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Partageons-nous une même idée de la dignité ?

Intervention donnée dans le cadre du Cercle philosophie, éthique & cancer de l'Institut Rafaël le 10 janvier 2022

Par: Cristina Poletto-Forget, Professeure agrégée de philosophie au lycée Henri IV, Paris /

Publié le : 25 Janvier 2022

Partager la même idée de la dignité serait partager la même idée de l’homme

Le terme dignité vient du latin dignitas, qualité qui attire la considération, l’estime et le prestige. Reconnaître la dignité d’un être c’est  juger qu’il mérite d’être honoré, c’est le distinguer des autres en le gratifiant d’admiration, d’hommages. La dignité est donc a priori ce qui inspire le respect et l’honneur.
Le présupposé serait alors que nous ne sommes pas tous égaux devant la dignité. Certains seraient jugés dignes, d’autres non.

Mais immédiatement surgissent plusieurs problèmes :
  • Quels seraient les critères permettant de distinguer le digne de l’indigne?
  • Comment pourrait-on gagner en dignité, la conserver ou la perdre ?
  • Qui est autorisé à juger ?  Par quelle autorité ?

Pour partager la même idée de la dignité, il faut donc se mettre d’accord :
- sur la nature de cette qualité ou vertu ;
- sur les signes qui permettent de la reconnaître chez soi ou chez autrui ;
- sur la légitimité du juge qui décerne ou retire la dignité ;
- sur le droit de chacun à contester le jugement qui ne lui accorde pas ou qui lui retire cette dignité.

Historiquement, on peut faire remonter l’idée de dignité aux stoïciens, néanmoins c’est dans l’humanisme du XVIème siècle qu’elle se fait principe universel de dignité avec Pic de la  Mirandole[1]. Se développe dans cet humanisme l’idée que la dignité ne serait pas due à un mérite précis mais à la nature même de tout être humain. On voit naître l’hypothèse  d’une égalité des hommes autour de la notion de dignité, sans distinction de rang social, de croyance ou de vertu particulière.

Cette approche humaniste nous amènerait à un premier point : partager la même idée de la dignité serait partager la même idée de l’homme.

C’est ce qui semble repris dans le Préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :
« La reconnaissance de la dignité inhérente* à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »
*inhérent : qui est attaché à, qui ne peut être séparé de, ni en pratique, ni en théorie.

Défendre ses droits inaliénables d’être humain c’est avant tout défendre sa dignité

La dignité serait l’essence de l’être humain, l’essence étant ce sans quoi un être n’est pas ce qu’il est. Elle est ici qualifiée d’inaliénable :
- on ne peut lui prendre ;
- il ne peut lui-même l’abandonner.
Inutile alors de juger de la dignité ou de l’indignité d’un homme. Juger que l’autre est un homme suffit à lui conférer une dignité absolue. Me dire indigne c’est me dire inhumain ; me traiter indignement c’est me déshumaniser, ne pas voir l’humain en moi ou vouloir le détruire.
Me dire indigne serait m’exclure de l’humanité, me discriminer comme non membre de la famille humaine. Me traiter moi-même indignement serait vouloir être ce que je ne suis pas : une chose ou une bête. Se dire ou se penser indigne serait se penser inhumain, s’exclure soi-même de la famille humaine.

La dignité est un droit, exigible de tout autre, individu comme institution. Défendre ses droits inaliénables d’être humain c’est avant tout défendre sa dignité.
Il n’y a pas de société libre, juste et paisible sans ce respect absolu et sans réserve de la dignité de chacun

Cette première approche nous amène à un deuxième point : la dignité est une idée éthique, politique, juridique. Ce dernier caractère est repris dans l’article Premier de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :
« Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits. »
On note ce rajout nécessaire à la déclaration de 1789 qui déclarait les hommes égaux en droits mais pas encore en dignité. La déclaration de 1948 abolit toute notion de gradient ou d’échelle de dignité, nul ne peut être considéré plus ou moins digne d’un autre.

Mais ces définitions restent théoriques et nous voudrions dans un  troisième point rapprocher l’idée de dignité du respect du corps humain, comme évoqué dans le Code civil : Chap. II, Du respect du corps humain, Art. 16. – « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. (...)Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable » (16.1)
Je suis une personne globale,  pas un esprit + un corps, il est impossible  de séparer l’un de l’autre, de traiter dignement l’un en méprisant l’autre. Impossible de dissocier un être humain en traitant son corps comme un objet, un pur mécanisme, un organisme biologique sain ou malade, un moyen (de plaisir, de profit, d’études....).

Tout corps humain, y compris après la mort est défini par sa dignité : il possède des droits inaliénables. Le consentement (cf. loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) ou la recherche de l’assentiment du sujet pour toute intervention sur lui (pour recherche ou soin, de son vivant ou post-mortem) est nécessaire. Ce corps reste digne de respect quel que soit sa pathologie, sa faiblesse. Ceci n’est pas un corps mais le corps digne d’un être humain : ce statut le protège, pose à autrui des obligations et des interdits.
[1] De la dignité humaine. 1486.

L’idée de dignité renvoie alors à celle de décence et de bienveillance, ce sera notre quatrième approche : chaque être humain a droit à un traitement décent 

Qu’est-ce qu’un traitement décent ? Decens  en latin désigne ce qui convient, qui est proportionné, harmonieux, bien fait.
La décence suppose la bienfaisance, la volonté de s’adapter à la personne de l’autre, à ses besoins. Dignanter : en latin signifie la bienveillance.
Être digne c’est donc agir avec bienveillance envers autrui, avec bonté, courtoisie. La dignité est une valeur réciproque. Elle consiste à s’adapter à la personne de l’autre, à ses besoins. Elle me demande d’écouter l’autre, de le regarder, l’envisager comme le proposait le philosophe Emmanuel Levinas

Mais traiter autrui dignement est-ce traiter tous les hommes de la même façon ?
L’idée de dignité renvoie-t-elle à l’égalité ou à l’équité (à chacun selon besoins et demandes)?
Il apparaît que traiter l’autre dignement n’est pas traiter tout le monde également. L’égalité de traitement peut générer un traitement indigne. Il est nécessaire de prendre la mesure de l’autre, d’agir proportionnellement à ses valeurs, à ses choix, d’anticiper ce qui pourrait causer souffrance, humiliation ou honte. Le traitement uniformisé de toute personne est en soi indigne.

Nous arrivons ainsi à une première synthèse de ces diverses réflexions : la dignité est inhérente à tout être humain, mais traiter autrui dignement c’est lui porter attention, écouter sa demande et ses besoins individuels. S’il n’y a qu’une idée de la dignité et que nous pouvons la partager, il faut néanmoins traiter l’autre dignement et individuellement en fonction de son existence particulière. C’est à moi de me demander comment être digne de l’autre dans mon comportement envers lui, dans ma parole, dans mon regard. Il existe ainsi autant de manière d’être digne envers autrui que d’existences face à moi ou avec moi.

Je ne dois  jamais oublier que je suis digne de mon humanité

Cela nous mène à envisager la dignité comme une modalité possible du respect et ce sera notre cinquième point.
Le chapitre 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne (18 décembre 2000) affirme dans son premier article (De la dignité), que « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

La dignité est ici conjointe au respect : respecter autrui c’est ne pas lui causer tort, moral ou physique. C’est également garder de la distance, ne pas le blesser, ne pas nuire, ne pas détruire. Pour autant la dignité est plus que le respect.
La définition du respect dans la philosophie morale classique réserve le respect aux seuls hommes (Kant). Aujourd’hui le respect peut être élargi : je peux respecter la nature, la vie en général. La dignité demeure, elle, réservée à l’exception humaine : c’est le devoir de porter attention aux autres et à soi-même. C’est aussi ne pas se négliger ni négliger autrui, ne pas s’oublier ni oublier autrui. Je ne dois  jamais oublier que je suis digne de mon humanité.

L’article précise aussi que la dignité doit-être protégée : cela suppose qu’elle peut être menacée, attaquée, qu’on pourrait essayer de la prendre, de me l’ôter , de séparer ce qui est inaliénable. M’ôter ma dignité me détruirait tout entier puisque la dignité est l’essence de l’homme. Défendre la dignité ou sa dignité serait donc défendre l’humanité.
Cette protection revêt la forme d’un devoir, devoir de la communauté à offrir une vie digne à chacun, devoir essentiel selon la philosophe Judith Butler.
Les textes de lois ont essayé de définir cette vie digne : vie indépendante qui permet l’autonomie de choix et la participation à la vie sociale et culturelle. Mais comment faire valoir ses droits à une vie digne lorsque l’on est soi-même en position de vulnérabilité ?
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé le rappelle : « la personne malade a droit à la dignité. »
Chacun doit pouvoir conserver sa dignité jusqu’à la fin de sa vie, puisque la dignité est essentielle et inaliénable : on ne peut me l’ôter sous prétexte d’âge, de santé ou de quelque autre critère.
Non seulement on ne peut me l’ôter mais on doit la protéger pour moi quand je ne suis plus en totale capacité de le faire. C’est un devoir de sauvegarder la dignité de tout homme.
On ne peut sauver une personne sans sauver sa dignité.
Une société qui ne garantit pas des vies dignes est elle-même indigne, ce sera le sixième moment de notre réflexion.
Une société qui choisirait qui mérite d’être traité dignement et qui ne l’est pas ou plus serait une société inégalitaire, injuste, immorale et fondée sur la discrimination et l’exclusion. La famille humaine ne serait plus une,  la fraternité serait remplacée par une hiérarchie de dignités. Au bas de la société  survivraient des hommes traités comme des animaux ou des choses.
Une société qui ne protègerait plus la dignité de tous serait une société violente, chacun devrait défendre sa dignité comme il le peut et autant qu’il le pourrait dans un individualisme effrayant. Nous nous rapprocherions de la figure du « Homo Homini lupus » de Plaute reprise par Hobbes. Mais n’oublions pas la suite de cette citation toujours tronquée « L’homme est un loup pour l’homme à l’état de nature, l’homme est un dieu pour l’homme à l’état social ».
Le rôle d’une société soucieuse du bien commun et de l’intérêt général serait de veiller au respect de la dignité de tous, citoyens comme non citoyens, surtout lorsqu’ils ne sont plus en mesure de la faire respecter par leur propre autorité, leur propre pouvoir.

Rester indifférent serait-il signe de force morale ? Il faudrait tenir bon, soutenir le choc, endurer, supporter une douleur ou une fatigue sans jamais se plaindre, prendre sur soi et gagner sur soi. Celui qui ne supporterait pas, ne retiendrait pas ses cris et ses plaintes se conduirait-il indignement ? Serait-il manquant de courage et de dignité ? La dignité ne serait dans ce cas ni inhérente ni inaliénable. Je pourrais la perdre par manque de volonté, de courage, de tenue.

La perte de la dignité est toujours dans le regard que la société et ses membres porte sur un « autre »humain 

L’idée de dignité renverrait à la reconnaissance de l’autre comme personne de la part de la société comme de tous ses membres, c’est ce qui apparaît en cette 7ème approche. La perte de la dignité est toujours dans le regard que la société et ses membres porte sur un « autre »humain : l’autre n’est plus l’alter-ego, il est différence.
Or la dignité ne suppose pas l’identité mais l’humanité : une personne qui a perdu une partie de ses capacités déroge aux définitions utilitaristes de l’être humain. Mais les pertes de  capacités ne peuvent faire de l’homme un simple corps abandonné de son humanité et de sa dignité.
Ce n’est pas l’autre qui a perdu sa dignité, c’est moi qui ne veut pas la voir car je refuse de me reconnaître dans une personne vulnérable, je refuse de voir en elle un humain souffrant comme tout humain peut l’être. Je refuse à l’autre un regard bienfaisant, décent. C’est mon regard qui change, pas la dignité de l’autre. Je lui cause injustice en ne voulant pas reconnaître ses droits, en voulant lui prendre ce qui lui appartient en propre, c’est moi qui commet une indignité en traitant un homme de manière inhumaine.
Protéger la dignité c’est s’indigner de la non reconnaissance de l’essence de l’homme en tout être humain.
« Nous ne sommes pas nés égaux, nous ne le devenons en tant que membre d’un groupe qu’en vertu de notre décision de garantir des droits égaux aux uns et aux autres. »[1]

La dignité ne serait donc pas une réalité ni une qualité naturelle mais une convention morale et sociale, ce qui ajoute une huitième caractéristique à notre tentative de définir une idée commune. La dignité ne serait pas un être séparé de la relation à l’autre et à la communauté, mais plutôt un effort conjoint pour garantir à l’ensemble de la famille  humaine sa cohérence.
Ce n’est pas à chacun de garantir la dignité de l’autre, mais cette garantie est celle de tous envers chacun. Il s’agit de traiter tout autre comme membre d’une communauté globale humaine. Traiter une personne humaine comme une simple individualité détachée, c’est comme le dit Arendt[2], le pousser « vers des conditions de vie barbares ».
 

Devant la crainte de perdre sa dignité se profile la honte devant l’expression légitime de la souffrance, de la peur, de la fatigue

Une deuxième synthèse est alors possible : la dignité n’est pas une qualité innée et passive, c’est une volonté morale et politique de constituer une collectivité inclusive dont nul ne pourra sortir de son gré ou contre son gré.
Nous retrouvons ici l’idéal cosmopolite des stoïciens, inventeurs de la philanthrôpia grecque (confraternité) qui deviendra l’humanitas latine. Je ne peux ressentir aucune inquiétante étrangeté face à un autre homme, « par cela qu’il est un homme, un homme ne doit pas être étranger pour un homme. [3]», Cicéron fait ici écho aux sublimes vers de Terence :
« Homo sum ; humani nihil a me alienum puto » : « Je suis un homme et rien d’humain ne m’est étranger ».

Pour autant nous devons nous méfier de la mauvaise interprétation du stoïcisme  qui vise à faire de la dignité la capacité à se faire indifférent à la douleur et aux malheurs. Ce sera notre neuvième ajout.
Cette caricature du stoïcisme ne retient que la sentence attribuée à Epictète « Sustine et  abstine », « Supporte et abstiens toi ».

Sustinere  signifie en latin se porter, se tenir. C’est retenir ses larmes, ses cris, sa colère.
Rester indifférent serait-il signe de force morale ? Il faudrait tenir bon, soutenir le choc, endurer, supporter une douleur ou une fatigue sans jamais se plaindre, prendre sur soi et gagner sur soi.
Celui qui ne supporterait pas, ne retiendrait pas ses cris et ses plaintes se conduirait-il indignement ? Serait-il manquant de courage et de dignité ? La dignité  ne serait dans ce cas ni inhérente ni inaliénable. Je pourrais la perdre par manque de volonté, de courage, de tenue.
On pourrait me juger indigne, et je n’aurais à m’en prendre qu’à moi. Ce ne serait pas l’autre qui me prendrait ma dignité mais moi qui ne serais pas digne de la conserver.

Il faudrait gagner contre soi  mais on n’est jamais en guerre contre soi : le concept grec de philos autos, être l’ami de soi-même, nous montre que chaque homme est son propre conseiller, son veilleur, son bienveillant. Celui qui souffre et qui crie, qui pleure, qui jure, qui tremble n’en est pas moins méritant que celui qui se tait. On assiste dans cette valorisation du silence à la culpabilisation de celui qui souffre et l’exprime. Être obligé de « rester digne »  est se faire violence voire développer  la honte de soi.
Devant la crainte de perdre sa dignité se profile la honte devant l’expression légitime de la souffrance, de la peur, de la fatigue. J’ai le droit d’être ce que je suis, douloureux, inquiet, tremblant, fatigué.  Ce serait double peine de combattre la souffrance et soi-même

La sentence évoque aussi l’abstinere : l’abstinence, la retenue, la réserve.
Pourquoi là encore retenir l’expression de sa douleur, de ses craintes, de ses doutes ? 
Ab stinere  c’est se tenir loin, loin de soi, de son propre vécu, se dissocier, devenir spectateur de soi-même. Le but n’est pas de s’épargner, de se protéger, comme dans l’hypnose où l’attention est détournée pour soulager l’appréhension ou la douleur, le but est de concevoir ce vécu comme étranger. Cette attitude faussement stoïcienne mène à la haine et au dégoût de soi, c’est  montrer et se montrer un visage faux.
Celui qui oserait faire trop de bruit serait incapable de se tenir, serait un faible qui ferait l’enfant. A moi de mimer une idée de dignité qui n’est pas mienne...
Or peut-on juger de la valeur d’un être humain à sa capacité à supporter et à s’abstenir ? Le criminel peut retenir ses pleurs, ce n’est pas un signe de vertu ni de moralité.
S’abstenir supposerait une résistance passive à l’agression d’autrui (qui me traiterait indignement et injustement), supposerait une attitude indifférente à la maladie, la souffrance, au deuil. Mais pire, cela supposerait que l’indignation soit exclue : or l’indignation est un droit et peut-être un devoir (Stéphane Hessel).
On ne peut donc reprocher à personne d’avoir une attitude indigne parce qu’il pleure, qu’il ne serre pas les dents, crie parce qu’il souffre moralement ou physiquement. Ce serait lui reprocher d’être ce qu’il est, de vivre ce qu’il vit
 

Être digne c’est éprouver cette dignité inaliénable en soi et en l’autre

Et nous arrivons à notre toute dernière synthèse avant de conclure : la dignité n’est pas l’indifférence. Elle donne droit à l’indignation, devant le traitement d’autrui ou de soi-même, la situation, la douleur ou la mort.
La dignité s’oppose à la honte : quel que je sois je dois me rappeler ma dignité inhérente, je peux avoir honte de certains de mes actes, jamais de ma vulnérabilité, jamais de mon humanité. La dignité est une idée que l’on peut partager comme principe universel d’humanité, idée qui ne suppose pas une pratique unique. Il s’agit de s’approprier cette idée, de la ramener à la singularité des existences, des situations
Être digne c’est  éprouver cette dignité inaliénable en soi et en l’autre, chercher une manière de partager cette humanité avec autrui, reconnaître tout autre comme un proche et un prochain. C’est aussi rechercher une conduite toujours nouvelle, toujours dans l’attention à soi-même et à l’autre

En conclusion nous pouvons reprendre la notion kantienne d’une dignité hors de prix.
Dans les Fondements de la Métaphysique des Mœurs[4] Kant distingue ce qui a un prix et ce qui a une dignité
« Dans le règne des fins tout à un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut-être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, d’équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. »

Nul n’est remplaçable. Posséder une dignité c’est posséder une valeur incomparable et inconditionnée.
Dans un monde où tout a un prix marchand, la dignité reste l’exception, la valeur absolue que nul ne peut évaluer ni dévaluer

« La moralité, c’est donc ce qui  seul a de la dignité. »[5]
 
[1] Hannah Arendt, Il n’y a qu’un seul droit humain, 1949, trad. Emmanuel Alloa, p.108, ed. Payot.
[2] Ibid, p.111.
[3] Cicéron, Des fins, des biens et des maux, Trad. Bréhier, Pléiade I, II, 19, 63.
Cité par Paul Audi, L’empire de la compassion, p.51.
[4] Deuxième section, trad. Delbos, pp152-154 Vrin, 434-436.
[5] Ibid.