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Quand le soin est facteur d’inégalités - L’accès aux soins entre universalisme et particularisme

Captation de la troisième édition de la journée Éthique et santé publique, organisée à l'Espace éthique (Paris) le 10 janvier 2022 de 9h30 à 17h

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 01 Février 2022

Coordination scientifique

Anne-Caroline Clause-Verdreau, Médecin de santé publique, Observatoire des pratiques éthiques, Espace éthique de la région Ile-de-France
Alexia Jolivet, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, UR 1610 Etudes sur les Sciences et les Techniques, Université Paris-Saclay
Paul-Loup Weil-Dubuc, Docteur en philosophie, Responsable de la recherche, Espace éthique de la région Ile-de-France, INSERM/Paris-Saclay/CESP U1018

Argument

Le système de soin au sens large (préventif et curatif) est souvent perçu comme un facteur d’égalisation entre individus. Il l’est certes en partie au sens où il assure, dans la plupart des pays européens, un égal accès de tous aux soins. La visée universaliste suppose bien de garantir, par la mutualisation des risques, que riches ou pauvres, malades ou bien-portants, les citoyens puissent accéder aux dispositifs préventifs et curatifs que requièrent leurs besoins tout au long de leur vie. 
Toutefois, comme on le sait, les soins prodigués ne sont pas identiques d’un patient à un autre et sans doute ne peuvent-ils pas l’être. Par ailleurs, comme on le sait aussi, un fossé existe entre l’accès aux ressources et l’usage réel de ces dernières de sorte que, paradoxalement, en même temps qu’il contribue à égaliser les conditions de vie, le système de soin nourrit les inégalités. 
Le soin, facteur d’inégalités : tel est donc le constat paradoxal que cette journée d’étude prendra pour point de départ. Plus précisément, nous distinguerons deux modalités d’aggravation des inégalités qui seront les objets de la matinée et de l’après-midi : 
1. Le traitement indifférencié de situations qui pourtant nécessiteraient des traitements distincts, ce que nous traduisons par le titre "ignorer les différences". 
2. Le traitement différencié de situations qui pourtant nécessiteraient des traitements identiques, ce que nous traduisons par le titre "créer des différences".
Pour chacune de ces sessions, nous choisirons des terrains d’étude ciblés. À chaque fois, il s'agira au fond de se demander ce qu'il en est de cette promesse universaliste d'égalité inscrite au fondement de notre système de santé, dans un contexte où l'offre de soins semble se tarir ou se fragmenter.
Peut-on encore la tenir ?

Programme

Accueil et présentation de la journée

9h30
Emmanuel Hirsch, Directeur de l’Espace éthique Ile-de-France, Professeur en éthique médicale, Université Paris-Saclay, CESP/Inserm/Paris-Saclay
Alexia Jolivet

La stratégie vaccinale face aux inégalités. L’exemple de la Covid-19 (table ronde)

9h45-11h15
Cette session partira du constat que certains territoires parmi les plus pauvres et les plus touchés par le virus de la Covid-19 ont été les moins couverts par la vaccination. Qu'en a-t-il été de la stratégie de priorisation élaborée par le gouvernement et les Agences régionales de santé ? Plus généralement, d'autres critères de priorisation auraient pu être établies que ceux qui ont été choisis sur la recommandation de la HAS (2020). Lesquels ? C'est ici la question d'Amartya Sen - égalité de quoi ? - qui s'est posée et se posera à nouveau (1979).  Enfin, au-delà du choix des critères de priorisation, se posera aussi la question de la mise en œuvre des critères à l'échelle locale. 

Modération :
Paul-Loup Weil-Dubuc

Intervenants :
Luc Ginot, Directeur de la Santé Publique, Agence Régionale de Santé Ile-de-France
Sylvain Emy, Médecin généraliste, Président de la Communauté Professionnelle de Territoire de Santé du 14è arrondissement de Paris
Florence Jusot, Professeure en économie de la santé, Paris-Dauphine-PSL, membre du Comité Consultatif National d’Éthique

Pause
11h15-11h30

Ne pas concevoir les inégalités. Le cas d’un dispositif de e-santé

11h30-12h30

Les technologies, notamment numériques, bénéficient d’un paysage sanitaire qui se transforme durablement à la faveur d’un soin dématérialisé (big data et intelligence artificielle, systèmes informatisés), personnalisé (santé connectée et auto-mesure), à distance (télémédecine, virage ambulatoire) ou d’assistance (robotique). Si les technologies réinterrogent les territoires de la santé, sont-elles, pour autant, porteuses pour autant d’un nouvel « aller vers », rendu plus prédictif par les technologies et gouvernance informationnelles (Pierron, 2016), plus capacitant par les promesses d’autonomisation et d’accessibilité (Wisnia-Weill, 2020), plus spatialisé par le développement d’équipements généralisés (Kesteman, 2020) ? Nous interrogerons les conditions sous lesquelles des technologies de la santé pourraient « concevoir » les inégalités, c’est-à-dire les appréhender, les comprendre, les admettre.
Sur la base de l’étude d’un cas d’un dispositif de e-santé, nous serons amenés à questionner plusieurs pans d’une conciliation d’un « design des singularités », anthropocentré et d’un design universel, technocentré (Grosjean, Bonneville, 2007).

Modération :
Alexia Jolivet

Intervenants :
Anne Mayère, Professeure émérite en Sciences de l’Information et de la Communication, CERTOP, IFERISS, Université de Toulouse
Nawal Bakouri, Directrice de l’École de design de Valenciennes
 

Soigner en pratique, faire une différence ? (table ronde)

14h-15h30
De nombreuses études tentent aujourd'hui d'établir l'existence de "soins différenciés" (RFEA, 2019), autrement dit de différences dans la prise en charge, qu'aucune raison médicale ne justifie et qui s'expliquent essentiellement par les préjugés des soignants. La mise en évidence de ces différences, et en particulier la traque des biais cognitifs des soignants, pour légitimes qu'elles soient et essentielles dans la lutte contre les inégalités sociales de santé, n'en posent pas moins des questions épistémologiques et éthiques importantes. Dans la mesure où tout soin est toujours particulier par définition, un soin sans biais, impartial en quelque sorte, est-il possible ? Ce que nous pourrions gagner en impartialité ou en neutralité du soin, ne le perdrions-nous pas en capacité d'adaptation ou d'écoute ?  Enfin de quoi témoignent ces différences dans les soins ? Révèlent-elles une hiérarchie implicite des valeurs attribuées aux existences ?

Modération :
Fabrice Gzil, Directeur adjoint de l’Espace éthique Ile-de-France, Université Paris-Saclay, CESP/Inserm/Paris-Saclay

Intervenants :
Elie Azria, Chef de Service Maternité Notre Dame de Bon Secours, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, Université de Paris, Equipe de recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé)
Cyrielle Claverie, ancienne Présidente de la commission Santé, bien-être, bientraitance du CNCPH et Noémie Nauleau, Conseillère Autonomie à l’ARS Pays-de-la-Loire
Sylvie Morel, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Nantes, Centre Nantais de Sociologie

Pause
15h30-15h45

 

Accessibilité, équité et continuité des soins psychiatriques en milieu carcéral : un enjeu majeur de santé publique (étude de cas)

15h45-16h45
Dans les prisons françaises, la prévalence des troubles psychiatriques est élevée et le taux de suicide, sept fois supérieur à celui observé en population générale, est parmi les plus hauts retrouvés en Europe. Par ailleurs, un accès insuffisant aux soins psychiatriques dans cette population a été plusieurs fois dénoncé (Human Rights Watch, 2016). Ce phénomène est-il essentiellement dû à un manque de moyens alloués à la psychiatrie ? Pourquoi, depuis de nombreuses années, avoir privilégié le développement d'une filière de soins psychiatriques spécifiquement dédiées aux personnes incarcérées, plutôt que le renforcement des structures hospitalières sécurisées de psychiatrie générale ?
Il s'agira, à partir d'un cas clinique, d'interroger la tension à l'oeuvre entre, d'une part, une logique de réduction des inégalités d'accès aux soins en prison basée sur le respect d'un principe d'équivalence entre les soins accessibles aux populations carcérale et générale et, d'autre part, la nécessité de prendre en considération certaines spécificités propres aux troubles psychiatriques en prison afin de proposer des prises en charge adaptées.

Modération
Anne-Caroline Clause-Verdreau

Intervenants :
Thomas Fovet, psychiatre, Unité d’Hospitalisation Spécialement Aménagée (UHSA), Lille Seclin
Caroline Protais, docteure en sociologie, chercheure associée au CERMES3, chargée d’études à l’Observatoire des drogues et des toxicomanies
Observatoire International des Prisons - section française (à confirmer)

Conclusions

16h45

Anne-Caroline Clause-Verdreau
Alexia Jolivet
Paul-Loup Weil-Dubuc