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La révision de la loi relative à la bioéthique

Dans la cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique, qui aura lieu en 2018 et 2019, l'Espace éthique/IDF propose une série de textes, réflexions et expertises pour animer le débat public. Chaque intervention visera à éclairer un point, une perspective ou un enjeu des révisions de la loi. Nous ouvrons cette série par un texte introductif, qui propose un rappel de ce que sont les lois de bioéthiques et leur évolution.

Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /

Publié le : 03 Janvier 2018

Dans les années 90, la question s’est posée de l’encadrement par une loi spécifique des techniques biomédicales, les textes existants s’avérant insuffisants car inadaptés.
 
Or, le principe même d’un encadrement législatif de la biomédecine ne s’est pas imposé comme une évidence. De fait, les questions qui s’inscrivent dans ce cadre sont d’ordre médical, éthique, scientifique, philosophique, anthropologique, psychologique ou économique plutôt que strictement juridique. De plus, des normes autres que législatives sont susceptibles de régir ces pratiques
 
Cependant, le recours à la règle de droit se trouve légitimé par la nature et l’ampleur des enjeux liés au développement des techniques médicales, notamment en ce qu’elles dépassent le domaine thérapeutique pour rejoindre le droit des personnes sous de multiples aspects. Aussi, dans la mesure où elles concernent la personne et son corps, la seule règle de nature adéquate est la règle légale, soumise au débat démocratique et votée par le Parlement, dans le respect du fait majoritaire.
Ainsi, en mars 1992, le gouvernement déposa trois projets de loi, respectivement relatifs tout d’abord au corps humain et plus précisément aux règles de principe établissant les droits fondamentaux de la personne au regard de son corps, ensuite au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et à la procréation médicalement assistée, enfin au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche en vue de la protection ou l’amélioration de la santé.
Les dispositions relatives à la recherche et à l’informatique, rassemblées dans la « loi relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés » furent définitivement adoptées le 20 juin et publiées au Journal officiel du 1er juillet.

Les deux autres projets furent ensuite votés sous l’impulsion de Madame Veil et les lois promulguées le 29 juillet 1994, puis publiées au Journal officiel du 30 juillet, après que le Conseil constitutionnel ait reconnu ces textes conformes à la Constitution par une décision du 27 juillet 1994. Celle-ci éleva au rang de principe constitutionnel le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
L’ensemble des dispositions contenues par les lois de 1994 s’organise autour de trois grands corpus juridiques : le premier, en ce qu’il énonce les droits fondamentaux de la personne au regard de son corps, a été intégré dans le Code civil aux articles 16-1 à 16-9 (loi n° 94-653) ; le deuxième, constitué de règles spécifiques autorisant le don et l’utilisation d’éléments biologiques ainsi que réglementant les techniques d’assistance médicale à la procréation et de diagnostic prénatal (loi n° 94-654), a été inséré dans le Code de la santé publique ; tandis que le troisième, relatif au traitement des données nominatives de santé, c’est-à-dire des informations produites dans le cadre des recherches biomédicales et génétiques, modifie la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
 
L’article 21 de la loi n° 94-654 prévoyait qu’elle devait faire l’objet d’un nouvel examen par le Parlement, après une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur.
Le 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel rejeta deux recours contre le projet. Le texte définitif fut adopté par les deux chambres le 8 juillet 2004 et promulgué le 6 août 2004 (loi n° 2004-800). Cette première loi de révision couvre une large partie du domaine médical, dépassant largement le domaine de révision prévu en 1994.
La loi du 6 août 2004, comme celle du 29 juillet 1994, prévoyait son réexamen dans un délai de cinq ans. Le retard fut cependant moins important qu’en 1994, puisque la loi portant révision de celle du 6 août 2004 fut promulguée le 7 juillet 2011. Cette dernière loi, à rebours de celle qui l’a précédée, ne modifie aucun des grands principes relatifs au corps humain et elle ne traduit aucun des grands changements attendus, ce qui lui valut en son époque le qualificatif de « petite loi ».
Le législateur de 2011 s’est néanmoins soucié de garder ouvert le débat bioéthique, en prévoyant que la loi devra faire l’objet d’un nouvel examen dans un délai maximal de sept ans après son entrée en vigueur.
 
Le débat sur la prochaine révision de la loi relative à la bioéthique va donc s’ouvrir d’ici quelques mois. Dans ce cadre, l’Espace éthique présentera, dès à présent, de façon régulière, des textes informatifs, des articles de réflexion et d’opinion qui s’étendront à l’ensemble des secteurs déjà couverts par la loi et à d’autres, auxquels elle s’ouvrira peut-être. La prochaine loi sera-t-elle une « grande loi »? Nul ne peut encore le dire. Mais elle se fera avec la participation des citoyens.