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La relation medecin-malade en cancerologie : Quelles valeurs ?

"Bien que ces attentes puissent paraître différentes selon les étapes de la maladie, diagnostic, traitement initial à visée curative, suivi avec espérance de guérison, diagnostic et prise en charge de rechute, fin de vie…, elles vont se référer pour leur prise en compte aux mêmes valeurs."

Par: Jean-Louis Misset, Professeur d'oncologie, université Paris 7,'EA 1610, université Paris Sud /

Publié le : 11 Décembre 2015

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.

Entendre le mot cancer pour soi ou un proche est un traumatisme majeur pour tout être humain. Derrière ce mot se connectent en effet les notions de mort, de souffrance physique et morale, de contrainte à changer son mode de vie personnelle, familiale, professionnelle, sociale, de maladie chronique, de risque de rechute qui ne disparaîtra jamais totalement donc d’impossibilité d’affirmer la guérison.
Dans une telle situation, les attentes et les besoins du malade à l’égard du système de soins, et en particulier du corps médical et notamment du médecin référent, sont importants et nécessitent une prise en compte rigoureuse par le ou les intéressés. Bien que ces attentes puissent paraître différentes selon les étapes de la maladie, diagnostic, traitement initial à visée curative, suivi avec espérance de guérison, diagnostic et prise en charge de rechute, fin de vie…, elles vont se référer pour leur prise en compte aux mêmes valeurs.
Certaines de ces valeurs peuvent avoir été assumées par le législateur et transcrites en textes de lois comme celles de 2002 ou de 2005 qui par exemple insistent sur l’autonomie du patient. Mais la plupart n’ont pas de traduction juridique et demeurent des valeurs philosophiques, y compris métaphysiques, humanistes, sociales, ou des valeurs de la République. C’est autour, sur la base de ces valeurs que va se conclure, de façon le plus souvent informelle l’alliance entre le patient et son médecin référent, qui va sous-tendre leur relation pendant toute la durée du parcours.
 

Information, franchise, transparence

Le patient souhaite le plus souvent, et la loi lui en donne le droit, être informé sur son diagnostic et son pronostic. Il y a cependant plusieurs réserves. Premièrement, et c’est prévu par la loi et le code de déontologie, il n’est pas forcément prêt à faire face à un pronostic fatal annoncé à court, moyen ou même long terme. Il faut alors nuancer l’annonce ou la faire en plusieurs étapes.
De plus, dans la plupart des cas, le médecin lui-même ne connaît le pronostic que par la statistique, qui est incapable de prévenir l’avenir individuel et ses échéances temporelles. On ne peut donc répondre à la question du patient concernant son avenir personnel.
Cependant, la franchise et la transparence restent une valeur première à respecter. Pas de mensonge, pas de faux-fuyant, même s’il faut faire part de ses propres ignorances.
 

Autonomie, liberté

Cela aussi est inscrit dans la loi de 2002, mais cela ne doit pas être une raison pour le référent de se défausser : « c’est vous qui décidez… ». Le patient attend que le médecin référent argumente clairement la ou les propositions formulées et en particulier celle qu’il favorise, montrant ainsi qu’il n’est ni passif, ni indifférent dans le processus décisionnel, même si la liberté est au final entre les mains du malade. A défaut, c’est l’alliance qui est trahie.
 

Partenariat, égalité

Tout au long du parcours de la maladie cancéreuse, que l’évolution en soit favorable ou non, et dans le suivi en rémission complète où le risque de rechute est toujours présent, le patient attend de son médecin référent un partenariat et non une hiérarchie. Certes, la compétence et le savoir sont inégaux et peuvent rendre les discussions délicates, mais sur le plan humain, il y a égalité, surtout si le médecin montre qu’il se considère comme impliqué humainement et personnellement dans le parcours de l’être humain qui a fait alliance avec lui, et non seulement techniquement dans la prise en charge thérapeutique et le suivi de la maladie cancéreuse.
 

Accompagnement, proximité, fraternité

Mais il n’est pas suffisant d’évoquer le traitement et le suivi de la maladie cancéreuse, car le patient est concerné dans la totalité de sa personne humaine et sa relation avec son médecine va être beaucoup plus constructive et aidante si ce dernier montre sa proximité, jusqu’à l’affectivité dans l’accompagnement que ce soit en situation favorable mais aussi en difficulté médicale et en fin de vie. C’est la fraternité. Le patient attend toujours et espère que son médecin ne va pas s’éloigner de lui et c’est sans doute pour cette raison que certains malades sont réticents à être adressées en Unité de Soins Palliatifs où leur partenaire en alliance ne pourra aller les suivre.