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La reconnaissance de la filiation des enfants nés par GPA à l'étranger
"Quelle seront les conséquences de l'arrêt rendu ce 26 juin? Les enfants nés d'une GPA réalisée à l'étranger vont enfin voir leur filiation reconnue sur le sol français. On ne peut que saluer cette décision qui va permettre à des centaines d'enfants nés dans ces conditions de disposer d'un état civil français conforme et de cesser d'être marginalisés en raison des conditions de leur conception."
Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /
Publié le : 03 Juillet 2014
Article publié le 2 juillet sur le site HuffingtonPost.fr
Depuis bien des années, la question de la gestation pour autrui suscite les plus vives polémiques, tant sur le plan social que juridique. Consécration d'un droit à l'enfant pour les uns, expression de la plus profonde solidarité entre les personnes pour les autres, évangélisée ou diabolisée, la GPA a fait parler jusqu'à ce que tout semble avoir été dit, de même qu'elle a fait couler bien de l'encre et justifié l'organisation d'une quantité de colloques et de manifestations en tous genres.
Pour ou contre la GPA, tous les arguments semblent avoir été passés en revue
Tant ses défenseurs que ses opposants ont joué sur la partition de l'éthique, de la morale, de la philosophie... Oubliant parfois le bon sens.
En 2013, la loi sur le mariage a donné un nouveau coup d'accélérateur au débat, certains voyant dans l'ouverture du mariage aux couples de même sexe la consécration de la famille homoparentale via l'admission de la GPA.
Ce sujet, qui ne concerne en réalité qu'un petit nombre d'entre nous, a d'autant plus aisément investi la scène publique qu'il éveille les passions. Chacun a une position face à la GPA.
La GPA interpelle, divise, exacerbe. En un mot: elle passionne
Face à ce déchaînement d'opinions, de revendications et de craintes, le droit français maintient sa position adoptée en 1994, lors de la première loi relative à l'encadrement de la biomédecine. Aux termes de l'article 16-7 du Code civil, "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui est nulle". La GPA est strictement interdite, quelle qu'en soit la forme ou les circonstances qui l'entourent.
Mais les techniques passent les frontières et celle-ci fait l'objet d'un tourisme procréatif qui gagne en importance. De nos jours, plusieurs centaines d'enfants vivant en France, élevés par des parents français, ont été conçus à l'étranger par GPA.
Ce jeudi 26 juin, la France s'est vue condamnée à l'unanimité par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir refusé de transcrire sur les registres français de l'état civil les actes de naissance d'enfants nés d'une convention de GPA réalisée à l'étranger, dans le respect du droit en vigueur dans le pays de naissance des enfants.
Les deux couples à l'origine de cette décision avaient épuisé les voies de recours nationales. Le 6 avril 2011, la Cour de cassation avait jugé qu'"en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui qui, fut-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public..."
Par deux arrêts du 13 septembre 2013, elle a réitéré sa position à propos de la transcription des actes de naissance d'enfants issus d'une GPA réalisée en Inde, les enfants étant nés d'une mère indienne et d'un père français. L'arrêt se fonde cette fois non plus sur l'exception d'ordre public international, mais sur la fraude à la loi française: "en l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans des formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d' autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public..."
La motivation de la Cour de cassation dans ces décisions n'est pas contestable. Au regard du droit français, la désignation dans l'acte de naissance de la mère d'intention et non de la femme ayant accouché est une atteinte au principe d'indisponibilité des personnes, qui veut que nul ne puisse disposer de son état civil. De même, se rendre à l'étranger afin de bénéficier d'une technique proscrite en droit français est une fraude à la loi. Mais des considérations d'humanité et de responsabilité vis-à-vis des enfants mis en marge de notre société portaient à plaider pour une conception restrictive tant de l'ordre public que de la fraude. Le domaine de la procréation a ceci de particulier que la sanction n'est pas subie uniquement par ceux qui ont eu recours à l'acte interdit, mais par ceux qui sont nés de ce recours: les enfants.
La Cour européenne a suivi cette logique, en affirmant que l'Etat ne saurait prétendre qu'il est conforme à l'intérêt de l'enfant de les priver d'un lien de filiation alors que le lien biologique avec leur père est établi. En cela elle se fonde sur l'article 8 de la Convention, le texte même sur lequel le Parquet général avait requis en 2011 la cassation des arrêts d'appel qui avaient refusé la transcription des actes.
Si la Cour de Strasbourg ne reconnaît pas la violation de l'article 8 concernant le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, elle reconnait la violation de ce texte s'agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée. Elle estime que le refus par le France de reconnaître ces enfants comme ceux de leurs parents au sein de son ordre juridique porte atteinte à l'identité des enfants dans la société française et qu'en empêchant l'établissement de ce lien sur le sol national, la France dépasse l'ample marge d'appréciation que la Cour accorde à ses états membres en matière de GPA.
L'arrêt de la CEDH intervient comme un coup de tonnerre dans le ciel de la jurisprudence française
Cette dernière voit marqué son coup d'arrêt. Sous réserve d'un réexamen par la Grande Chambre de la Cour européenne, la France devra se conformer à la décision européenne.
Quelle seront les conséquences de l'arrêt rendu ce 26 juin? Les enfants nés d'une GPA réalisée à l'étranger vont enfin voir leur filiation reconnue sur le sol français. On ne peut que saluer cette décision qui va permettre à des centaines d'enfants nés dans ces conditions de disposer d'un état civil français conforme et de cesser d'être marginalisés en raison des conditions de leur conception.
Pour autant, elle ne signifie pas la remise en cause de l'interdiction française. En réponse aux contestations qui se sont élevées à la suite de la circulaire du 30 janvier 2013 permettant de certifier l'identité française d'enfants nés à l'étranger de mères gestationnelles, Christiane Taubira a rappelé qu'il n'était d'aucune façon question de remettre en cause l'interdiction française. "La GPA dans notre droit est interdite, ça ne fait pas débat", a affirmé la ministre de la Justice. Deux mois plus tard, François Hollande affirmait qu'elle resterait "interdite" en France "tant" qu'il serait président de la République.
Néanmoins, le revirement de jurisprudence auquel la France devra procéder ne manquera pas de constituer une donnée nouvelle du débat relatif à l'admission de le GPA au sein de nos frontières. Ce qui inquiète les uns, rassure les autres...