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Mourir en gériatrie à l’hôpital ?

"Les services de gériatrie sont particulièrement concernés par les situations de fin de vie, que ce soit en court séjour, en soins de suite ou en soins de longue durée. Dans ces unités, les médecins et les soignants font de leur mieux pour accompagner les personnes en fin de vie, en évitant les souffrances et l’acharnement thérapeutique."

Par: Christophe Trivalle, Médecin gériatre, CHU de Bicêtre, AP-HP /

Publié le : 04 Février 2015

Difficulté d’anticiper

Une large majorité des Français souhaite mourir à domicile. Pourtant, quand on regarde les données officielles (INSEE), on constate que seulement 25 % décèdent effectivement chez eux, et le plus souvent de mort subite, non prévisible. La majorité des décès (57 %) a lieu à l’hôpital et 12 % en maison de retraite. Faut-il y voir un échec de notre système de santé ? Une négligence de notre société qui ne respecte pas les souhaits de ses concitoyens ?
En maison de retraite, beaucoup de structures (mais pas toutes), essentiellement par manque de personnel la nuit, ont mis en place une organisation pour assurer les soins jusqu’au décès et éviter un transfert à l’hôpital. Mais même pour des familles très volontaires et très impliquées (ou pour des maisons de retraite bien organisées), il arrive que la situation à domicile soit trop difficile et le SAMU ou les pompiers sont appelés pour un transfert aux urgences. Ce qui explique un nombre important de décès (13 000 par an) dans ces structures qui ne sont pas adaptées. Dans l’idéal, il faut bien-sûr éviter cette situation. Mais face à ce constat, on pourrait toutefois déjà proposer des formations spécifiques aux urgentistes et à leurs équipes et prévoir des locaux adaptés pour assurer ces fins de vie dans de meilleures conditions.
Les services de gériatrie sont particulièrement concernés par les situations de fin de vie, que ce soit en court séjour, en soins de suite ou en soins de longue durée. Dans ces unités, les médecins et les soignants font de leur mieux pour accompagner les personnes en fin de vie, en évitant les souffrances et l’acharnement thérapeutique. Mais un autre risque face auquel il faut rester vigilant en gériatrie est l’abandon thérapeutique qui consiste à ne pas donner un traitement ou ne pas pratiquer un geste chirurgical qui serait pourtant bénéfique au malade.
Une situation particulière concerne la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Dans cette pathologie, l’absence de reconnaissance des troubles par le malade lui donne l’impression que tout va bien. Dès lors, il est délicat d’anticiper et de prendre des décisions pour l’avenir.
 

Un pronostic peu prévisible

Nous avons dans le service un patient qui avait été adressé il y a deux ans dans l’unité de soins palliatifs pour un cancer métastasé en phase terminale. Après quelques jours d’observation, de réhydratation et d’alimentation correcte, ce malade a retrouvé son autonomie et s’est mis à déambuler sans but précis. Les troubles liés à sa maladie d’Alzheimer se sont amplifiés et il a été retrouvé plusieurs fois dans la rue, errant et ramené par la police. Face à l’impossibilité d’établir un pronostic vital quant à sa pathologie cancéreuse, il a finalement été transféré dans notre unité sécurisée pour malades déambulants puis, plusieurs mois plus tard, en soins de longue durée. Deux ans après, il est toujours vivant, participe aux animations et s’est bien adapté à l’institution. Sa pathologie cancéreuse continue bien sûr d’évoluer, mais il a une bonne qualité de vie.
Combien de fois avons-nous appelé les familles de certains malades ayant une pathologie très évoluée pour leur annoncer un avis d’aggravation et un risque de décès imminent ? Une décision collégiale était alors prise pour aller vers des soins de confort. Un arrêt de traitement, de perfusion, voire d’alimentation était décidé. Et, quelques jours plus tard, le malade allait mieux, se réalimentait et se remettait à marcher. La médecine n’est pas une science exacte et, bien souvent, il est difficile d’avoir des éléments de certitudes quant à une évolution, parfois même un diagnostic. Décider à l’avance de certaines options thérapeutiques est donc quelque chose d’assez théorique et un peu utopique.
Il faut savoir quaujourd’hui, à l’hôpital comme en maison de retraite, rares sont les malades âgés qui ont rédigé des directives anticipées. Beaucoup ont par contre organisé leurs funérailles, en particulier pour ne pas laisser une charge financière à leur famille. Aucun malade âgé ne comprend la démarche de la personne de confiance (ce n’est pas un souhait qu’ils expriment), mais ils ont tous un référent familial (ou amical pour les plus isolés) qui les aide dans leurs démarches et pour les décisions difficiles.