principes fondateurs ? Sur quelle bases, pour quels enjeux ?
Par: Emmanuel Hirsch, Ancien directeur de l’Espace éthique de la région Île-de-France (1995-2022), Membre de l'Académie nationale de médecine /
Publié le : 20 Octobre 2008
Soixante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme par l’Assemblée générale de l’ONU, les professionnels de santé ainsi que tous ceux qui œuvrent dans le quotidien du soin et de la recherche biomédicale comprennent le processus engagé après la Shoah comme relevant d’une responsabilité qui les concerne de manière spécifique. Leurs missions auprès de personnes plus vulnérables que d’autres, plus dépendantes, plus menacées dans leur dignité, leur liberté, et leurs droits, doivent affirmer les valeurs de la démocratie.
Alors que la France s’apprête à engager la révision de la loi relative à la bioéthique (2004), la prise en compte des réflexions développées depuis le code de Nuremberg (1947) s’avère d’autant plus indispensable que s’accentuent les incertitudes, les peurs, les risques générés par les applications de savoirs dont on ne parvient qu’imparfaitement à anticiper et maîtriser les développements. Le quotidien des activités de soin et de recherche se trouve parfois affecté par « des actes qui pourraient mettre en danger la dignité humaine par un usage impropre de la biologie et de la médecine (…)1 ». L’opportunité nous est donc donnée, dans les prochains mois, de contribuer à un débat qui ne peut davantage demeurer l’affaire de quelques spécialistes. En conclusion d’une délibération publique, le parlement affirmera ainsi clairement dans la loi ce que les quelques instances à vocation éthique ne semblent plus en capacité d’énoncer seules de manière convaincante. Il nous faudra alors comprendre quelles sont nos responsabilités personnelles et avoir le courage de les assumer.
Poussée aux limites de ses paradoxes, alors qu’elle n’est jamais parvenue à une telle efficience, la biomédecine semble parfois dériver sur des territoires improbables, à la fois fascinants et terrifiants par les perspectives qu’elle propose à l’homme au-delà de sa condition, affranchi de la fatalité et promis à l’invulnérabilité. De telle sorte qu’il ne paraît pas insensé de se demander si les « droits de l’homme » préserveront une pertinence alors que d’autres principes et finalités s’imposent insidieusement, au nom d’un “bien” ou de performances dont on n’ose plus même discuter les justifications.
Aucune instance compétente n’est en mesure d’affirmer aujourd’hui que les résolutions solennelles ou les tentatives d’encadrement sont susceptibles de résister aux idéologies dominantes. Désormais prévalent des considérations, des pressions et des enjeux qui, dans un contexte donné, peuvent être estimés “supérieurs”. Si l’interdiction du clonage reproductif semble, actuellement encore, faire consensus, qu’en est-il des pratiques de la procréation médicalement assistée, des tests génétiques, des prélèvements d’organes ou de la mort médicalement assistée qui contribuent à un véritable tourisme biomédical indifférent à la moindre régulation ? Les neurosciences et les interventions sur le génome humain se développent selon des logiques demain incontrôlables.
Il s’avère opportun de tenter d’analyser les mutations constatées dans certaines démarches biomédicales davantage soucieuses de performances dites innovantes, de publications à fort impact, de compétitions économiques, que des véritables priorités en termes d’accès à des traitements là où l’urgence absolue imposerait la mobilisation des compétences et des moyens. Les fondements ainsi que la vocation du soin ne sont-ils pas bafoués en trop de circonstances, au risque de considérer tolérables des mentalités, des procédures et des actes préjudiciables à l’idée même de dignité humaine ? Les pratiques extrêmes de la biomédecine induisent des représentations de l’homme et de la vie qui abolissent progressivement les principes mêmes de civilisation.
Il nous faut donc élaborer publiquement, par la médiation d'une approche pluraliste, argumentée, cohérente et transparente, les repères politiques indispensables à la détermination de décisions fondées et respectées. Il y va d'enjeux démocratiques évidents, dès lors qu'il paraît acquis que le possible n'équivaut pas au permis et que le préférable doit être pensé et déterminé selon des arbitrages justes qui incarnent une conception forte de l’idée d’humanité.
Ne conviendrait-il pas alors d’oser refonder la bioéthique, si le constat posé au cours de la concertation nationale qui nous est proposée faisait effectivement apparaître des carences, des manquements ou des renonciations préjudiciables au bien commun ?
1Convention d’Oviedo, 1997.