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Proposition pour une vision du soin

"Si la science a besoin d’objectivable et de reproductible, le soin a besoin de singulier et d’unicité. Aristote le dit ainsi : - Seul ce qui est de l’ordre du singulier peut être objet de traitement. -"

Par: Jean-Guilhem Xerri, Praticien hospitalier, ANAP /

Publié le : 17 Décembre 2015

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.

L’humanité est en pleine évolution, et le soin, au cœur de cette humanité, en est affecté. Culture et soin s’altèrent l’un l’autre. Les propos de Hanna Arendt éclairent ce propos: « La culture s’enracine dans le soin, soigner et cultiver sont inséparables. » Le soin est un reflet de la société. Ce qui le traverse vient de son environnement culturel et ses lignes de force trouvent leur origine dans celles qui caractérisent notre monde, libérales, technicistes et informationnelles. Si le soin vit une mutation profonde, s’il change de modèle, de paradigme, c’est-à-dire s’il voit évoluer les références qui l’ont tenu pendant des siècles pour entrer dans un nouveau cadre, c’est que notre société elle-même dans son ensemble se transforme en profondeur.
Notre société devient de plus en plus technique, gestionnaire et informationnelle. Ce modèle s’étend aussi au champ sanitaire et social. Toutes les dimensions du soin : technique, morale, relationnelle et spirituelle en sont affectées.
Si la science a besoin d’objectivable et de reproductible, le soin a besoin de singulier et d’unicité. Aristote le dit ainsi : « Seul ce qui est de l’ordre du singulier peut être objet de traitement. »
Notre société se trouve devant une alternative : un soin soumis à la seule logique économique et technologique, ou bien un soin qui assume pleinement ses différentes dimensions technique, relationnelle et spirituelle. Une dimension spirituelle qui donne du sens, qui repose sur une vision de l’Homme dans toutes ses dimensions, qui s’appuie sur des vertus anthropologiques partagées et expérimentées dans toute existence et qui laisse place et sens aux plus fragiles d’entre nous. En effet, au-delà de ses aspects de gestion, d’organisation et de moyens, la question du soin est profondément anthropologique. Le soin est une histoire d’Homme, et donc d’hommes et de femmes, de chair et de sang, d’intelligences et de passions. Il est une relation entre des personnes fragilisées et d’autres qui tentent de les soulager, avec ce qu’ils sont; les uns devenant un jour les autres. Le soin bat au même pouls que l’humanité.
Le soin a l’avenir devant lui, il aura les contours de notre future humanité : aveuglés de mirages technologiques, deviendrons-nous des êtres chosifiés bio-informatiques membres d’une société informationnelle où seuls les plus utiles d’entre nous auront leur place ou bien des personnes dotées d’âme et d’épaisseur humaine, portant des fragilités, capables de gratuité et douées d’intériorité ?