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La gestation pour autrui : l’impossible débat ?

"Consécration d’un droit à l’enfant pour les uns, expression de la plus profonde solidarité pour les autres, évangélisée ou diabolisée, la GPA a fait parler jusqu’à ce que tout semble être dit. Pour ou contre, la totalité des arguments semble avoir été passée en revue. De fait, concerné ou pas, chacun a une position. La GPA interpelle, divise, exacerbe. En un mot : elle passionne."

Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /

Publié le : 29 Mars 2016

Le 2 avril, Valérie Depadt participera à la soirée de l'Espace éthique lors de la Nuit des débats pour une discussion autour de la marchandisation des corps. Elle nous livre une première approche des enjeux qui seront abordés le 2 avril.
Trois débats exceptionnels auront lieu ce soir du 2 avril, autour des lanceurs d'alertes, des états d'urgence, et de la marchandisation du corps.

Découvrir le programme de la Nuit des débats

Parmi les questionnements relatifs à la biomédecine, ceux relatifs à l’assistance à la procréation, en ce qu’ils ont trait aux moyens d’avoir des enfants et, plus largement, de composer une famille, sont ceux qui semblent retenir avant tout autre l’attention du public. 
Et au premier rang des sujets fréquemment abordés, tant par les médias que par les auteurs, figure la gestation pour autrui (GPA).
De fait, depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années, la question de la GPA suscite de vives polémiques, tant sur le plan social que juridique. Ses défenseurs comme ses opposants en appellent à l’éthique, à la morale, à la sociologie, à la philosophie, à l’anthropologie... et au législateur. Consécration d’un droit à l’enfant pour les uns, expression de la plus profonde solidarité pour les autres, évangélisée ou diabolisée, la GPA a fait parler jusqu’à ce que tout semble être dit. Pour ou contre, la totalité des arguments semble avoir été passée en revue.
De fait, concerné ou pas, chacun a une position. La GPA interpelle, divise, exacerbe. En un mot : elle passionne.
En 2013, la loi sur le mariage pour tous a donné un nouveau coup d’accélérateur au débat, certains voyant dans l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe les prémisses de la légalisation de la GPA.
Pourtant, la GPA est strictement interdite par le droit français. L’article 16-7 du Code civil, qui trouve place dans les grands principes relatifs au corps humain tels qu’ils sont issus de la loi relative à la bioéthique, dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». En 2013, François Hollande affirmait qu'elle resterait "interdite" en France "tant" qu'il serait président de la République.
Il n’en reste pas moins qu’au delà du droit, des débats d’idées, des polémiques et des fictions, la GPA est un fait : elle existe et se pratique aujourd’hui dans nombre de pays parmi lesquels la Grande Bretagne, la Grèce ou les Etats-Unis. Or, si les faits sont têtus,  les techniques ignorent les frontières et à l’intérieur de notre pays, le nombre d’enfants nés d’une GPA réalisée à l’étranger ne cesse d’augmenter.
Cependant, la GPA peut prendre bien des aspects. En fonction du pays dans lequel elle est pratiquée,  elle connaît des modalités radicalement différentes qui vont d’une technique de procréation assistée fondée sur l’entraide et la générosité à une pratique inadmissible impliquant l’exploitation du corps humain et la mercantilisation de ce qui n’a pas de prix, à savoir la personne. 
Jusqu’en 2014, les tribunaux refusaient d’admettre la transcription sur les registres nationaux d’actes de naissance dressés à l’étranger à la suite d’une gestation pour autrui. Mais le 26 juin 2014, par deux arrêts devenus définitifs, la France s’est vue condamnée à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir  refusé  de transcrire sur les registres français de l’état civil les actes de naissance d’enfants nés d’une convention de GPA réalisée à l’étranger, dans le respect du droit en vigueur dans le pays de naissance des enfants.
 
Le 3 juillet 2015, par deux décisions très attendues, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a admis que la convention de gestation pour autrui ne fait pas en elle-même obstacle à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les actes d’état civil français.
Il est donc désormais admis par plus haute juridiction de l’ordre judiciaire que le recours à la GPA n’empêche pas la transcription de l’acte de naissance dès lors que les faits traduisent la réalité biologique, c’est-à-dire lorsque les parents se trouvent liés à l’enfant par un lien de cette nature, comme ce peut être le cas pour un couple de sexe masculin ayant recouru à la gestation pour autrui et détenant un acte de naissance étranger sur lequel se trouvent inscrit le nom du père génétique et de la femme qui a accouché de l’enfant, peu important qu’elle n’ait jamais pensé tenir après de lui le rôle d’une mère. En revanche, l’hypothèse correspondant à la situation la plus fréquente, d’ailleurs celle des arrêts de la CEDH, dans laquelle un couple formé d’un homme et d’une femme recourt à la GPA, l’acte de naissance désignant la mère d’intention comme la mère légale, risque de continuer d’entraîner un refus de transcription. Cela alors que la GPA se trouve régulièrement dénoncée pour sa possibilité de permettre aux célibataires de sexe masculin ou aux couples homosexuels d’avoir des enfants !  A quoi il faut ajouter que le droit français, à la recherche d’un équilibre entre le génétique et le socio-affectif, a toujours refusé une conception exclusivement biologique de la filiation !
 
Pour ces raisons, tant les arrêts de la Cour européenne que les décisions du 3 juillet 2015, si elles ne remettent directement en cause l’article 16-7 du Code civil, constituent une donnée nouvelle du débat relatif à l’admission de le GPA au sein de notre état.