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Donner vie à l'éthique au cœur du soin

Par: Emmanuel Hirsch, Ancien directeur de l’Espace éthique de la région Île-de-France (1995-2022), Membre de l'Académie nationale de médecine /

Publié le : 02 Septembre 2010

Il ne s’agit pas de dispenser des sagesses ou des savoirs définitifs et rétifs à la discussion, ou d’investir d’une autorité discutable quelques détenteurs de compétences spécialisées dans les domaines de l’éthique. Au plus près des pratiques hospitalières, affranchi des idéologies, des pouvoirs et des arbitraires aujourd’hui contestés, l’Espace éthique/AP-HP favorise une concertation pluraliste. Au-delà de la parole des experts, une nouvelle culture de la réflexion éthique s’impose afin d’assumer de manière responsable et solidaire les évolutions de notre système de soin et les mutations intervenant dans le champ de la biomédecine.

Depuis 15 ans nous inventons ensemble une autre manière de donner vie à l’éthique au cœur des activités de soin. L’éthique républicaine avait besoin d’espaces dévolus à l’échange, à la transmission de savoirs, au partage de principes indispensables à l’arbitrage de décisions souvent redoutables. La loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 consacre cette innovation développée au sein de l’AP-HP et désormais reprise dans le pays. Depuis 2009 l’Espace éthique/AP-HP est Centre collaborateur de l’OMS pour la bioéthique.

Chaque année les professionnels de santé et les membres d’associations qui nous rejoignent dans cette aventure, participent personnellement à ce mouvement profond. Questionner les pratiques en découvrant des approches plus justes dans la relation de soin, des rapports plus exigeants avec la personne malade, ses proches mais également au sein de nos institutions, contribue aux changements indispensables dans un contexte en demande de sens et de valeurs profondes. Il nous faut reconnaître, comprendre et assumer des défis qui touchent aux aspects les plus sensibles de la vie démocratique — qu’il s’agisse de l’attention portée aux vulnérabilités ou de la justice dans l’accès à des soins dignes et de qualité, de la maîtrise des possibles et parfois de la définition de limites dans l’application d’innovations scientifiques et techniques, ou simplement du témoignage de notre sollicitude auprès de la personne éprouvée par la maladie et ses conséquences en termes d’exclusion, de solitude et trop souvent de mépris.

La compétence dans le soin relève d’une faculté de discernement et de bienveillance qu’il convient de concilier, afin de mieux servir la personne qui cherche la confiance et l’hospitalité face aux incertitudes auxquelles expose le parcours dans la maladie.

Au quotidien, les responsabilités du soin confrontent aux dilemmes de décisions complexes qui interviennent dans un contexte plus que jamais sensible à l’arbitrage de choix transparents, argumentés, concertés et loyaux.

Une démarche résolument éthique se doit, avant toute autre considération, d’être soucieuse de liberté, de loyauté, de respect, de transparence, de rigueur, de responsabilités et de confiance vécues et partagées ensemble. L’enjeu est politique dès lors qu’il touche à la qualité et à la reconnaissance d’une activité au service des personnes et de la cité. La demande d’éthique n’a jamais été aussi forte, le succés de notre offre universitaire et de nos réflexions thématiques en témoigne. Elle est significative du souci de vivre autrement les défis de la biomédecine et d’humaniser les pratiques là où les renoncements paraissent incompatibles avec les principes du soin, les fondements du bien commun.

Nos formations universitaires sont reconnues au plan national comme une référence. L’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) a accordé en juin 2009 la notation A+ à notre master « Éthique des pratiques de la santé, des soins et de l’institution hospitalière. » En cette rentrée universitaire 2010, une nouvelle spécialité de master est proposée (inédite en France) : « Éthique, maladie chronique, fins de vie et soins palliatifs ». Dans notre domaine de compétence il nous paraît en effet indispensable de prendre en compte les grandes orientations nationales, celles qui doivent mobiliser les différentes composantes de la société. À cet égard la qualité et la dignité de nos approches de la personne affectée de handicaps, d’Alzheimer, de maladie chronique ou en fin de vie constitue une urgence éthique qui ne peut se satisfaire de résolutions incantatoires ou du registre compassionnel.

Chaque année plus nombreux sont ceux qui souhaitent partager des savoirs indispensables à l’action, les enrichir de leurs expériences dans le cadre d’approfondissements et de recherches : ils contribuent ainsi au développement d’une culture partagée de la réflexion éthique et à la structuration du Réseau national réflexion et formation éthique hospitalière et du soin.

La richesse des propositions d’enseignements favorise des parcours individualisés qui permettent de découvrir la diversité des approches en sciences humaines et sociales, sans se détourner pour autant des urgences du soin. C’est pourquoi la composition de l’équipe des enseignants, au même titre que la gamme des thématiques enseignées, procèdent d’un équilibre très original entre les traditions de la pensées, les principes de l’éthique, et les analyses en situations, les aspects pratiques des missions du soin.

Chacun peut ainsi s’associer ainsi à cette dynamique d’acquisition et de mise en commun de connaissances théoriques et pratiques : elle s’impose aujourd’hui comme un besoin d’éthique.