-
Revue de presse
Actualité de la recherche en éthique
Notre sélection des publications en bioéthique et en éthique du soin
-
Dossier
Épidémie, pandémie, éthique et société : se préparer, y répondre
Enjeux de préparation, de réponse et de prise en charge en situation d'épidémie
-
Fin de vie
Hors-série des Cahier : S’approprier les enjeux d’un débat
Un cahier spécial dans la perspective du débat national
-
cahier
Au coeur de la pandémie du coronavirus - Vivre, décider, anticiper
Cahier de l'Espace éthique/IDF consacré à la période mars/septembre 2020 de la crise du COVID
-
Réseau
Cartographie des structures d'Île-de-France
Un recensement des démarches pour permettre une mise en réseau
-
checklist
Créer et animer une structure de réflexion éthique
Un aide-mémoire à destination des animateurs et porteurs de projet d'une structure de réflexion éthique
-
magazine
Face à l'imprévisible
Parution du quatrième numéro du magazine Espace éthique
-
cahiers
Vulnérabilités psychiques - mobiliser la société contre l’exclusion
Enjeux épistémologiques, éthiques et politiques
-
TRANSMISSIONS
L'Espace éthique s’engage avec l’Éducation nationale
Diffuser la discussion éthique dans les lycées grâce à des ateliers et rencontres
texte
editorial
Réanimation néonatale : processus décisionnel et « euthanasie d’exception »
"Que signifie la limite de cette sédation profonde et continue chez un nouveau-né totalement autonome ? Car la souffrance n’est pas telle qu’elle nécessite des doses aussi importantes de sédation. Se pose donc la question de l’intentionnalité. La sédation est donc utilisée pour accélérer le décès, chez un nouveau-né qui a de très grands risques de révéler un handicap sévère ultérieurement."
Par: Julia Guibert, Praticien hospitalier en réanimation néonatale /
Publié le : 26 Mai 2015
Le contexte de la réanimation néonatale et précisément l’asphyxie périnatale découverte de façon dramatique et inattendue à la naissance n’ont pas fait l’objet de l’attention qui convenait dans le cadre de la concertation nationale sur la fin de vie Cette situation qui survient pour 2 cas pour 1000 naissances est la cause, chez l’enfant à terme, de 20 % de handicaps neurologiques. Cette situation est bien connue des réanimateurs néonatologistes sous le nom de « réanimation d’attente » qui n’est actuellement plus discutée dans ce contexte particulier.
En effet ces nouveaux-nés, après analyse de critères cliniques et biologiques, sont placés en hypothermie neuro-protectrice pour 3 jours. Les premiers jours sont marqués par une réanimation lourde avec suppléance respiratoire dans tous les cas et parfois soutien hémodynamique, rénal et hématologique.
Le bilan lésionnel se fait par l’enregistrement de l’EEG aux premier, troisième et septième jours, puis par l’IRM cérébrale entre le cinquième et le septième jour avec parfois un contrôle au dixième jour de vie.
L’évaluation neurologique clinique n’est, elle, fiable qu’à la levée de l’hypothermie et de la sédation. Le décès est possible dans la phase aigue par défaillance multiviscérale.
Ces nouveau-nés récupèrent quasiment tous une autonomie respiratoire.
Le bilan lésionnel peut retrouver des lésions sévères et irréversibles qui provoqueront un handicap majeur peu manifeste cliniquement dans les premiers jours de vie, mais qui se révèle progressivement avec le temps. Ces nouveau-nés respirent, peuvent boire leurs biberons et ont une gesticulation spontanée des membres.
Peu à peu le handicap se révèlera associé à une hypertonie des membres, à des acquisitions motrices défectueuse, une déficience intellectuelle pouvant dans les cas les plus sévères aboutir à un enfant polyhandicapé avec des déformations osseuses, une épilepsie et une limitation d’autonomie.
La problématique est celle d’un nouveau-né qui n’est pas « en fin de vie », qui n’est pas « en phase avancée ou terminale d’une affection grave ou incurable » et qui n’est pas dans le cadre « d’une obstination déraisonnable », telle que définie dans la loi du 22 avril 2005.
Le résultat du bilan lésionnel conduit pourtant les réanimateurs avec l’aide de neurologues à une discussion collégiale (cf. loi de 2005) alors que le nouveau-né est autonome, que l’arrêt de support vitaux n’a pas de sens, et que l’arrêt de l’hydratation est discutable car généralement l’autonomie d’alimentation, comme pour tout nouveau-né, devient possible avec le temps. En témoigne une étude récente (1), qui montre la réticence des pédiatres à cette pratique (30 % contre et 50 % envisageable mais éthiquement choquant).
Cette même étude souligne que 40 % des médecins et 64 % des paramédicaux trouveraient acceptable, dans ces situations spécifiques, d’administrer des médicaments de sédation et de provoquer la mort si cette décision était encadrée par une réflexion d’équipe de collégialité (cf. loi de 2015).
Cette situation totalement ignorée dans la loi de 2005, a obligé nombre de réanimateurs à utiliser le « double effet » de la sédation analgésique sous couvert de la procédure collégiale, et après avoir évalué l’avis des parents.
Cette situation particulière de la réanimation néonatale nous place dans une position intenable. L’absence de cadre légal entraîne une grande difficulté pour les équipes et une disparité des pratiques.
Nous attirons l’attention sur cette situation fréquente qui place les professionnels dans une situation dérogatoire à la loi et les isole dans l’exercice de responsabilités assumées dans le processus décisionnel.
L’avant-propos de l’avis n°121 du CCNE évoque clairement cette situation : « Le CCNE souhaite ici attirer l’attention sur une situation « limite » rencontrée parfois en néonatalogie. La question de la sédation profonde de nature à accélérer le processus de mort se pose d'une manière particulière dans le cas des nouveau-nés, atteints de lésions cérébrales sévères et irréversibles, pour lesquels, avant la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, un geste létal était parfois pratiqué, et pour lesquels, depuis son entrée en vigueur, une décision d'arrêt des traitements est prise. Lorsque ces nouveaux nés ont une ventilation assistée, l’arrêt de la ventilation et la mise en œuvre d’une sédation sont généralement admis, d’autant que la technique est en soi génératrice d’inconfort et de souffrance. Parfois ces nouveau-nés respirent de façon autonome. »
Que signifie la limite de cette sédation profonde et continue chez un nouveau-né totalement autonome ? Car la souffrance n’est pas telle qu’elle nécessite des doses aussi importantes de sédation. Se pose donc la question de l’intentionnalité. La sédation est donc utilisée pour accélérer le décès, chez un nouveau-né qui a de très grands risques de révéler un handicap sévère ultérieurement.
Nous ne nous situons plus dans le « laisser mourir mais « dans le faire mourir »
De telles circonstances reposent la question de la limite avec « l’euthanasie d’exception » .
Ces enjeux en réanimation néonatale justifient d’être traités dans la de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, afin de permettre aux soignants d’être en capacité de prendre des positions claires et partagées. Ce n’est pas le cas dans le texte voté en première lecture le 17 mars 2015.
Soit est reconnue « une euthanasie d’exception », soit les soignants doivent bénéficier du cadre et de l’accompagnement indispensable au processus décisionnel dans ils assument les conséquences. Dans ce dernier cas, la société doit alors adopter des mesures effectives favorables à l’accueil et à l’accompagnement digne de ces nouveau-nés qui sont de futurs polyhandicapés.
L’ensemble de ces questions si délicates justifie une approche du législateur, des approfondissements de la part du CCNE en complément de celle développée dans le cadre des sociétés savantes.
Bibliographie
1. L de Saint Blanquat et col. Opinion de soignants des réanimations pédiatriques françaises sur l’application de la loi Leonetti. Arch Ped 2013.