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Maladies monogéniques : un pouvoir prédictif parfois limité du test génétique ?

Court article traitant des liens entre tests génétiques et maladies monogéniques, extrait du numéro de La Lettre de l'Espace éthique consacré aux tests génétiques.

Par: Josué Feingold, Consultant à la Consultation de Génétique Clinique (Département de Génétique, Cytogénétique) /

Publié le : 17 juin 2003

Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°2, Les tests génétique : grandeur et servitude. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.

 

L'identification d'un gène impliqué dans une maladie héréditaire, permet la mise au point d'un test génétique par l'étude des mutations délétères. Ce test peut être diagnostique chez un sujet malade ou, au contraire, présymptomatique chez un sujet à risque. Cependant, de nombreux exemples montrent que le test génétique ne résout pas les problèmes qui se posent au malade, au sujet à risque et au médecin. Les principales difficultés sont dues à la pénétrance incomplète et à l'expressivité variable de certaines maladies, à l'hétérogénéité allélique et génétique, aux problèmes posés par les néo-mutations et les mosaïques gonadiques. À l'aide de quelques exemples, nous essayerons d'illustrer ces difficultés.

 

La neurofibromatose de type 1

Il s'agit d'une maladie dominante autosomique. L'expressivité clinique de la maladie est extrêmement variable, même chez des sujets porteurs de la même mutation délétère. Ainsi, dans une même famille, chez des sujets ayant par conséquent la même mutation, la maladie peut être bénigne, se réduisant à quelques tâches de couleur café au lait et à quelques neurofibromes. D'autres sujets, au contraire, ont une maladie grave, s'accompagnant, selon les cas, d'une tumeur cérébrale, d'un retard mental ou d'une scoliose importante. Dans cette maladie, le test génétique n'a donc aucune valeur pronostique, en ce qui a trait à la gravité de la maladie. En outre, sa réalisation est difficile : la taille du gène est grande et les mutations nombreuses.

 

L'hémochromatose génétique

Cette maladie due à une surcharge en fer, se transmet selon le mode récessif autosomique. L'identification du gène HFE impliqué dans la maladie et la mise en évidence de deux mutations principales (C282Y et H63D), ont montré que les faits étaient très complexes. En effet, la pénétrance des génotypes pathologiques est incomplète. Elle est nettement plus importante, mais non complète, chez les sujets homozygotes C282Y et relativement ou nettement plus faible pour les autres génotypes. En outre, certains sujets, bien que malades, ne sont porteurs d'aucune mutation. En outre, la situation est encore plus complexe si l'on considère que la maladie est hétérogène sur le plan génétique : au moins trois autres locus peuvent être à l'origine de la maladie.

En tenant compte de l'ensemble de ces faits, il est clair que les premiers examens à réaliser, pour porter le diagnostic chez une personnes symptomatique ou pour dépister les malades en population, ne sont pas les tests génétiques mais l'étude de la surcharge en fer (coefficient de saturation de la transferrine, dosage de la ferritinémie).

 

Les thrombophilies

La découverte de nombreuses mutations impliquées dans la thrombose veineuse a entraîné une utilisation abusive de tests génétiques. La mutation dite de Leiden du facteur V, est la plus fréquente de ces anomalies génétiques. Sa prévalence est de 5 à 10 %. Cependant, des études récentes ont montré que la susceptibilité à la thrombophilie n'est réellement augmentée que si le sujet est porteur de deux anomalies ; de même le risque de récidive n'est accru que dans ce dernier cas. Malgré ces études épidémiologiques, la recherche d'une mutation du facteur V est prescrite d'une façon abusive, sans qu'on ait démontré, rappelons-le, l'intérêt de cet examen pour le patient.

 

À propos d'autres maladies

Les faits que nous venons de rapporter sont observés dans de nombreuses autres maladies héréditaires. Quelques autres exemples montrent la difficulté d'interpréter le résultat d'un test génétique.

- Les mosaïques gonadiques sont plus fréquentes qu'on ne le pensait. Une personne apparemment non porteuse d'une mutation délétère, peut avoir plusieurs enfants porteurs ou malades. C'est le cas, en particulier, de la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne : une femme non porteuse d'une mutation du gène de la dystrophine peut avoir deux garçons myopathes, porteurs de la même mutation.

- La pénétrance incomplète et l'expressivité variable sont observées dans de nombreuses maladies dominantes. Citons la maladie de Charcot-Marie-Tooth, les dystonies héréditaires, certaines formes de cancer héréditaire, etc.

- L'hétérogénéité allélique et génétique est très fréquente dans de très nombreuses maladies héréditaires, rendant difficile la réalisation d'un test génétique. On a décrit plus de 800 mutations du gène CFTR qui sont à l'origine de la mucoviscidose ; de nombreux locus sont impliqués dans les surdités héréditaires et les dégénérescences de la rétine.

Un test génétique ne doit donc être réalisé qu'après une information complète communiquée par le médecin prescripteur, et s'il s'avère réellement utile pour la prise en charge de la personne étudiée.