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Les proches, inconditionnelle présence en toutes circonstances

"Qui réunit les différentes données financières, patrimoine, revenus, et le certificat du médecin agréé, exigés afin d'obtenir pour son proche malade victime de plusieurs escroqueries, la protection de la justice ? Quel est l'engagement de la société pour permettre, en l'absence d'une famille très présente, à toutes les personnes malades, de bénéficier de cet accompagnement de "bonnes pratiques" ? "

Par: Catherine Ollivet, Présidente du Conseil d’orientation de l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France, Présidente de France Alzheimer 93 /

Publié le : 23 Septembre 2015

Les indispensables au quotidien de l’existence

Le diagnostic, qu’il soit précoce, “au bon moment” ou tardif, n’a de sens, dans le cadre de maladies encore à ce jour incurables, que par l’engagement qui s’ensuit.
L’engagement de qui, pour faire quoi et jusqu’où ?
Les recommandations de “bonnes pratiques” ne manquent pas pour informer les professionnels de ce qu’il est nécessaire de mettre en oeuvre selon les stades et les conséquences de ces maladies chroniques que la médecine ne sait guérir, mais que l’on peut accompa­gner au mieux.
Mais qui va concrétiser cet accompagnement sous ses aspects multiples ?
Qui va donner force et présence à l’engagement d’accompagner la personne dans les suites prévisibles de sa maladie ?
La liste des différents professionnels et structures qu’il est recommandé de solliciter pour un accompagnement qualifié est riche de rêves : orthophonistes, kinésithérapeutes, psychomotriciens, infirmiers, ateliers de stimulation cognitive de neuropsychologues, Équipes spécialisées Alzheimer à domicile (ESA), hôpital de jour, accueils de jour, de nuit, temporaire, sorties et rencontres sociales… tout est prévu, à la bonne place, au bon moment… sur le papier.
Mais qu’en est-il réellement des ressources mobilisables selon le lieu de vie de chacun en France ?
Quel est l’engagement de la société pour que toutes ces recommandations de “bonne prise en soins” soient accessibles à toutes les personnes frappées par la mala­die ?
Si les grands experts de la maladie dans les Centres mémoires de ressources et de recherche (CMRR) fournissent de superbes ordonnances aux personnes malades et à leurs proches, pour le suivi après la consul­tation d’annonce du diagnostic ils ne fournissent pas, bien évidemment, les hommes, les compétences, les mains, qui feront humblement chaque jour ces diffé­rentes actions indispensables à la vie, et à la vie avec et malgré la maladie. Et leur engagement se limite le plus souvent à un simple « je vous revois dans 3 ou 6 mois ».
Tout commence d’ailleurs dans une grande confusion.
La rédaction de “l’ordonnance” à la fin de la consulta­tion d’annonce du diagnostic mêle deux types d’actions de suivi : certaines relèvent réellement de l’ordonnance médicale avec prise en charge par l’Assurance maladie : hôpital de jour, soins infirmiers, kinésithérapeute, orthophonistes, sont effectivement pris en charge par la sécurité sociale. Mais de nombreuses actions restent à la charge de la personne malade et de ses proches : accueil de jour, ateliers de psychologues libéraux, sorties de soutien à la vie sociale, accueil temporaire en EHPAD, auxiliaires de vie à domicile, etc.
Les familles ne découvriront qu’après cette subtile différence française entre le médical et le médico-social qui font que même si « le docteur a fait une ordon­nance » cela ne veut pas dire que c’est pris en charge par la Sécurité sociale ! Et que même avec une ordonnance du médecin, cela ne veut pas dire que l’on va trouver le professionnel spécialisé près de chez soi, susceptible de mettre en oeuvre l’ordonnance, en raison même des pénuries locales de certains de ces paramédicaux. Bon nombre de ces “recommandations” ne pourront devenir effectives. Et il n’est pas rare de ne même pas trouver le médecin généraliste, pourtant “pivot de la prise en charge des malades chroniques”, qui pourra venir à domicile en consultation régulière de suivi ou en urgence, tant il est difficile de faire patienter une per­sonne malade énervée par une salle d’attente déjà pleine à son arrivée. Sans parler de plus des déserts médicaux qui frappent aujourd’hui tout autant certaines régions rurales de notre pays que des quartiers de nos banlieues.

Une inconditionnelle présence en toutes circonstances

Au final, qui cherche la ressource locale de proximité correspondant à l'ordonnance ?
Qui téléphone à 10 orthophonistes avant d'en trouver un ou une qui accepte de prendre en charge ce nouveau patient mais à condition de l'amener à son cabinet, avec tous les obstacles que cela comporte ? Qui se bat pour convaincre son proche malade deux fois par semaine qu'il doit aller à l'accueil de jour, et qui fait en sorte qu'il soit prêt, lavé, habillé, à l'heure, qui le dépose et passe le reprendre ? Qui coordonne les horaires et les jours des différents intervenants ? Qui est présent pour informer le médecin traitant des différents événements ou modifications intervenus depuis la dernière consultation ?
Qui découvre à la fin de la prise en charge de quelques séances ou semaines par un professionnel paramédical, qu'ensuite il n'y a plus rien car le renouvellement de l'ordonnance n'est pas prévu dans le plan de soins, ou que l'évolution des effets de la maladie n'autorise plus la poursuite de l'action telle que définie dans le dit plan si joliment prévu sur l'ordonnance initiale du spécialiste ? Qui doit en permanence aménager, réaménager, imaginer de nouvelles actions "adaptées" aux nouvelles conditions concrètes de la vraie vie ? Qui fait le siège du service social du Conseil Général pour essayer d'obtenir quelques euros pour aider à la prise en charge financière de tout ce que la Sécurité sociale n'assume pas ? Qui réunit les différentes données financières, patrimoine, revenus, et le certificat du médecin agréé, exigés afin d'obtenir pour son proche malade victime de plusieurs escroqueries, la protection de la justice ?
 
Quel est l'engagement de la société pour permettre, en l'absence d'une famille très présente, à toutes les personnes malades, de bénéficier de cet accompagnement de "bonnes pratiques" ?
D'autres pays ont pourtant, depuis des années déjà, mené de telles actions : "villes et commerçants amis des malades" en Belgique, réseaux sociaux avec ses "citoyens vigilants" permettant de retrouver plus rapidement une personne disparue qu'elle soit un enfant ou une personne désorientée, etc. les exemples ne manquent pas d'un engagement solidaire au service de toutes les personnes vulnérables, apportant aux proches le sentiment de ne plus vivre leurs responsabilités dans une solitude extrême épuisante physiquement et moralement.
Dans toutes les études, force est de constater que le premier engagement qui fournit directement les actions réelles telles que prévues par les spécialistes, est d'abord et parfois uniquement, celui des proches, et même celui du premier cercle de la famille, c'est-à-dire le conjoint et/ou enfants.
Et qu'en est-il alors pour celles et ceux qui n'ont pas ou plus dans leur proximité, ces proches intimes, femmes et hommes à tout faire polyvalents, qui n'ont d'autre qualification que d'être des "aimants" ?