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Partager notre espoir
Témoignage d'une mère accompagnant son fils, dans un état végétatif persistant. Elle revient dans cet article sur la spécificité de l'accompagnement qui se lie dans ce type de situation.
Par: Claude Girault, Mère d'Alban, malade en état végétatif persistant à l'hôpital Maritime de Berck, AP-HP /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique n°15-16-17-18, 2002. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Alban a fait un infarctus à 39 ans, avec trois arrêts cardiaques. Il est depuis dans un état végétatif persistant.
Le Samu l'a transporté à l'hôpital Foch de Suresnes où une jeune femme m'a annoncé que mon fils n'avait plus que 3 heures à vivre ! Pas un mot gentil, pas un égard, me refusant même de rester près de lui. Heureusement, mon fils est toujours là, mais je ne souhaite à personne la nuit que j'ai vécu.
La longue nuit
Au bout de 3 mois en réanimation à Foch, le médecin m'a affirmé qu'il n'y avait qu'un seul endroit pour mon fils, à Briançon, où les meilleurs soins lui seraient donnés (stimulation, rééducation). Il me le répétait chaque jour pour que je finisse par accepter. J'avais confiance en lui et, malgré des nuits sans sommeil et l'espoir d'une solution plus proche de Paris, j'ai accepté. Mon fils s'est retrouvé dans un mouroir !
Grands furent alors ma désillusion et mon écœurement. Je ne pouvais voir mon fils qu'une fois par mois, car le voyage en train, de nuit, n'était pas facile. À chaque retour, je ne pensais plus le revoir. Cet éloignement nous donne un chagrin supplémentaire dont nous n'avons pas besoin. J'ai vu des drames : une jeune femme couchait l'hiver dans une camionnette, ne pouvant se payer une chambre d'hôtel. Des proches, faute de moyens, ne venaient que tous les 3 mois, repartant désespérés de laisser leurs malades loin d'eux.
Pendant un an j'ai cherché dans les hôpitaux de Paris et de proche banlieue un endroit qui accueillerait mon fils. Je n'ai rencontré que des refus, souvent peu aimables. J'avais le sentiment que mon fils n'était plus rien ! Sauver les gens c'est bien, mais il faudrait ensuite que les médecins les accompagnent jusqu'au bout.
Notre maison à tous les deux
Grâce à l'initiative et à la générosité de sa directrice, du médecin chef et au volontariat des soignants, un service destiné à des malades lourdement atteints a été ouvert à l'hôpital Maritime de Berck. Il m'a finalement été possible de l'y faire transférer. Les choses ont alors complètement changé. Là, on ne considère pas nos malades comme des légumes ou des morts-vivants mais comme des patients à part entière qui sont traités avec tout le respect qui leur est dû».
Le confort hospitalier est très agréable (une grande chambre claire avec une porte-fenêtre donnant sur une terrasse), ce qui me permet de promener mon fils au soleil ou pour moi, de sortir fumer une cigarette et de me détendre en regardant la mer.
Depuis, Berck c'est ma famille. Au cours de son séjour, l'état de santé de mon fils a nécessité un transfert en réanimation dans un autre centre hospitalier berckois. Je disais qu'il fallait que cela aille très vite pour rentrer à Maritime, notre maison à tous les deux !
Mon rapport avec les soignants est superbe. Lorsque mon fils allait si mal, ils étaient constamment auprès de moi. Il faut aussi souligner le plus important : leur compétence, leur disponibilité, une présence joyeuse faite de rires et d'optimisme, ce qui nous est très précieux. Après ces longues années passées avec eux, un lien
d'amitié s'est créé entre nous, encore un grand “plus" pour moi car je les aime beaucoup.
Je sais que mon fils peut disparaître du jour au lendemain, ne jamais se réveiller ou avec des séquelles épouvantables. Nous le rappeler sans arrêt est d'une cruauté qui nous démolit complètement. Jamais les médecins n'enlèveront mon espoir, car alors, je ne pourrais plus continuer de lutter, et cela n'est pas pensable pour moi.
Besoin de ceux qui les aiment
Je crois que l'on peut se poser des questions sur ces états végétatifs car le jour où mon fils était au plus mal, il m'a distinctement dit trois fois " Maman… " en présence d'une infirmière. Il n'a pas de trachéotomie, m'entend bien, me suit des yeux, regarde la télévision. Depuis que je suis près de lui tous les jours, je le trouve plus détendu. Il a repris son poids normal, est en très bonne forme physique, ce qui prouve bien l'importance de la présence de ceux qui les aiment auprès des malades.
Au nom de tous ces malades, très jeunes pour la plupart, je vous supplie d'ouvrir des lieux d'accueil dignes d'eux, avec les mêmes soins que ceux qui sont prodigués à Maritime, le plus proche possible des familles. Les malades ont tellement besoin de ceux qui les aiment. C'est ce que je souhaite pour toutes ces familles si douloureusement atteintes et surtout pour les patients : qu'ils aient la chance que j'ai eue pour mon fils et pour moi d'être à l'hôpital Maritime de Berck.