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Valeur de la République et secteur de la santé

"Cette valeur première qu’est l’égalité est loin d’être acquise, la discrimination est fréquente. Nous savons tous que 46 % de la population renonce à effectuer des soins (notamment dentaires et ophtalmologiques) pour des raisons économiques, qu’il est plus facile d’avoir recours à un excellent chirurgien en étant en capacité de payer un fort dépassement d’honoraires"

Par: Danielle Vilchien, Administratrice de France Parkinson /

Publié le : 11 Janvier 2016

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.

Dans une période si violente, si agitée, il est nécessaire de permettre aux personnes -toutes catégories confondues (niveau de formation, métiers, âge, sexe...)- de crier leur horreur et leur colère. Mais il est surtout important de pouvoir se retrouver pour réfléchir, échanger sur un des biens communs, placé au centre du Pacte républicain, à savoir notre système de santé. Se rassemble pour réaffirmer notre volonté de préserver et de valoriser sans complexe et avec vigueur le domaine du soin. En effet, nous ne devons pas nous accommoder d’un consensus « mou », source d’ambiguïté et signe de faiblesse-vis-à-vis d’antidémocrates prêts à s’engouffrer dans la moindre brèche pour « casser. »
 
Les valeurs de la République « liberté égalité-fraternité » ont été au fondement du système de Protection Sociale créé au lendemain de la seconde guerre mondiale et semblent imbiber le monde de la Santé. Pour autant, ceci n’est que partiellement vrai et jamais de manière immuable. Le niveau atteint en direction de ces utopies tient d’abord aux exigences de la population et à la vigilance exercée sur des droits dont l’effectivité ne va pas de soi. A mes yeux, ces idéaux sont loin d’avoir été recherchés ardemment dans les différentes phases de mise en œuvre du système de santé et ont subi un certain nombre d’entorses ultérieurement.
 
Et pourtant, nous restons étrangement marqués par cette ambition initiale. Lorsque nous entrons en contact, en tant qu’usager avec un professionnel de santé ou plus encore, lorsque nous pénétrons dans un hôpital, nos interlocuteurs en sont, en quelque sorte, auréolés. A mesure que nous nous redécouvrons vulnérables, comme tous les autres autour de nous, dépouillés provisoirement de notre statut social, nous ressentons un grand besoin d’égalité et de fraternité, espérant en ressentir la chaleur auprès de ces femmes et de ces hommes au service de notre santé.
 
Mais cette valeur première qu’est l’égalité est loin d’être acquise, la discrimination est fréquente. Nous savons tous que 46 % de la population renonce à effectuer des soins (notamment dentaires et ophtalmologiques) pour des raisons économiques, qu’il est plus facile d’avoir recours à un excellent chirurgien en étant en capacité de payer un fort dépassement d’honoraires, qu’on devra se résoudre à placer sa vieille maman en maison de retraite médicalisée à 200 ou 300 kms de son domicile pour pouvoir en supporter le coût mais sans même pouvoir l’assurer qu’elle bénéficiera du même traitement médical !
Ces inégalités d’accès aux soins et à une prise en charge de qualité devraient continuer de s’accroître sauf volonté politique forte traduite en mesures incontournables (exemples récents : généralisation du tiers payant ; obligation pour l’employeur de mettre en place un régime d’assurance maladie complémentaire pour ses salariés…).
 
Mais bien sûr, la santé est aussi la capacité remarquable des équipes soignantes à faire face avec détermination et organisation, au carnage provoqué par des terroristes, et à mettre tout en œuvre pour sauver des vies et apaiser des tourments.
C’est travailler, au quotidien, avec ces malades atteints de pathologies graves, appelés à rencontrer la mort ou la déchéance à court ou à moyen termes ; c’est trouver  les mots ou les gestes sûrs, pour maintenir l’espoir et une petite flamme de vie. Soigner, c’est enfin, accomplir les tâches ingrates pour maintenir la propreté et l’apparence humaine de ceux qui leur ont ainsi été confiés jusqu’à leur fin.
 
La fraternité est là, n’en doutons pas, même si les acteurs de santé s’interrogent sur les conséquences des mutations profondes que connaît notre dispositif de santé. Ces mutations sont liées à notre démographie, aux progrès de la médecine, aux possibilités technologiques, et surtout à la volonté de maîtriser la dépense publique et le poids de la santé dans le PIB. C’est à juste titre qu’ils nous alertent sur les conséquences de tous ces facteurs d’évolution en termes d’organisation, de processus et de pratiques eu égard aux valeurs qui étaient les leur au moment de leur engagement professionnel initial. Se pose donc la question de la compatibilité entre la recherche de productivité à travers le raccourcissement des durées de séjour (par exemple) et l’attention bienveillante apportée au malade, à ses proches, à son environnement et à l’impact possible de ce dernier sur les chances du malade ?
 
La fraternité s’exerce, par ailleurs, sur un mode moins hiérarchisé hermétiquement. Avec l’élévation générale du niveau de formation de  la population et l’accès via internet à de multiples sites d’information, le malade se veut de plus en plus gestionnaire de sa pathologie. Ce dernier désire devenir en capacité de discuter de son traitement avec les professionnels, lesquels -avec encore quelques résistances- acceptent de prendre en compte l’expertise du malade. Ils peuvent avoir le sentiment d’y perdre en pouvoir d’autant que l’exercice de la profession évolue vers plus de travail d’équipes, de partage d’informations et de coordination, et au total un peu moins de liberté au bénéfice de celle des malades.
 
La liberté résonne en termes d’autonomie et de responsabilité pour toutes les personnes faisant appel, à un moment ou un autre, au système de santé mais l’enjeu est d’autant plus grave pour celles dont la prise en charge est inscrite dans la durée qui sont souvent aussi les personnes les plus vulnérables, qui n’ont pas le moyen de comprendre, ni de se faire entendre. Le préalable à un renforcement de leurs rôles est  donc d’améliorer leur  information et leur formation, ainsi que celles de leurs aidants. Le processus est en marche mais il demandera des années pour aboutir, en raison du nombre important de malades et du nombre limité d’actons possibles. Dans l’immédiat, l’attente se situe avant tout sur la notion de respect : respect de la dignité et des volontés du côté du malade, respect du savoir et du savoir-faire du côté des soignants.
 
Les soignants sont confrontés à de nombreuses difficultés imputables au comportement  d’une partie de la population accueillie. Il faut cesser de saluer toutes les valeurs d’autrui car toutes ne se valent pas ; soyons accueillants et fraternels mais aussi vigilants, nos valeurs républicaines doivent primer dans nos pratiques et nos institutions.
 
La « laïcité » telle que définie en France est quotidiennement mise à l’épreuve, ce qui tend à prouver qu’elle n’est pas suffisamment affirmée dans son contenu et ses limites. La prise en compte de la pluralité des références spirituelles entraîne des demandes toujours plus importantes ; et en cas de non satisfaction de ces demandes, l’expression de menaces pour fait de discrimination, est de plus en plus systématique. La fermeté sur les principes de fonctionnement des services de santé permettra seule de redonner aux professionnels le respect qui leur est dû et la sécurité nécessaire à un exercice professionnel touchant aux fonctions vitales des personnes.
 
Mais une fois de plus, la situation de ceux présents de façon épisodique dans les lieux de soin, et ceux présents de façon plus permanente est différente. Une position plus ouverte mérite d’être adoptée dans les structures qui constituent des lieux de vie autant que de soins pour les personnes  prises en charge.