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Le test génétique, bouleversement ou apaisement d'une vie ?
Au cours de la consultation génétique, un important bouleversement se produit, dès lors que le bien individuel (celui du patient) ne correspond pas au bien commun (celui représenté par l'équipe). Ces situations interrogent fortement les systèmes de pensée des intervenants, remettent en question le fonctionnement des équipes et interpellent fortement l'éthique dans ses dimensions humaine et universelle.
Par: Marcela Gargiulo, Docteur en Psychologie, Fédération de Neurologie, groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière, AP-HP /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°2, Les tests génétique : grandeur et servitude. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Un test génétique renvoie chacun à son autonomie
Chez un individu, quelle que soit sa nature un test génétique peut induire un questionnement sur la valeur de la vie et sur l'importance de savoir ou ne pas savoir. Que faire de ce savoir ? À qui sera utile ce savoir ? : à la personne concernée ? à sa famille ? à un enfant à venir ? Cette évaluation des enjeux qui apparaissent dans la prise de décision d'accepter ou non un test génétique, fait du déroulement et du temps de la consultation génétique un espace au sein duquel les questionnements médical et existentiel sont de taille.
De manière contemporaine, ce questionnement n'est pas exclu du système des pensées propres aux équipes de génétique médicale. Chacun des membres (généticien, psychologue, spécialiste) possède un système de valeurs, de croyances et des opinions diverses concernant la valeur de la vie, la limite de l'acceptable et de l'inacceptable.
Au cours de la consultation génétique, un important bouleversement se produit, dès lors que le bien individuel (celui du patient) ne correspond pas au bien commun (celui représenté par l'équipe). Ces situations interrogent fortement les systèmes de pensée des intervenants, remettent en question le fonctionnement des équipes et interpellent fortement l'éthique dans ses dimensions humaine et universelle.
Le test génétique et la temporalité
D'un point de vue psychologique, une personne se définit par le changement. On est une histoire, et notre histoire n'est achevée qu'au moment de la mort. Paul Ricoeur parle d'une identité narrative qui suppose une temporalité. Ce qui apparaît bien aujourd'hui, le sera-t-il demain ? Si un homme est une histoire, son rapport à la vérité peut changer. Dans ce sens, toute décision prise doit s'inscrire dans une temporalité constructrice, dont le travail d'anticipation doit être situé au premier plan. Il ne suffit pas de savoir ce qui est bien pour moi aujourd'hui. Il est nécessaire de savoir qu'on peut changer et quelles seront les conséquences pour demain. Tant pour sa propre vie que pour celle des autres, tant dans le domaine social, professionnel que familial.
L'accompagnement des personnes qui acceptent un test génétique doit être orienté selon les motivations (pourquoi le faire ?), la bienfaisance (quel bénéfice pour chacun ?) et aussi la prise en compte du temps dans la décision, c'est-à-dire l'après-coup, l'avenir et les conséquences du résultat de ce test génétique dans la vie. La personne qui demande un test génétique doit être éclairée sur de telles notions et aussi aidée à anticiper l'impact du résultat. Il existe une différence entre se projeter et avoir un projet. Il ne suffit pas que la personne se projette dans l'avenir avec le résultat. Le travail d'anticipation protectrice se résume au fait que la personne ait un projet compatible avec l'obtention du résultat. En génétique, la consultation pluridisciplinaire veille à ce que chaque personne prenne sa décision en toute connaissance de cause.
Le résultat du test génétique, inducteur de la culpabilité
Pourquoi se sentir coupable de ce qu'on n'a pas choisi ? Dans la transmission génétique, il n'y a pas d'intention ou de volonté. Pourquoi une maladie génétique introduit-elle un questionnement particulier, à la différence d'autres affections ? Un sentiment est étroitement lié à ces maladies génétiques : celui de culpabilité. Qu'ai-je fait ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi pas moi ?
La culpabilité est un sentiment complexe, accompagné dans la plupart des cas par une modification de l'image de soi.
La culpabilité peut prendre différentes formes.
- Culpabilité/honte. Quand une personne se sent coupable, elle peut aller parfois très loin dans ce sentiment. Poussée à son paroxysme, la culpabilité peut devenir la honte, de telle sorte que la personne est contrainte à se cacher d'elle-même. Il s'agit indiscutablement du versant pathologique de la culpabilité : on se détruit par mésestime de soi, par haine de soi. Quand une personne est envahie par le sentiment de honte, elle cherche à échapper au regard persécuteur d'un autre qui est intériorisé : c'est moi-même qui condamne. Ce sentiment est éprouvé dans une grande solitude.
- Culpabilité/responsabilité. C'est l'aspect positif de la culpabilité. Quand la personne peut ressentir un sentiment de responsabilité, elle n'est plus seule mais élabore un rapport à autrui. Elle ne se cache plus et évolue dans une solidarité communautaire. L'émergence du sentiment de responsabilité signale la guérison de la culpabilité. La personne peut et veut répondre de, répondre à.
L'accompagnement psychologique ne se réduit pas à déculpabiliser les personnes, mais au contraire à leur faire prendre une conscience aigüe de leur sentiment de culpabilité, afin de les délivrer de ses excès pathogènes.
Accepter parfois de perdre
Un récit nous permet de penser.
Un nourrisson meurt. Sa mère le porte sur elle pendant des jours et des nuits pour rencontrer Bouddha. En arrivant, elle lui demande un miracle : " Ressuscite mon fils ! " Bouddha lui répond : " Fais le chemin à l'envers ; va dans tous les villages que tu as parcourus pour arriver vers moi et cherche une seule famille où il n'y a pas eu un mort. Si tu la trouves, nous en reparlerons pour ton enfant ! "
La femme revient quelques mois plus tard. " Alors ? " lui dit Bouddha. Et la femme lui répond : " Maintenant, j'ai compris.... Cherchons ensemble un endroit pour enterrer mon fils ! "
Que nous enseigne cette histoire ?
- Demander l'impossible est toujours un signe de souffrance. Dans la plupart des cas, il faut accepter de perdre.
- Pour comprendre, il faut du temps. On peut l'évaluer dans la demande.
- La présence de plusieurs interlocuteurs (généticien, psychologue et médecin d'organe), amplifie la capacité de réflexion, permet une vision élargie du problème et aide à partager le sentiment de responsabilité ou de culpabilité dont les équipes soignantes ne sont pas épargnées.
L'accompagnement des personnes s'avère donc capital. Il s'inscrit dans une démarche préventive, avec trois attitudes :
- prendre part pour colmater le vide. Cela peut créer chez le soignant l'illusion d'une certaine activité et donc de faire quelque chose pour l'autre. Mais cette attitude n'est pas efficace dans le temps ;
- disparaître ou démissionner pour éviter toute confrontation humaine. Ce dégagement provoque parfois des annonces par téléphone ou par lettre, des entretiens rapides. Soignant et consultant sont seuls. Des deux côtés, on retrouve un sentiment de frustration ;
- reconnaître que pour soi même, on a peu de certitude sur les limites de ce qui relève du supportable et de l'insupportable. Cette reconnaissance ouvre la voie à l'empathie nécessaire à l'accompagnement.
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