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La prééminence de la personne au-delà du handicap

Par: Roger Mislawski, Chirurgien, docteur en droit, attaché d’enseignement à la Faculté de droit, université de Cergy-Pontoise, enseignant dans le master « Éthique, science, santé, société », Département de recherche en éthique, université Paris-Sud 11 /

Publié le : 20 Octobre 2008

La loi du 4 mars 2002 a ouvert une ère nouvelle sur le plan des rapports entre patients et médecins fondée sur la sacralisation de l’autonomie de la personne. La remettre en cause était proprement inimaginable et, pourtant, les limites de ce principe ont commencé à être mises en exergue depuis peu. Malheureusement, une fois que le texte d’une loi est écrit, il n’est pas modifiable ; à moins que l’autorité législative ne décide de le réviser. L’éthique appelle le débat, la spéculation alors même que le droit doit s’appliquer, parfois de manière extrêmement douloureuse dans des cas difficiles. N’hésitons pas à parler d’une authentique violence du droit. La légalité ne saurait être toujours confondue avec la légitimité.
L’éthique et le droit doivent s’articuler et on ne saurait prôner un « pan-juridisme » ou un « pan-éthicisme ». La société n’a pas, a priori, à intervenir dans le dialogue entre un médecin et son malade. Mais l’exercice des libertés doit intégrer les limites que le droit lui impose, tout particulièrement en matière médicale - et toutes ne sont pas illégitimes. Par exemple, le droit pénal réprime toute attitude consistant à mettre la vie d’autrui en danger, ou encore à ne pas porter secours à une personne en danger. C’est pourquoi, il faut rappeler que lorsqu’un enfant est maltraité – le refus de soins par les parents est une maltraitance -  il n’y a  plus de place pour le débat éthique comme l’a développé l’orateur précédent. Les dispositions en vigueur commandent au professionnel de santé de signaler la maltraitance ou de passer outre au refus de soins. Il n’a pas le choix. S’il n’agit pas de la sorte, il prend le risque d’être condamné. On n’est pas libre de modifier le cadre juridique dans lequel on vit. La posture éthique ne doit pas occulter le fait que certains devoirs, prescrits par la société ne se discutent pas et que leur non-respect appelle sanction. Les rapports juridiques entre les personnes ne se réinventent pas au gré des circonstances.

 

Le droit en dispositif régulateur de la médecine

La prééminence de la personne a été proclamée par la loi du 4 mars 2002 qui constitue désormais un texte de référence. Le respect de la volonté du patient est une condition sine qua non de la décision médicale, dans l’idéal, de son partage. La relation de soins se noue par un dialogue qui repose sur la reconnaissance de l’autonomie du patient. Malheureusement, l’autonomie de la personne malade est parfois fortement altérée ou a même disparu, c'est-à-dire qu’on est face à une personne handicapée. Dans ces situations, les professionnels de santé sont conduits à agir sans que son consentement ne puisse être obtenu, ce qui pose la question de la légitimité de l’intervention médicale en l’absence du seul titre qui la fonde.
Le handicap constitue, sans doute, un domaine à part au sein de la médecine. Il ne s’agit pas seulement du handicap qui fait l’objet d’une reconnaissance administrative mais aussi d’incapacité juridique ou de toute  personne en état de vulnérabilité. Si la vulnérabilité est le propre de l’homme, alors le handicap correspond très certainement à un surcroît de vulnérabilité. Le médecin, l’institution hospitalière ont été longtemps joué un rôle de protecteurs quasi naturels des personnes vulnérables avec leurs propres valeurs, une confiance rencontrant une conscience. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui et la confiance a fait place à la défiance. Nul ne regrettera les excès de la période de la médecine paternaliste désormais bien révolue. Nous sommes dans une ère nouvelle où le soupçon a largement investi l’exercice de la médecine. Un vide s’est créé par le retrait  des valeurs professionnelles, d’une certaine éthique.
Naturellement, il a été comblé par le droit qui se présente parfois comme éthique ce qui est inexact. Les lois dites de « bioéthiques » sont du droit, ou du « bio-droit » :  elles ne sont pas de l’éthique. La réprobation d’une conduite qui viole l’éthique ne relève pas du juge, alors que des infractions au droit sont sanctionnées par la juridiction compétente. Le droit a ainsi posé comme principe la primauté de la personne (art. 16 du Code civil) et la loi du 4 mars s’ouvre par une déclaration des droits fondamentaux de la personne qui, même malade, reste sujet de droit. Par « personne », on entend tout être humain né vivant et viable, quelles que soient ses particularités, et chaque personne a la même dignité que le droit défend contre toute atteinte : le handicap est sans influence  sur la définition de la personne et de ses droits.

Faire perdurer juridiquement une volonté quand la personne n’est plus en état de la manifester

Il est très louable de mettre le droit au service d’idéaux comme l’autonomie et la dignité de la personne. Cependant, est-il vraiment à la hauteur des défis qu’il s’est posé, peut-il garantir l’effectivité du programme qu’il s’est assigné ? La défense de la personne en perte d’autonomie s’est longtemps réduite à la sauvegarde d’intérêts matériels confiés à un tiers. La conscience juridique s’est éveillée aux faiblesses d’une telle approche d’où une suite de réformes davantage centrées sur la personne que sur ses biens, tant dans le droit des incapacités par la loi du 5 mars 2007, que dans le droit de la santé par la loi du 4 mars 2002 et celle du 22 avril 2005 relative à la fin de vie ou encore dans la loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des handicapés.
Schématiquement, deux catégories de mesures peuvent être distinguées. D’une part, les dispositions de prévention juridique des conséquences d’une situation de perte d’autonomie. D’autre part, les mesures qui ont simplement pour but de les aménager.
Dans le cadre de la prévention, la loi a envisagé la survie de la volonté de la personne  par deux moyens : la désignation d’une personne de confiance (art. 1111-6 du Code de la Santé publique) et les directives anticipées.
La loi du 4 mars 2002 a, en effet, consacré la personne de confiance comme un acteur-clé de la décision médicale et la loi sur la fin de vie lui donne aussi une place de choix puisque, aucune décision d’arrêt de soins ne peut être prise sans qu’elle soit consultée. Par ailleurs, la récente réforme du droit des incapacités du 5 mars 2007, qui  sera effective en 2009, a créé un mandat de protection future par lequel toute personne majeure pourra charger une autre de la représenter et de veiller sur ses intérêts pour le jour où elle ne sera plus en capacité de le faire elle-même, en raison de son âge ou d'une éventuelle maladie. La protection des biens est donc bien distinguée de celle de la personne, puisque ce mandat ne concerne pas les aspects patrimoniaux. Et ce mandataire pourra exercer les fonctions de la personne de confiance.

Cependant, convenons que pour consulter la personne de confiance, il faudra d’abord la trouver : or, elle est rarement désignée ce qui limite l’appréciation que l’on peut porter sur son apport à la décision médicale et à la protection de la personne. Non seulement, il faut qu’elle soit désignée mais, encore, il faut qu’elle ait compris sa mission.  Le rôle de la personne de confiance est de témoigner de la volonté de la personne en incapacité et non de livrer sa propre opinion. Elle doit être fidèle et, malheureusement, il existe un risque de divergence entre ce qu’elle affirmera et ce qu’aurait peut être dit la personne qu’elle est censée défendre, si elle avait eu la possibilité de s’exprimer elle-même. Tout pouvoir donné à quelqu’un est potentiellement dangereux s’il n’est contrôlé, d’autant que la loi sur la fin de vie a établi une hiérarchie : l’avis de la personne de confiance prévaut sur celui des proches et de la famille. Mais, sa valeur s’efface devant le testament de vie. La personne de confiance demeure donc un être « fabuleux », un personnage d’articles de doctrine et d’autres textes de littérature juridique plus qu’un acteur qu’on rencontre réellement dans la vie hospitalière. Sans doute, faudra-t-il former les personnes ou, du moins, les informer de la grande importance des missions qui pourront leur être confiées. Notons que l’avis de la personne de confiance n’est que consultatif. Il est obligatoire de la consulter, mais pas de suivre sa parole.

 

L’apparition de testaments de vie en droit français

Les directives anticipées sont issues de la loi du 22 avril 2005 (article L. 111-4 et R. 111-17 du Code de la Santé publique) et constituent des sortes de « testaments de vie ».
Il s’agit d’un document écrit qui doit être daté et signé, son auteur étant identifié sans équivoque. Il est valable durant trois années seulement, mais le Législateur a prévu qu’il peut  être prorogé régulièrement et modifié à tout moment. Toutefois, les directives anticipées devront être disponibles au moment où les circonstances en justifieront le recours. La loi a prévu qu’elles pourront être conservées par diverses personnes et qu’elles peuvent être archivées à l’hôpital.
Ce dispositif sera-t-il efficace ? Il est difficile de le dire faute de recul mais il est certain que l’utilisation des directives ne sera pas simple pour diverses raisons. Tous les malades en perte d’autonomie ne seront pas capables d’indiquer l’existence de directives anticipées ou leur localisation et peu d’entre elles les auront prévues. Les directives seront probablement plus ou moins abstraites. Il faudra, dans le cas concret, les interpréter. En tout état de cause, une parole survivra, sans que l’on sache vraiment si elle aurait été celle de la personne qui ne peut plus s’exprimer. Cette parole, de plus, n’obligera pas. Les directives anticipées s’apparentent donc à une parole figée.
Le professionnel de santé devra, en dernière instance, décider en fonction aussi de son éthique. Le principe de défiance rencontre très vite ses limites. La parole subsistante, que ce soit celle transmise par la personne de confiance ou le testament  n’engageant pas, il appartient encore à l’éthique médicale de jouer son rôle pour  trancher dans bien des situations.

Le droit des incapables majeurs réformé

L’aménagement des conséquences de l’affaiblissement de l’autonomie repose sur le droit des incapacités et la procédure des décisions de fin de vie et d’arrêt des soins.
Quand une personne perd son autonomie et n’a rien prévu expressément, alors d’autres dispositions protectrices entrent en jeu. Il faut évoquer la réforme du régime juridique des incapables qui met bien en avant le souci de la personne au-delà du handicap. Évoquons l’article 415 du Code civil, dont le contenu est programmatique : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci ». On relèvera un recours à la notion d’autonomie même dans le cas où, par définition, celle-ci n’est plus opérante.

 

La survie de la parole de l’incapable

À bien examiner les récentes évolutions du droit, il apparaît que le droit n’a pas investi la totalité de l’espace des rapports entre médecins et personnes privées d’autonomie. On peut distinguer deux registres dans la relation de soins ; le niveau du contrat qui relève du droit et le niveau des faits qui laisse place à la reconnaissance d’une parole pourtant juridiquement inefficace, mais au combien nécessaire au médecin.
Les prérogatives d’une personne majeure incapable (accès au dossier, consentement éclairé) appartiennent au tuteur qui, seul, peut conclure le contrat de soins. Sa parole est contraignante. Toutefois, le législateur a souligné que sa fonction consiste avant tout à défendre la personne dont il a la charge. Il n’est pas concevable, dans cette logique, qu’il refuse un soin manifestement utile. L’intérêt de la personne prime sur la volonté des mandataires légaux qui seraient susceptibles de le menacer. Le médecin garde un rôle protecteur fondamental. Il lui appartient de prodiguer tous les soins qu’il juge nécessaires et de savoir passer outre un refus de soins.
Néanmoins, il y a bel et bien prise en compte de la personne intéressée au premier chef. La loi n’efface pas la personne handicapée et commande de rechercher autant qu’il est possible ce qui demeure non pas « d’autonomie » mais « de discernement » chez elle. S’il est possible qu’elle prenne part à la décision concernant sa santé d’une manière ou d’une autre, alors elle doit être informée et associée aux discussions,  son consentement étant recherché malgré son état. Sur le plan éthique, une relation peut se nouer avec une personne handicapée, pour peu que l’on sache écouter et ouvrir un espace d’échange.
Autre mode d’aménagement des conséquences de la perte d’autonomie, la codification du processus de prise de décision en matière sanitaire. La loi du 22 avril 2005 relative à l’arrêt de soins et à la fin de la vie envisage en effet un mode collectif de prise décision, lorsque la personne n’est plus capable d’exprimer un quelconque souhait. Une équipe associant médecins et personnel paramédical doit alors se réunir, comportant obligatoirement un médecin consultant extérieur au service prenant en charge le malade et  qui n’est pas lié hiérarchiquement au médecin en charge du patient. Les directives anticipées doivent alors être consultées. En pareil cas, elles ont plus de poids que l’avis de la personne de confiance qui en leur absence doit être sollicitée. Un procès-verbal de  la décision doit être dressé. Observons qu’il n’y a aucune exonération de la responsabilité du médecin malgré la pluralité des intervenants. Cette formalisation du processus décisionnel assure sa transparence qui constitue, a priori, un garde-fou empêchant que des actes soient commis hors de tout contrôle et sans délibération aucune. Le médecin prenant une décision d’arrêt thérapeutique devra le faire de façon publique et  « traçable ». Quelque extrême qu’elles soient, il est essentiel que toutes les conditions soient réunies pour que les choix s’opèrent sans que des non-dits demeurent dans l’ombre des décisions et sans qu’il soit possible de pratiquer une euthanasie sauvage. Évidemment, aucune procédure n’enlèvera la dimension tragique de certaines  situations.

Quelques éclairages complémentaires dans le cadre des échanges

Il est surprenant de constater que les malades désignent comme personne de confiance… leur médecin. À bien réfléchir et à considérer la situation des malades, ce choix apparaît parfaitement logique.
La loi a été en fait orientée sur la base de thèses préconisées par des minorités. Des dispositions du « plan cancer » sont typiques de la tendance à l’œuvre qui, pour le coup, risque d’annihiler l’autonomie du médecin et forcer le patient à entrer dans un cadre pour le moins étrange. Il semble bien que très peu de personnes aient conscience de l’importance des enjeux de la normativité à outrance qui frappe le droit des activités de santé.

Une dérive est perceptible. Elle a été dénoncée alors que ce qui est, désormais, la loi du 4 mars 2002 était en cours d’élaboration. Une forme d’idéologie tend à se substituer à l’éthique des professionnels de santé, comme s’il fallait que la loi s’interpose entre les pauvres malades et les « salauds » que seraient les professionnels de santé, pour reprendre une terminologie trouvée dans la presse. La personne de confiance est typiquement une instance juridique d’interposition. Étudier l’éthique, c’est apprendre à faire la part des choses entre devoirs et pouvoirs. Aujourd’hui, on n’hésite pas à instituer purement et simplement de nouveaux pouvoirs au nom de l’éthique. Or, cette dernière est, une fois encore, davantage un apprentissage que l’exercice de prérogatives, quelles qu’elles soient. Une autre tendance réside dans la multiplication des procédures et autres codes de conduite, comme si la totalité des choix pouvaient être dictés par des règles comparables à celles qui déterminent les modalités d’intervention du SAMU. L’influence du modèle anglo-saxon est sans doute ici très perceptible. Ainsi, l’avis d’un comité d’éthique devrait être versé au dossier médical, pour des raisons avant tout formelles serait-on tenté d’ajouter. Or, ce qui importe avant tout demeure l’engagement du professionnel pour le bien de la personne malade ou handicapée.

L’éthique tendrait presque à devenir un métier. Dans certains hôpitaux américains, des consultations de professionnels de l’éthique sont requises, lesquelles ne sont pas même financées par les malades mais par les compagnies d’assurances.
Les éthiciens ne sont pas juristes. Dans bien des cas, les difficultés sont déjà et nécessairement tranchées par le droit.

A-t-on réellement communiqué sur le rôle de la « personne de confiance » ? Aujourd’hui, les premiers concernés savent-ils de quoi il en retourne ? Force est de constater que les thèmes débattus sont, de surcroît, très complexes. Dans le grand public, le flou autour de la « personne de confiance » reste total.
La construction juridique qui a été mise en place dans la loi du 4 mars ne répondait pas à un besoin manifeste ou à une exigence de la majorité des patients. C’est une certaine idéologie qui l’a emporté. Qu’elle soit ou non opérante. Finalement, peu importe du point de vue de ceux qui ont obtenu gain de cause. On ne va tout de même pas contraindre les malades à systématiquement désigner une personne de confiance. C’est comme si, par ce biais, ils étaient dans l’obligation de « s’autonomiser » quoi qu’il advienne.

Joël Ménard a évoqué bon nombre de cas de figure des plus délicats. Par exemple, que faire lorsqu’un malade ne souhaite pas désigner son conjoint comme personne de confiance ? Dans bien des cas la liberté de désignation est contrainte pour des raisons qui, quoique très variables, n’en sont pas moins impérieuses. Dans certaines cultures, l’homme est détenteur de l’autorité et se trouve, pour ainsi dire sans discussion aucune, en position d’être la personne de confiance. Il faut bien appréhender la personne de confiance comme personne de confiance/défiance. Tout de même, la loi ouvre la possibilité de remettre le sort de son corps, de sa vie dans les mains d’un tiers. Paradoxalement, un signal négatif est émis au sujet de ceux dont la vocation est de défendre la vie. C’est comme si l’on disait : « Attention, ces gens sont dangereux. Ne leur faites pas confiance ». Bien du chemin a été parcouru depuis la loi Huriet du 22 décembre 1988 destinée, déjà, à « protéger » les personnes qui se prêtent aux recherches médicales.

La mise en place des CCPRB était pleinement justifiée par les difficultés considérables posées par les expérimentations sur l’homme. En aucun cas, il ne fallait prendre le risque que le sujet humain puisse être perçu comme un cobaye.

Aucun texte de loi n’empêchera les brebis galeuses de la recherche biomédicale d’agir sans authentique consentement des malades.

La loi pose tout de même un redoutable cas de conscience à tout le monde : qui désigneriez-vous comme personne de confiance au cas où vous ne pourriez plus manifester la moindre préférence ?
Il appartient avant tout aux principaux intéressés, à savoir aux malades, de se faire entendre. Une loi n’est pas faite pour le confort intellectuel des juristes, elle doit répondre aux aspirations de la société.

Considérons tout de même les institutions de prise en charge des personnes handicapées. Dans un tel contexte, on est loin du colloque entre un malade et un médecin. Les personnes prises en charge par des institutions peuvent être totalement démunies, si aucun tiers n’a de droit de regard. Bien des associations ont milité pour qu’un tiers puisse intervenir si une institution dévie de sa mission première.

Ou bien la personne tierce, le médiateur, provient de l’extérieur de l’institution, ou bien cette dernière est capable d’y recourir quand il le faut. Peu importe de savoir si des personnes, venant de l’extérieur, vont dénoncer des déviances et des abus. Il est essentiel de créer les conditions du débat au sein de l’institution, parmi les personnes qui sont confrontées au quotidien à des malades privés d’autonomie et totalement démunis. Rien ne remplacera la formation et le dialogue, au sein même des équipes de prise en charge. Ceci a encore été rappelé dans l’élaboration du « plan Alzheimer ». Soulignons qu’à l’AP-HP, l’Espace éthique n’a pas vocation à remplir la fonction d’un comité d’éthique. Son rôle est de susciter la réflexion et d’être innovant dans la réflexion éthique. Nous sommes soucieux d’instaurer la liberté de parole la plus large possible. Peu nous importe d’émettre des avis qui ne réclameraient qu’à être coulés dans le marbre. De notre point de vue, l’avenir réside dans la double formation des personnels. De plus en plus de médecins, de soignants se sont orientés vers les sciences humaines (philosophie, anthropologie, droit, etc.). Si les sciences médicales étaient systématiquement combinées aux sciences humaines, alors il n’y aurait plus besoin de centres d’éthique clinique.

L’expression de « personne de confiance » n’est-elle pas un euphémisme pour désigner un témoin de moralité ?
En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une parole qui oblige juridiquement. Elle ne vaut pas mandat. Dans les cas les plus complexes, on en revient au mode de décision le plus traditionnel ; c’est le médecin qui décide après avoir été simplement informé. On peut mesurer alors que la charge médicale n’est pas dénuée de tragique, alors même que notre époque s’efforce d’évacuer le tragique.