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L’indispensable des visites dans l’environnement hospitalier

Aujourd’hui encore, même si les directives à ce sujet sont très dépendantes des cultures des services, les visites continuent généralement d’être limitées. Ces restrictions ne sont pas toujours en lien avec la gravité de l’état du-de la patient-e hospitalisé-e ni avec la technicité des soins.

Par: Susie Georges-Jardin, Psychologue clinicienne /

Publié le : 20 Juillet 2023

Nous avons pu voir combien la première vague du Covid-19 a mis à mal l’organisation des services hospitaliers et, avec eux, les dispositifs de prise en charge de la fin de vie. En effet, au vu de la méconnaissance sur le virus, que ce soit pour des raisons sanitaires ou organisationnelles, les visites aux personnes hospitalisées se sont vues durement réglementées. Dans certains services et dans un premier temps tout simplement interdites, ces visites ont été peu à peu autorisées par dérogations (mais souvent réduites à deux personnes au total) et dans un contexte précis de fin de vie imminente. De même, les pratiques rituelles mortuaires habituelles bordant le décès ont été interdites (mise en housse sans soins mortuaires, impossibilité de voir le corps de la personne décédée).
Peu à peu, des associations de proches de personnes hospitalisées, des collectifs de professionnels-elles hospitaliers-ères, ont pu dire les effets délétères de ces restrictions sur les patients-es et leurs proches ainsi que sur les soignants-tes. Ils-elles ont rendu visibles les effets potentiellement traumatiques de l’impossibilité de voir des proches mourants. Nous pensons par exemple à la réticence de certains malades à être hospitalisés et la perte de chances face à la crainte de mourir seul à l’hôpital, ou encore aux syndromes de glissement de personnes âgées hospitalisées et sans contacts avec leurs proches. Du côté des professionnels-elles, certains-es ont décrit leurs difficultés à assumer les consignes et restrictions en cours, et le dilemme de soutenir des interdits pouvant être jugés insupportables face aux proches et familles.
Aujourd’hui encore, même si les directives à ce sujet sont très dépendantes des cultures des services, les visites continuent  généralement d’être limitées. Ces restrictions ne sont pas toujours en lien avec la gravité de l’état du-de la patient-e hospitalisé-e ni avec la technicité des soins. Il est observé que les visites sont facilitées dans des services dans lesquels il y a une culture de l’accueil des proches, y compris pour accueillir des jeunes enfants. Ainsi, dans certains services de réanimation ou dans des services de greffes, dans lesquels les durées d’hospitalisation peuvent être très longues, les équipes soignantes sont sensibles au caractère indispensable des visites. À l’inverse, dans d’autres services, la question du risque sanitaire prend toute la place et semble devancer et invisibiliser celle, non moins cruciale, du risque humain. Dans l’après-coup de cet épisode, l’épidémie est l’occasion de rendre visible l’importance des facteurs dits humains.
Bien sûr, l’hôpital est devenu le lieu d’une médecine scientifique de précision. Au risque de lever l’illusion de pouvoir préserver les malades de toute forme d’aggravation, iatrogène ou non, il est important de prendre en compte les effets humains des mesures restrictives, et plus généralement de garantir des espaces de réflexion (et non d’agirs) concernant les prises en charge. Ce qui est bon pour les malades ne gagne pas nécessairement à être toujours déterminé par le médical. Promouvoir des espaces, au sein des services hospitaliers, où l’on puisse interroger des pratiques en dehors d’une échelle médicale de compréhension semble indispensable aujourd’hui, à l’heure où la technicité semble nous bercer d’illusions et nous faire manquer l’essentiel.

A propos de ce texte

Ce texte est tiré du document Fin(s) de vie : s’approprier les enjeux d’un débat publié en mars 2023 par l'Espace éthique/IDF dans le cadre du débat sur la fin de vie