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Radiothérapie en phase palliative

"Si la radiothérapie est un traitement spécifique du cancer, elle constitue aussi un traitement symptomatique, avec pour visée d’améliorer les conditions quotidiennes de la fin de la vie. Il est question de donner un sens pratique, à court terme, à ce qui est proposé, qu’il s’agisse de traiter ou de ne pas traiter."

Par: Thibaud Haaser, Médecin radiothérapeute, CHU de Bordeaux ; doctorant au Département de recherche éthique, université Paris Sud /

Publié le : 04 Février 2015

Attention et accueil dans ces lieux qui peuvent susciter la peur

La radiothérapie, modalité de traitement impliquant l’utilisation de technologies et des conditions pratiques spécifiques, trouve une application dans la prise en charge des patients en fin de vie : traitement antalgique, à visée décompressive, etc. Si les services de radiothérapie ne sont pas le lieu de la fin de vie, ils constituent un des environnements que les patients en phase palliative sont amenés à traverser.
Initier une radiothérapie, c’est faire entrer les patients dans un monde de soin inconnu, où les repères habituels sont absents. Les déplacements parfois quotidiens, l’exigence d’immobilité, la solitude face à la machine au moment symbolique de la réalisation du traitement ou encore l’emploi de systèmes de contention tels les masques sont autant de circonstances du traitement qui participent à une représentation et un vécu singuliers. Ces conditions peuvent donner le goût amer d’une médecine dépersonnalisée et purement technique, pouvant provoquer chez les personnes ou leurs proches un sentiment de réification.
Que pourrait alors signifier respecter la personne en fin de vie dans de tels services ? Les personnes en fin de vie, au-delà de la réalisation d’une compétence technique, attendent de nous le témoignage de notre attention et de notre accueil dans ces lieux qui peuvent susciter la peur. Ne résumer notre intervention qu’à l’application de rayonnements serait nous réduire à de simples techniciens, plus intéressés par des images que par des personnes, incapables de sortir d’une posture d’application rigide de procédures.
Pour la personne, cet espace s’articule autour de moments clés de la prise en charge : la consultation pré-thérapeutique, l’avant et l’après de la séance de radiothérapie, mais aussi les instants d’accueil dans les services. Il s’agit de temps de rencontre, de dialogue et de réassurance. Les conditions de la séance sont incontournables, mais ne sont en rien la seule expression de notre acte de soin. Le soin prodigué en radiothérapie est avant tout cette attention portée à la personne que la maladie, la souffrance ou le sentiment de perdition rendent vulnérables.
 

Une décision mesurée, adaptée et acceptée

Respecter la personne, c’est d’abord n’appliquer ce traitement qu’en cas de véritable nécessité. Si la radiothérapie est un traitement spécifique du cancer, elle constitue aussi un traitement symptomatique, avec pour visée d’améliorer les conditions quotidiennes de la fin de la vie. Il est question de donner un sens pratique, à court terme, à ce qui est proposé, qu’il s’agisse de traiter ou de ne pas traiter. La complexité de ces situations nous amène à davantage détailler notre réponse, à repenser une procédure parfois automatique. Et la justesse de la décision ne relève pas seulement du « faire » ou du « ne pas faire », mais aussi du « quand » et du « comment ». Les médecins radiothérapeutes ont un devoir d’information et de dialogue essentiel à la compréhension et à l’adhésion des personnes, afin qu’une décision mesurée, adaptée et acceptée de part et d’autre puisse être prise. Cette attention portée à la personne se traduit concrètement par le choix du nombre de séances, l’adaptation du calendrier à des priorités personnelles. Il peut s’agir aussi de ne pas faire le traitement et de n’exposer la personne à des effets secondaires qu’au moment où elle considère ses symptômes comme envahissants pour sa qualité de vie.
Replacer la personne au centre du soin, remettre en cause des habitudes techniques, entendre la parole et pouvoir donner un sens partagé au traitement doivent être des exigences fortes en radiothérapie. Cet exercice d’éthique pratique quotidienne nous implique dans la réalité des personnes que nous sommes amenés à rencontrer, à accompagner et pas seulement à traiter. La maladie cancéreuse nous incite à déployer notre compétence de techniciens ; la singularité des
personnes dans leur histoire, leurs représentations, leurs valeurs nous appelle à accueillir la difficulté de leur situation et à y répondre en tant que soignants, en tant que personnes.