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Réflexions post-Covid-19 : Ensemble, faire progresser la société

"La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées sont d’ailleurs au cœur de ce renversement qui va inévitablement conduire à changer notre vision collective. La vulnérabilité doit maintenant s’envisager comme objet d’une lutte commune et nécessaire, profitable à chacun, mais également comme une opportunité de faire émerger des approches nouvelles, fertiles en gisement de richesse économique, scientifique, sociale, éthique…"

Par: Lorène Gilly, Responsable du suivi des politiques publiques, France Alzheimer /

Publié le : 23 juin 2020

Ensemble, faire progresser la société

Au sein de nos sociétés modernes, la perception des situations de vulnérabilité s’est peu à peu transformée, sous l’influence conjuguée de facteurs économiques, épidémiologiques et des recompositions sociales. Il s’agit désormais d’une réalité qui s’impose naturellement à chacun de nous et nous pousse à une nécessaire refondation de nos pratiques et de nos structures au quotidien. Ensemble, c’est tout un système, une société qu’il nous faut réinventer, adapter et soutenir.
La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées sont d’ailleurs au cœur de ce renversement qui va inévitablement conduire à changer notre vision collective. La vulnérabilité doit maintenant s’envisager comme objet d’une lutte commune et nécessaire, profitable à chacun, mais également comme une opportunité de faire émerger des approches nouvelles, fertiles en gisement de richesse économique, scientifique, sociale, éthique…
Depuis les premiers plans dédiés, les conditions particulières de ces pathologies singulières –interrogeant tout à la fois la personne malade, les proches et leur environnement – associées à une épidémiologie obligeante, concourent à situer la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées au cœur d’interactions qui résonnent avec l’urgence contemporaine.
Aussi, depuis plus de 30 ans et le début des activités de France Alzheimer, nous apprenons et diffusons, avec et pour les familles concernées, nos priorités d’actions. Alors que notre pays traverse une crise sanitaire sans précédent, ces dernières font plus que jamais écho aux différents travaux en cours émanant du gouvernement ou d’acteurs et citoyens engagés : Ségur de la santé, réforme grand âge et autonomie, Manifeste de la longévité, Etats généraux de la séniorisation…
Il s’agit avant tout de concilier respect de l’individu au sein du collectif et évolution des rapports individuels, de surmonter les arbitrages financiers dans la santé, de favoriser de nouvelles formes de lien social et de solidarité, de surmonter des organisations désuètes, aux mains d’acteurs parfois déconnectés, de comprendre et d’accepter de nouveaux défis, sur des échelles de temps beaucoup plus grandes…
Aujourd’hui, il nous faut donc aller plus loin.
Car la crise actuelle révèle, plus que jamais, les failles d’un système de santé qui doit à présent se réadapter afin d’anticiper ces évolutions sociétales. Certaines mesures prises par le gouvernement pour freiner l’évolution de la pandémie de Covid-19 ont notamment eu un impact significatif, parfois dévastateur, sur la prise en soins et l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée et de leurs proches aidants et ce n’est pas acceptable.

C’est la raison pour laquelle France Alzheimer entreprend un travail d’identification et de dénombrement des difficultés qu’ont pu rencontrer les familles durant cette période d’urgence sanitaire. Ce travail nous apparait nécessaire, essentiel, et est intimement lié à notre mission de défense des intérêts des personnes que nous représentons et que nos associations départementales accompagnent quotidiennement. Leur voix compte et il est de notre responsabilité à tous de faire en sorte que cet épisode, particulièrement exigeant, ne se reproduise jamais.
Pour France Alzheimer, il est d’ailleurs avant tout urgent de s’intéresser à la base de toute action collective structurée et efficace : la gouvernance. Il est nécessaire de remettre à plat le schéma global de structuration de notre système de santé : des acteurs clairement identifiés et identifiables, assumant leurs missions à chaque niveau de découpage territorial, de manière décloisonnée et homogène, en garantissant l’accessibilité géographique et financière et en partant des besoins des personnes concernées, de nos besoins. Car, finalement, nous sommes tous vulnérables, nous sommes tous concernés.
Notre vision
Aussi, loin de vouloir simplement procéder à une énumération froide et déconnectée des effets négatifs de la période d’urgence sanitaire, il nous semble essentiel de pouvoir les identifier et d’envisager les pistes d’actions collectives à mettre en œuvre de manière urgente.

  • Il s’agit avant tout d’améliorer durablement l’accompagnement des personnes atteintes de troubles cognitifs et de leurs  familles et d’éviter que, lors d’épisode tel que celui-ci, la situation parfois extrême dans laquelle elles se sont retrouvées, ne se reproduise.
  • Il s’agit également d’être au rendez-vous des débats publics autour de la future réforme grand âge et autonomie, qui devra nécessairement tenir compte des leçons que nous tirerons, ensemble, de cette période particulièrement exigeante.
  • Enfin, au-delà des mesures qui seront portées dans le cadre de cette réforme, nous devons également soutenir la co-construction d’une stratégie nationale dédiée à l’amélioration du parcours de vie et de soins des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. De ces réflexions doivent donc également émerger des mesures et des prises de positions ambitieuses et assumées par les pouvoirs publics, corrélées aux réalités de terrain. Seuls, nous n’y arriverons pas.

Le contenu de ce document doit être envisagé dans le cadre plus global de la réflexion collective grandissante et nécessaire sur les sujets du vieillissement, de la perte d’autonomie, des vulnérabilités, du handicap… France Alzheimer s’y engage pour les familles et grâce à leurs témoignages et à l’engagement de ses bénévoles. Cette démarche essentielle représente finalement un formidable levier d’adaptation des réponses que nous apportons aujourd’hui collectivement aux personnes concernées.
 

Identification des dysfonctionnements exacerbés par la crise sanitaire 

Notre propre vécu de la crise sanitaire, au travers de notre mobilisation pour soutenir les personnes que nous représentons, nous a permis d’affiner notre vision globale des facteurs de dysfonctionnements :

  • la définition et les listes successives et parfois discordantes des personnes dites « vulnérables » ;
  • la place du médico-social dans les instances représentatives, encore parfois sous représenté par rapport au sanitaire (Démocratie en santé) ;
  • l’état « dégradé » dans lequel se trouve le secteur de l’aide à domicile actuellement, alors même que le maintien à domicile le plus longtemps possible est à la fois un souhait de la personne et un objectif affiché des politiques publiques successives ;
  • la désorganisation du système de prise en charge et d’accompagnement des personnes malades et de leurs aidants sur le terrain (manque de souplesse, cloisonnement entre les secteurs) qui ont eu un impact sur la continuité des soins ;
  • les inégalités territoriales persistantes d’un système à double vitesse ;
  • les failles de notre modèle de gouvernance actuel et leurs répercussions sur le fonctionnement du système dans sa globalité, à tous les échelons du territoire (manque de fluidité lié à une dynamique bureaucratique lourde et rigide, lourdeur administrative) ;
  • le manque de lisibilité du cadre national descendant, qui a sclérosé la nécessité de réponses rapides et adaptées aux acteurs de terrain ayant su innover et s’adapter aux bouleversements vécus. Cela a également eu un impact sur la compréhension des enjeux par le grand public, souvent perdu face aux annonces et au flot d’informations transmises, en laissant certains sans repère lorsqu’ils rencontraient des problématiques ;
  • le manque de reconnaissance du handicap cognitif et son impact sur le soutien apporté aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée et leurs proches aidants durant la crise ;
  • la prise en compte encore « timide » de l’évolution progressive du nombre de personnes atteintes de troubles cognitifs, qui doit pourtant sérieusement nous questionner sur l’évolution concomitante de nos choix d’accompagnement et de prises en soins.

L’ensemble de ces facteurs a eu des conséquences directes sur le quotidien des personnes malades et de leurs proches aidants. Les bénévoles, le secteur associatif en général et l’engagement des professionnels sur le terrain, ont joué un rôle déterminant dans le soutien des personnes les plus en difficulté. Ils ont très souvent pallié le manque de réponses spécifiques des pouvoirs publics, adaptées aux besoins et à la détresse des personnes atteintes de troubles cognitifs et de leurs aidants. Ils ont su se mobiliser, innover et s’adapter et n’ont d’ailleurs pas toujours été soutenus dans leurs missions.