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Les pouvoirs de l’image médicale. Enjeux éthiques, épistémologiques et politiques

Captation de la journée du 7 janvier 2021

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 18 Janvier 2021

Cette journée d’étude est organisée par l’Espace éthique Ile-de-France et l’Université Paris-Saclay, en partenariat avec l’Université de Paris et la Société Française de Radiologie, dans le cadre du Diplôme Universitaire « Éthique du numérique en santé ».
 
Quels sont les enjeux éthiques et épistémologiques de l’imagerie numérique ? Faut-il poser des limites de la volonté de « rendre visible l’invisible » ? Il convient également d’interroger le statut de l’image comme preuve dans la construction des savoirs à l’ère des données massives. La réalité virtuelle, qui simule la présence physique d’un utilisateur dans un environnement artificiel, commence à être utilisée dans le champ de la santé et de l’autonomie, dans le but de soulager la douleur, de réduire le stress ou l’anxiété, de procurer du bien-être et une ouverture sur le monde. Ces usages comportent des risques et questionnent sur le rapport à la réalité qu’ils peuvent induire. Qu’il s’agisse des techniques d’imagerie médicale, qui permettent de visualiser de manière de plus en plus précise les structures et le fonctionnement du corps humain, ou de l’usage croissant de la réalité virtuelle dans le soin et l’accompagnement, il importe de questionner d’un point de vue éthique, mais aussi épistémologique et philosophique, l’importance croissante donnée aux images.
Cette journée est construite suivant quatre tables rondes, chacune composée d’un intervenant plutôt praticien de l’image et d’un intervenant plutôt théoricien de l’image, quand bien même on ne peut être praticien sans être théoricien et réciproquement peut-être.
 
Coordination scientifique :
Arnaud Cachia, Professeur en neurosciences, Université de Paris, membre de l’Institut Universitaire de France, chercheur au LaPsyDE (UMR CNRS 8240)
Léo Coutellec, Maître de conférences en épistémologie, Paris-Saclay, CESPU1018 (Inserm/Paris-Saclay)
Anne Fenoy, Doctorante en philosophie, UMR 8011, Initiative des Humanités Biomédicales, Sorbonne Université
Vincent Israël-Jost, Chercheur en épistémologie, Paris-Saclay, CESPU1018 (Inserm/Paris-Saclay)
Paul-Loup Weil-Dubuc, Responsable de la recherche, Espace éthique Ile-de-France, CESPU1018 (Inserm/Paris-Saclay)

Programme

9h15-9h30 : Introduction, par Paul-Loup Weil-Dubuc
 
9h30-11h : L'image numérique, suppléante du médecin : au risque d'une déresponsabilisation ?
 
Présentation et modération par Vincent Israël-Jost
Intervenants :
Alain Luciani, radiologue à hôpital Mondor (AP-HP), Professeur à l’Université Paris-Est Créteil
Denis Forest, Professeur de philosophie et d’histoire des sciences, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
 
L'imagerie médicale s'est longtemps appuyée sur des technologies qui augmentaient les sens, permettant de voir sur une image ce qui était inaccessible à la fois à la vue mais aussi à l'auscultation, à la palpation etc. Aujourd'hui, avec les ressources immenses qui ont été développées dans le domaine du traitement algorithmique et de l'analyse des images, ce ne sont plus seulement les sens qui sont augmentés, mais aussi les capacités cognitives liées à l'interprétation des images. Les organes ou les lésions peuvent être détectées et détourées automatiquement et le processus d'analyse peut se poursuivre jusqu'à l'obtention d'un diagnostic assisté par ordinateur qui, dans certains cas, jouit d'une fiabilité supérieure à celle obtenue par des opérateurs humains. Quelles recompositions du rôle du médecin cela occasionne-t-il et quelles sont les réflexions qui ont été entamées pour que des champs entiers de l'activité médicale ne soient pas abandonnés à des machines ?
 
11h-11h15 : Pause
 
11h15-12h45
L'image comme médiation : au risque d'une simplification ?
 
Présentation et modération par Anne Fenoy
 
Intervenants
Sophie Taïeb, radiologue, Centre Oscar Lambret, CHRU de Lille
Christian Delage, Professeur d’histoire à l’Université Paris VIII, réalisateur de documentaires
 
L’image semble parler d’elle-même, parle à tous, apaise par son caractère tangible et visuel en mettant fin à une possible défiance dans la relation soignante. Elle capte l’attention et se fait medium entre le spécialiste et le profane, entre le médecin et le patient et entre le patient et lui-même. Elle est un langage, elle est signe et fait sens, elle facilite le passage de l’information. Toutefois, si elle permet une communication plus aisée, une compréhension plus rapide des phénomènes qu’elle représente, n’est-ce pas à la condition d’une simplification voire d’une déformation ? Nous préférons souvent avoir affaire à l’image en médecine : mais est-elle aussi exacte que les données à partir desquelles elle est élaborée ? Si elle rend accessible, si elle offre à voir, au patient comme au médecin, quelque chose qui était opaque avant elle, peut-être n’est-ce qu’illusoire, comme c’est le cas pour l’icône religieuse qui semble faire descendre au niveau de l’immanent une entité qui lui échappera toujours, absolue et transcendante. En outre, si l’image paraît proche de nous et accessible, est-elle vraiment lisible sans une interprétation ? Fait-elle sens à elle-seule ? N’est-elle pas davantage un outil de manipulation qu’un outil de médiation ?
 
12h45-14h : pause déjeuner
 
14h-15h30
L'image qui décrit la réalité : au risque de l’écrire ?
 
Présentation et modération par Arnaud Cachia
 
Intervenants :
Lucie Hertz-Pannier, Pédiatre et radiologue, Neurospin CEA-Saclay
Julie Cheminaud, Maître de conférences en esthétique et philosophie de l’art, Sorbonne Université
 
L’image médicale permet de saisir le réel, de le dévoiler, de le comprendre. Elle aide au diagnostic, au pronostic, à la confirmation de la présence d’une pathologie ou de son absence. Elle est un outil de description, voire d’augmentation, de la réalité. Elle rend visible l’invisible. Toutefois, elle repose la question du normal et du pathologique, de la maladie et de la santé et le « silence des organes » classique fait place à des images loquaces voire indiscrètes. La visualisation qu’elle propose est-elle un reflet ou une création de la réalité ? Certes, elle rend visible et disponible, elle discrimine, identifie, prouve, diagnostique et rassure. Mais que penser des découvertes fortuites, ces anomalies inattendues chez le volontaire qui se croyait « sain », à la valeur diagnostique et pronostique incertaine ? L’image rend-elle compte d’un problème ou le crée-t-elle ? « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore » semble-t-elle parfois nous dire. En décrivant, en posant des limites et des normes, elle enferme l’organe et l’individu dans une définition du pathologique. Elle ouvre alors une autre dimension, celle du virtuel, du probabiliste, celle d’un espace autre qui, sans être identique au réel, ne s’oppose pas non plus à lui.
 
15h30-15h45 : Pause
 
15h45-17h15
L'image qui affecte : au risque d'une désensibilisation
 
Présentation et modération par Léo Coutellec
 
Intervenants :
Pascale Gisquet-Verrier, Neuroscientifique, Directeur de recherche émérite, Institut NeuroPSI – UMR9197
Sylvain Missonnier, Professeur de psychologie clinique, Président de l'Institut du Virtuel Seine Ouest, Université de Paris
 
Se sentir touché par une image relève d'une expérience commune que l'on peut éprouver aussi bien devant un film ou un album souvenir que dans le cabinet d'un médecin. L'image a ce pouvoir d'affection qui mobilise tous nos sens, en tant qu'incarnation, nous nous sentons à travers elle incarné. L'image réfléchit et nous réfléchit. Sa simplicité ou son opacité ne font que renforcer ce pouvoir d'affection. C'est dans le trouble de l'image que naît l'imagination. Aussi, elle n'est pas seulement la partie d'un tout mais se donne à nous comme un tout, une icône qui nous fait fasse et nous affecte, au risque de se faire fétiche. L'image numérique peut être comprise comme cette image-affection (Deleuze), ce gros plan qui s'extrait de ses coordonnées d'origine. La question éthique que nous pouvons ainsi nous poser serait la suivante : dans le contexte de production d'images numériques et statiques, ce pouvoir d'affection n'est-il que l'expression de la puissance du faux ? Autrement dit, plutôt que de nous sensibiliser, l'image nous saisirait, nous affecterait, mais sur un mode passif, au risque finalement d'une désensibilisation.