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editorial
La sédation n’est pas un remède miracle
Communication à l’audition publique organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le 20 janvier 2015.
Par: Patrick Verspieren, Père jésuite, Centre Sèvres, Paris /
Publié le : 02 Février 2015
Pour une argumentation plus développée, le lecteur pourra se référer, sur le blog des Facultés jésuites de Paris, au billet Contre le « mal-mourir », une loi ne suffit pas.
Dans le domaine de l’apaisement de la douleur, la France a fait de grands progrès. Notre pays s’est engagé dans la création de consultations de la douleur au début des années 80, puis de multiples Unités et Équipes Mobiles de Soins Palliatifs à partir de 1986. Cela a permis l’acquisition d’un savoir-faire dans le traitement de la douleur et le contrôle des symptômes éprouvants, d’une compétence relationnelle, le tout mis en œuvre dans un esprit de disponibilité de ces soignants dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Un scandale : les soins palliatifs inaccessibles au plus grand nombre
La loi est désormais claire. Depuis 1999, « toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement », et, depuis 2002, « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur ». Malheureusement, bien souvent, ces droits ne sont pas honorés. À la remise du rapport présenté par MM. Claeys et Leonetti, le Président de la République déclarait :
« Neuf ans après l’adoption de la loi Leonetti, la situation des personnes en fin de vie reste insatisfaisante. […] Ainsi, seules 20 % des personnes qui devraient en bénéficier y ont accès. Cela s’explique, entre autres, par la faible proportion de médecins formés à la prise en charge de la douleur[i]. »
Seulement une personne sur cinq qui en auraient besoin bénéficie de soins palliatifs ! La loi n’est donc pas respectée. Le 23 octobre le Comité consultatif national d’éthique dénonçait « le scandale que constitue, depuis 15 ans, le non accès aux droits reconnus par la loi, la situation d’abandon d’une immense majorité des personnes en fin de vie, et la fin de vie insupportable d’une très grande majorité de nos concitoyens ».
Voici, MM. les Parlementaires, la question la plus urgente. Dans son allocution, le Président a promis un plan triennal de développement des soins palliatifs à partir de 2015, et un enseignement spécifique obligatoire pour les étudiants se destinant aux professions de santé dès la prochaine rentrée universitaire. Comme Office parlementaire d’évaluation, pouvez-vous rappeler au Président et au gouvernement cet engagement ? Car ce n’est pas d’une loi, mais d’une volonté politique, que l’on peut attendre une amélioration de cette situation si préoccupante. Alors que l’on sait désormais comment apaiser la plupart des souffrances de la fin de vie.
À propos de la sédation : ne pas avoir la mémoire courte
Je dis bien : la plupart des souffrances. Car demeurent des situations de détresse vitale très éprouvantes et des douleurs et symptômes qui résistent aux traitements. Dans ces cas, en l’absence de traitements directs, il est pleinement légitime, du point de vue éthique, de prendre les moyens qui épargneront à la personne la perception de ces sources de souffrance. Ce qui est réalisé en diminuant plus ou moins la vigilance, l’éveil du malade, selon ce qui est nécessaire, autrement dit en recourant à une sédation plus ou moins profonde. Pour ma part, il y a déjà plus de 20 ans, je prenais clairement et fermement position en faveur de ce mode d’apaisement des souffrances.
Mais cela reste un moyen d’apaisement de souffrances peu satisfaisant. Surtout si la sédation est profonde et si elle est maintenue jusqu’au décès. Comment ne pas y voir une forme de violence ? « Alors, Docteur, je ne me réveillerai pas ? », demandent certains patients. Cette violence est nécessaire, souhaitée même par bien des patients soumis à la violence de leur maladie et de leur souffrance. Mais la généralisation, la banalisation d’une telle pratique ne pourrait qu’avoir des effets très regrettables.
Ce serait avoir la mémoire courte que de ne pas se souvenir de ce qui s’est passé dans les années 80, le recours qui se généralisait dans certains services hospitaliers à une sédation profonde, au moyen d’un cocktail de médications que les infirmières se sont mises à qualifier de lytique, c’est-à-dire : mortel. L’angoisse était grande dans ces services où gisaient des malades rendus inconscients, et les équipes soignantes désemparées, ce qui conduisait à augmenter les doses et à accélérer la mort, ce qui renforçait le malaise du personnel soignant. J’ai été témoin de ce malaise, et j’ai entendu le désarroi de beaucoup de ces soignants.
Aujourd’hui encore, ce n’et pas sans une vive appréhension que des infirmières injectent les médications sédatives. La sédation est un outil précieux. Mais il importe de le réserver aux cas où il n’y a pas d’autre moyen d’apaiser les souffrances de la fin de vie. Sa banalisation briserait un des ressorts qui permettent à de nombreux médecins et autres professionnels de santé de rester proches des grands malades que nous leur confions. Elle pourrait, de nouveau, conduire à des pratiques euthanasiques.