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Conditions et pratiques du don d’organes à l’hôpital
Selon la manière dont est conduit l’entretien, la famille peut refuser le don d’organes pour son proche en état de mort encéphalique (terme habituellement employé : toutefois c’est bien de la mort dont il s’agit). Au cours de cet entretien, tout est important : le lieu, le comportement des personnels hospitaliers, la manière de parler, de se comporter.
Par: Chantal Bicocchi, Cadre supérieur infirmier, coordination prélèvements d’organes, hôpital Beaujon /
Publié le : 20 juin 2013
Texte extrait du dossier "Greffes d'organes" de La Lettre de l'Espace éthique n°1, 1996.
Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Annoncer à une famille que l’un des siens est en état de mort cérébrale représente une tâche extrêmement délicate.
Selon la manière dont est conduit l’entretien, la famille peut refuser le don d’organes pour son proche en état de mort encéphalique (terme habituellement employé : toutefois c’est bien de la mort dont il s’agit). Au cours de cet entretien, tout est important : le lieu, le comportement des personnels hospitaliers, la manière de parler, de se comporter. Ce lieu doit être un endroit calme, équipé si possible d’un téléphone, sans autres personnes présentes que la famille, le réanimateur et la coordinatrice, avec des sièges en nombre suffisant pour que tous soient assis afin de faciliter la conversation délicate qui va suivre. Il ne s’agit pas d’un cours donné par le maître debout devant ses élèves, mais d’une annonce pénible à une famille écrasée par le chagrin.
Avant que la famille n’arrive à l’hôpital, il faut lui annoncer l’accident survenu à l’un de ses membres, ou l’aggravation de son état s’il est déjà hospitalisé depuis un certain temps. Cette annonce ne doit pas cacher la gravité de l’état du patient, afin que la famille s’accoutume, pendant le trajet, à l’idée de la mort prochaine.
Dès son arrivée dans le service hospitalier, elle est accueillie par le cadre hospitalier (plus couramment nommé surveillant). Celui-ci mettra aussitôt la famille en relation avec le responsable médical qui suit le patient. L’annonce de l’état de mort cérébrale est faite par le réanimateur, avec le plus de délicatesse possible, en expliquant avec précision que cette mort est irréversible : des éléments cliniques et paracliniques démontrent que le cerveau est mort.
Le réanimateur doit répondre avec respect et attention aux questions posées par la famille, en s’adaptant au niveau de compréhension de celle-ci, en se mettant à sa portée, n’hésitant pas à répéter les explications.
Les conditions du don d’organes
La présence de la coordinatrice paraît indispensable à ce moment-là, avant même d’évoquer l’idée de don d’organes. Elle aide la famille à comprendre, elle précise quelques éléments, ce qui lui permettra de repérer dans la famille la personne la plus proche du patient décédé et la plus à même de comprendre : celle qui sera le porte-parole réel de la volonté du patient si un des parents s’opposait au don d’organes.
Il est préférable de ne pas employer les mots “prélèvements d’organes” car ils sont évocateurs d’une ablation, d’un geste chirurgical. Il vaut mieux parler de “dons d’organes”, ce qui est synonyme de générosité, de solidarité, et donc plus abstrait. En évoquant la possibilité d’un don d’organes, il faut donner aux proches tous les renseignements qu’ils demandent, répondre aux questions posées, et celles-ci sont diverses.
La question qui revient le plus souvent concerne la “mutilation” liée au geste chirurgical. La réponse est simple : certes le geste chirurgical est réel, mais il n’est ni différent, ni plus dévastateur qu’une intervention banale, puisqu’une suture correcte, recouverte d’un pansement, est faite à la suite de l’opération.
La notion de souffrance “supplémentaire” est également une cause d’angoisse pour les familles. La mort encéphalique étant diagnostiquée, cette souffrance n’existe donc plus, les éléments le confirmant sont donc réexposés à cette famille (ce qui a été fait une première fois par le réanimateur à l’aide de documents : EEG) par la coordinatrice. Ce second exposé, définitif, confirme aux familles que leur parent est bien mort.
Interviennent ensuite les considérations plus matérielles relatives à la restitution du corps, à son inhumation, aux formalités administratives et parfois judiciaires. Ces questions sont plus souvent dirigées vers le personnel infirmier, qui est plus à même de répondre que les médecins.
La signification humaine du don
Parvenu à ce niveau de l’entretien, on peut considérer que la famille a adhéré au principe du don d’organes. Ses membres ont compris la demande, l’ont assimilée et vont maintenant sublimer le geste, dépassant leur tristesse, pour aller au devant des autres : les malades
en attente de transplantation. Cet aspect de leur démarche est important ; ils veulent avoir la certitude que les organes prélevés bénéficieront bien à des patients qui les attendent, qu’ils ne seront pas utilisés à des fins scientifiques. C’est à ce moment-là qu’ils peuvent être restrictifs et refuser le don du coeur ou des cornées. Le coeur, car il représente dans l’esprit de beaucoup le siège de l’amour ; les cornées, car les yeux constituent le reflet du plus profond de l’être.
On doit respecter ces restrictions, tout en essayant d’en comprendre la signification. Dès lors que la famille adhère parfaitement au projet de prélèvement, on l’incite à rentrer chez elle, à s’éloigner de l’hôpital.
On lui propose de se revoir le lendemain pour les formalités administratives et pour l’accompagner en “salle de repos” où le corps lui sera présenté. En général, c’est à ce moment là que la famille se renseigne sur les résultats des transplantations : sur le devenir des patients transplantés.
Commence alors la phase de deuil. Car auparavant, quand le patient est présenté à la famille en salle de réanimation il ne présente pas l’apparence de la mort, (un respirateur artificiel maintient le soulèvement du thorax, synonyme de respiration, le rythme cardiaque maintenu par des médicaments a un tracé reconnaissable sur des appareils sophistiqués entourant le lit du patient). La famille éprouve, en de telles circonstances, des difficultés à concevoir la mort.
La prise en charge de la famille peut durer de trois mois au minimum à parfois plusieurs années. Le temps du deuil est différent pour chaque individu. Il est bien souvent lié à ses croyances et convictions personnelles.