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Les enjeux éthiques en oncologie pédiatrique
"En oncologie, comme dans les autres spécialités médicales, le premier des droits du patient, qu’il soit adulte ou enfant, est celui d'être soigné dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité. Pour beaucoup, cette exigence semble relever de l’évidence et constituer, en soi, un absolu non discutable. En fait, son caractère suffisamment abstrait a conduit à ce qu’elle serve de prétexte à des démarches ou des politiques de soins très différentes."
Par: Jean-Pierre Vannier , Professeur, chef de service d’oncologie pédiatrique, hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen /
Publié le : 17 juin 2008
Texte extrait du Traité de bioéthique, Tome 2, sous la direction d'E. Hirsch, 2008, érès
La fonction de soins et ses écueils éthiques
La pratique médicale en oncologie pédiatrique met à l'épreuve les équipes médicales et, plus généralement, les équipes de soins. La maladie maligne comme toute maladie grave, fait entrer l'enfant et ceux qui s'en occupent dans un monde de tourmentes. La maladie elle-même, l'annonce du diagnostic, les traitements et leurs conséquences, constituent autant de faits vécus comme des agressions ou, tout au moins, des contraintes pénibles et ce, en dépit de tous les efforts accomplis. Les relations humaines qui se tissent dans l'urgence, puis dans l'alliance thérapeutique et, malheureusement parfois, dans l'accompagnement, traduisent les difficultés et, aussi, certaines ambiguïtés liées aux soins en oncologie et, plus particulièrement, en pédiatrie. Les tensions qui s’exercent dans ce contexte peuvent mettre à mal les engagements éthiques associés à l’exercice de cette spécialité. Ces engagements sont à la mesure des mandats, explicites ou implicites, qu'endossent ceux qui acceptent cette charge professionnelle, c’est-à-dire offrir des soins de qualité, certes, mais aussi, soutenir ces enfants comme leurs parents en étant ces personnes qui acceptent un « vivre ensemble » dans un monde bien particulier.
En oncologie, comme dans les autres spécialités médicales, le premier des droits du patient, qu’il soit adulte ou enfant, est celui d'être soigné dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité. Pour beaucoup, cette exigence semble relever de l’évidence et constituer, en soi, un absolu non discutable. En fait, son caractère suffisamment abstrait a conduit à ce qu’elle serve de prétexte à des démarches ou des politiques de soins très différentes. Plus encore, elle a mis dans l’ombre, durant longtemps, les autres aspirations des patients toutes aussi légitimes qu’elle, à savoir le désir d’information, le vœu de participer aux décisions et, plus généralement, la volonté de faire respecter sa liberté et sa dignité.
Les temps ont changé ; ces aspirations sont devenues des droits. Progressivement, les patients, mais aussi les médecins, s’y sont habitués. De nouvelles pratiques ont vu le jour, notamment, dans les domaines de l’accompagnement et de l’information des patients et de leurs familles. Néanmoins, derrière cette évolution encourageante, persistent des difficultés majeures. En effet, les aspirations des patients et de leurs familles visaient à redéfinir et à rééquilibrer la relation médicale, en particulier, en milieu hospitalier et, plus encore, dans les domaines où les considérations techniques occupent une place majeure. Elles ne visaient pas à mettre les soignants dans une posture de méfiance vis-à-vis de leurs patients, ni à les transformer en prestataires de service. La crainte d’un procès a transformé la pratique de certains professionnels. Ainsi, entre deux risques, on peut être tenté de considérer en priorité celui qui menace son avenir propre.
L’exigence de qualité pour les soins est fondamentale. Dans l’absolu, elle passe par la mise en œuvre des meilleurs traitements dans les meilleures conditions par les équipes les plus compétentes. En cela, la pratique des soins en oncologie n’est pas originale et de nombreux centres fonctionnant en réseaux nationaux et internationaux sont théoriquement en mesure de répondre à cette exigence. Cependant, les difficultés sont nombreuses et la notion de centre de compétence n’a qu’une valeur relative. Les difficultés proviennent, tout d’abord, de la rareté de la plupart des maladies traitées dans cette spécialité. Tous les centres, et plus particulièrement ceux de province, ont une expérience limitée. Les connaissances et les progrès obtenus depuis trente ans sont le résultat d’une mise en commun des pratiques sous la forme de protocoles ainsi que du recueil et de l’analyse centralisés des données correspondant aux patients.
Cette démarche a ses limites car les techniques mises en œuvre et les compétences partagées au sein des équipes ne sont pas équivalentes. Le recours à des experts nationaux et internationaux pour avis est essentiel car, il contribue à garantir un accès équitable aux soins quel que soit le lieu où le patient est traité. Parfois, un transfert vers un centre ayant des compétences particulières peut être justifié. Pour les activités très spécialisées, comme certaines chirurgies ou les greffes de moelle, des craintes sont apparues car, il faut faire état d’un certain volume d’activité pour les incontournables accréditations. Des notions de quotas sont venues introduire un potentiel conflit d’intérêt entre le patient et le centre qui en a la charge, mais aussi et surtout, entre les centres eux-mêmes, mettant ainsi à mal certaines collaborations antérieures. La qualité de la décision médicale peut ainsi en être pervertie.
Une démarche de recherche
Théoriquement, les protocoles thérapeutiques permettent de bien encadrer les décisions médicales en fonction des bénéfices attendus et des risques encourus. En réalité, les situations cliniques sont complexes ; parfois, les risques et les séquelles liées aux traitements sont suffisamment graves pour que l’accord parental ne soit pas acquis d’emblée, sans de solides explications et l’expression d’une confiance réciproque. C’est le cas de la radiothérapie cérébrale chez le jeune enfant, ou de certains traitements comportant un risque important de stérilité. Il convient de signaler que, dans ces exemples, l’accord de l’enfant est, il faut le reconnaître, presque illusoire.
Dans le processus de décision médical tel qu’il est recommandé actuellement, l’avis des experts est recueilli au cours de réunions appelées « réunions de concertation pluridisciplinaires » (RCP). Il doit être transmis et expliqué par le médecin référent à la famille et au patient avec les différentes options thérapeutiques envisagées et discutées afin qu’un choix puisse encore être fait, dans la mesure où cela est possible. Les rôles respectifs des RCP, des médecins experts et du médecin référent ne doivent en aucun cas être confondus sous peine de voir se mettre en place des processus décisionnels invalidant complètement le dialogue singulier d’un médecin avec son patient et sa famille.
Une démarche de recherche est presque systématiquement associée aux protocoles thérapeutiques. Cette recherche est soit diagnostique avec, par exemple, de nouvelles investigations, soit thérapeutique permettant l’évaluation de nouveaux traitements par comparaison de différentes options dans lesquelles les patients sont parfois répartis par tirage au sort (randomisation). Les protocoles de recherche sont construits avec beaucoup de rigueur et sont soumis à de multiples contrôles. Tout est fait pour que le patient bénéficie de toutes les dispositions thérapeutiques connues et favorables, et ce, quelle que soit l’option proposée. L’attribution d’une disposition diagnostique ou thérapeutique par tirage au sort peut gêner le patient ou sa famille. Depuis quelques années, une meilleure identification, dans tout protocole de recherche, du bras de référence, est venue clarifier la proposition faite aux familles.
Lors des rechutes ou des échecs, les traitements de recours utilisant des produits nouveaux ont une efficacité qui est, parfois, très limitée et la recherche qui leur est associée peut être discutable au vu des bénéfices attendus pour l’enfant. La proposition de tels traitements de recours, avec des produits qui sont dans les premières phases de leur évaluation (phase 1 ou 2), suppose une information correcte, mais aussi, un conseil car, la détresse de l’enfant et de sa famille les rend vulnérables vis-à-vis des excès. La mise en œuvre d’un traitement de recours suppose que l’enfant et sa famille soient l’objet d’un accompagnement au sein de la même équipe car, souvent, ces traitements ne font que reculer l’échéance. Séparer les deux prises en charge risque d’entraîner de grandes déceptions et de graves amertumes à l’égard du monde médical, alors même que le patient et sa famille avaient généreusement exprimé leurs vœux de participer à un essai susceptible de contribuer au progrès.
Dans le grand public, la recherche médicale a une image très positive et bénéficie d’un soutien réel. Ce qui est parfois mal perçu, c’est l’idée même de conduire cette recherche sur un enfant malade, malade qui ne pourra pas profiter des conclusions de l’étude car, celles-ci ne sont connues qu’après recueil et analyse des données sur un nombre suffisant de patients. Ce n’est pas là le seul conflit d’intérêt. En effet, la recherche médicale est, en soi, une activité « lucrative » pour ceux qui veulent la conduire. Elle apporte des bénéfices réels, importants pour la carrière des participants et les finances de leur institution d’origine. Elle met ainsi les professionnels dans une situation de rivalité. Il y a donc, inévitablement, pour tout protocole, au-delà des objectifs de recherche, des enjeux qu’il vaut mieux considérer avec la plus grande lucidité. La nécessité de conduire de tels protocoles au niveau international en raison des petits effectifs de patients, a fait monter d’un cran les risques de dérive. Entre autres, on peut craindre que le souci de trouver un consensus entre des groupes de travail trop disparates, n’amène ceux qui ont acquis un très bon niveau, à faire des concessions excessives. Á l’inverse, toute pratique médicale qui ne se confronte pas à l’expérience des autres, est vite défaillante vis-à-vis des exigences de qualité. Les protocoles actuels pour le traitement de leucémies de l’enfant sont d’une efficacité qui était inespérée il y a une quinzaine d’années. Ils ont été élaborés en tenant compte des résultats acquis par les principaux groupes de recherche internationaux qui travaillent sur ces maladies. D’autres préoccupations que le souci de bien soigner, ne doivent pas altérer l’esprit qui a prévalu aux démarches scientifiques et médicales à l’origine de ces progrès remarquables.
La relation médicale en oncologie pédiatrie
En oncologie pédiatrique, les nouveaux droits et, surtout, les exigences éthiques qu’ils sont censés servir, posent des problèmes spécifiques. Les personnages qui interviennent dans la relation de soins ou dans les soins eux-mêmes, font toute la particularité de cette spécialité. Le patient tout d’abord. Il y a tant de choses qui diffèrent entre un nouveau-né, un nourrisson, ou encore un adolescent. Dans l’absolu, le consentement normalement assuré par les parents, doit être accompagné de celui de l’enfant à chaque fois que possible, a fortiori s’il s’agit d’un adolescent.
Dans le quotidien, la mise en œuvre pratique de cette exigence est difficile. Aucune directive, aucune recommandation ne semble satisfaisante. On a affirmé la capacité des enfants à donner un consentement dès l’âge de 8-10 ans. À dire vrai, il ne s’agit pas tant d’un avis que l’enfant est en mesure d’exprimer, mais d’un ressenti et celui-ci, tout précieux qu’il soit, est très dépendant des conditions psychologiques, de l’état clinique et de la façon dont sera donnée l’information. En situation de crise, à cet âge, l’enfant n’est pas souvent dans une démarche d’affirmation de son droit à choisir, mais plutôt dans un souci de préserver ses ancrages affectifs. L’exigence éthique de consentement formel en pédiatrie n’est pas toujours raisonnable. C’est souvent au cours d’une démarche pragmatique d’information, « au lit du malade » que peuvent être expliqués avec les mots qui conviennent, les attendus d’un traitement et les incertitudes qui pèsent dessus. Le désir d’information d’un enfant, comme tout ce qui constitue son rapport au monde, varie trop, notamment avec l’âge, la culture et la structure familiale pour que puisse être codifiée une conduite à tenir.
La présence des parents, donne une originalité bien particulière à la pratique pédiatrique. Ce sont eux qui, normalement, ont la responsabilité des droits et des devoirs de l’enfant. La relation triangulaire qui s’établit, puis évolue entre ces parents, l’enfant et les soignants est complexe. Cette complexité rend parfois difficile le respect dû à l’une ou l’autre des parties au regard des exigences éthiques, que ce soit au début ou au cours de l’évolution de la maladie.
L’entretien avec les parents a comme objectif premier d’informer. Il s’agit d’annoncer, d’expliquer et de dire ce qui se produit et ce qui peut se passer. Il nécessite une attention particulière afin de donner des éléments clairs de compréhension, sans pour autant désespérer le patient et sa famille. Il nécessite aussi une adaptation complaisante à l’égard des nouveaux moyens de communication. Parfois, les parents, en raison d’une certaine « disponibilité », vont être tentés de partir dans une recherche effrénée d’informations en tout genre. Cette démarche mérite respect même si, le médecin se sent indûment convoqué à une relecture de la collection, parfois imposante, de documents obtenus sur le réseau internet. C’est au cours des premiers entretiens, et de leurs possibles aléas, que se met en place ce qui va constituer l’alliance thérapeutique. Cette alliance n’est pas de l’ordre d’une prestation. Elle représente pour le médecin un engagement qui va au-delà du simple contrat médical, mais aussi au-delà du mandat qui lui a été conféré par son statut professionnel. La tournure que prennent les entretiens en témoigne régulièrement.
Lorsqu’une échéance tragique approche, la souffrance des parents, ainsi que celle de l’entourage, notamment des soignants, pèsent beaucoup sur les actions qui sont mises en œuvre dans le dispositif d’accompagnement. La spirale émotionnelle peut perturber notablement l’appréciation clinique des besoins de l’enfant et susciter des réactions qui ne vont pas dans le sens de son intérêt fondamental. Le souci de bienveillance à l’égard du patient, mais aussi le respect de l’autonomie de celui-ci, peuvent être mis à mal par l’entourage, qu’il soit familial ou médical. De telles boucles émotionnelles peuvent trouver une caisse de résonance dans l’entourage plus éloigné de l’enfant, la famille élargie, les amis, l’école, les médias, etc. D’où qu’elles viennent, les souffrances « surajoutées », perçues et exprimées, voire « sur-exprimées » par des relais parfois incongrus, prennent une place excessive. C’est pourquoi, il convient d’être prudent dans l’annonce des échéances. La veille assurée par les membres de la famille peut s’en trouver décalée, à contre-temps avec l’état clinique du patient et ce, dans des conditions d’accueil difficiles. Ce serait ainsi prendre le risque de se trouver devant une situation où les préoccupations éthiques se heurteraient violemment à la souffrance accumulée.
La relation singulière à l'enfant
La relation singulière à l’enfant malade ne va pas de soi. Dans le contrat médical en pédiatrie, le médecin va s’adresser en premier lieu aux parents qui vont être ses partenaires principaux et, parfois, exclusifs. Leur responsabilité légale, leur aptitude à comprendre la situation, leur capacité à s’informer, tout fait qu’ils se présentent comme les interlocuteurs privilégiés, au point qu’on va être tenté d’en oublier le personnage principal : l’enfant malade. C’est pourtant ce patient qui est physiquement aux prises avec la maladie et, c’est lui qui va profiter ou pâtir des éventuelles décisions qui seront prises. Dans la relation triangulaire propre à la pédiatrie, il y a là un enjeu éthique important : tenir l’enfant mineur pour une personne distincte à part entière, avec son existence propre et une certaine autonomie et en dépit de la profonde dépendance physique et affective qu’elle a au moment des soins.
Le projet de soins qui va être proposé doit donc, avant tout, prendre en compte l’intérêt de l’enfant. Il peut y avoir là des différences d’appréciation, notamment entre celles du médecin et celles des parents. Il peut y avoir aussi conflit d’intérêt entre ceux-ci et l’enfant. C’est le cas, par exemple, pour les transfusions dont la réalisation peut être contestée par les parents pour des raisons religieuses. La relation du médecin et du soignant à l’enfant malade comporte une dimension singulière, non aliénable aux autres nécessités ou impératifs sociaux. En cela, l’enfant malade doit être considéré comme une personne potentiellement autonome même si les décisions restent soumises à l’accord parental ou, au pire, à l’autorité juridique qui en cas de conflit doit faire en sorte que l’intérêt de l’enfant soit garanti.
La relation de l’enfant aux personnes soignantes n’est jamais banale. Elle demande du temps et des préliminaires. Il faut s’apprivoiser. Ce qui est acquis pour un membre de l’équipe ne l’est pas nécessairement pour les autres. Il faut que chacun réinvente un espace de discussion et d’échange et ce, pour chaque nouveau malade. Cette relation va évoluer avec le temps et les événements, en particulier les événements médicaux. Sans forcément gagner en profondeur, elle va gagner en gravité. Car, au-delà des devoirs communément admis de soins physiques et psychiques de proximité, il y a, vis-à-vis de celui qu’on côtoie, un devoir d’« assistance » au sens particulier qui est d’être témoin de la scène parfois tragique qui se joue en notre présence. Dans cette présence non corvéable, il y a la mise en valeur de l’existence d’autrui.
Cette mise en valeur de la vie d’autrui s’épanouit dans la vie partagée, ne serait-ce que quelques instants par jours. Dans cette vie partagée, il faut assumer les aspects affectifs et sentimentaux, les aléas de l’humeur, les câlins, le jeu, l’humour et les moments de « blues ». L’attention délicate portée aux soins du corps en dit long sur la préoccupation d’une équipe pour son patient. D’autres médiateurs sont parfois utilisés pour signifier la valeur de la vie partagée, notamment l’échange de cadeaux faits par l’équipe soignante, la famille ou l’entourage. Ils accompagnent les moments de plaisir et de fête comme dans la vie ordinaire. Cependant, ces cadeaux ne sont pas toujours à la mesure de ce qui s’est vécu antérieurement. Parfois, certains d’entre eux, ne sont pas en accord avec les valeurs qui ont présidé à la vie de famille alors que l’enfant n’était pas malade.
Certaines associations se sont données pour projet de réaliser le rêve d’un enfant malade. De façon plus ambiguë, des émissions télévisées ont été construites sur le même objectif. Dans ce dernier cas, l’enfant malade et les émotions qu’il est susceptible de susciter, ont clairement été instrumentalisés à d’autres fins. Il y a quelques temps, par Internet, une chaîne avait été initiée pour inciter le maximum de personnes à envoyer une carte postale à un enfant qui désirait, ainsi, figurer dans le livre des records. La demande de l’enfant, mais plus encore son acceptation par beaucoup, a laissé un malaise. Trop « grandioses », certains cadeaux peuvent invalider, ou tout au moins, mettre dans l’ombre les attentions discrètes d’une famille ou d’une équipe soignante. Il est souvent plus facile d’accéder aux « rêves » d’un enfant que de l’accepter comme une personne qui, souvent et parfois depuis longtemps, assume ses propres limites. Le rêve d’un enfant qui va mal est ailleurs, et rejoint celui des adultes.
Les enjeux médicaux en oncologie pédiatrique sont importants et se déroulent dans un univers où le drame est possible. Mais c’est dans le quotidien, dans ce qui ressemble à la vie ordinaire, que se dit l’essentiel et que se vivent les préoccupations éthiques. Car, au-delà de vouloir guérir, il faut pour le patient et ses proches, exister. C’est dans l’accueil, la rencontre et les relations doucement tissées que s’exprime cette attente de l’enfant fragile et de sa famille.
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