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Éthique de la recherche en psychiatrie
Exposé et réflexion autour des principaux principes de l'éthique de la recherche dans le domaine psychiatrique : consentement volontaire, libre et éclairé de la personne, lien entre l'individualisation de l'éthique et l'anonymisation des protocoles de recherche...
Par: Jean-Marie Danion, Chef du service de psychiatrie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et Directeur de l’unité INSERM 666 « Physiopathologie et psychopathologie cognitive de la schizophrénie » /
Publié le : 10 Mars 2009
Ces quelques considérations sur l’éthique de la recherche en psychiatrie ont pour point de départ une réflexion sur le principe du consentement volontaire, car c’est ce principe qui conditionne toute possibilité de recherche biomédicale. Je rappellerai donc tout d’abord ce qu’est ce principe. J’évoquerai ensuite les difficultés soulevées par son application dans le champ de la recherche psychiatrique, en soulignant le fait qu’une participation à une recherche modifie la position subjective du patient qui se prête à la recherche. Je terminerai en tentant de montrer quelles sont les implications de ces difficultés sur le plan de l’éthique de la recherche en psychiatrie, en distinguant ce qui me semble relever de l’éthique personnelle du chercheur en psychiatrie et ce qui relève des pratiques de recherche. Je n’évoquerai ni les aspects législatifs et réglementaires de la recherche, ni certaines recherches qui font débat, tels que l’utilisation d’un placebo chez des patients atteints d’une maladie psychiatrique ou les recherches reposant sur la provocation de symptômes psychiatriques.
Le principe du consentement volontaire
L’obtention d’un consentement volontaire est le préalable à la participation à toute recherche biomédicale. Ce principe est indissociable de la notion fondamentale du respect d’autrui. Il implique que le participant ait véritablement compris et librement accepté l’intervention qui lui est proposée dans le cadre de la recherche. Ce principe a été défini en 1947 par le Code de Nuremberg, formulé lors du jugement de 23 médecins et personnalités nazis ayant réalisé des recherches sur des prisonniers – dont certains souffraient de troubles psychiatriques ou de retard mental – dans des camps de concentration.
Depuis lors, de très nombreux travaux ont cherché à préciser et à rendre opérationnel le principe du consentement (par exemple Roberts et Roberts, 1999 ; Roberts, 2002). Il est aujourd’hui établi que ce principe nécessite que le patient reçoive une information honnête, complète et accessible, sur l’objectif, la méthodologie et la durée de la recherche, les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles liés à sa participation, les alternatives médicales. Le consentement présuppose que le participant soit autonome pour prendre sa décision, c’est-à-dire qu’il puisse exprimer sa volonté, comprendre l’information délivrée, et élaborer seul, de manière rationnelle et délibérée, un choix prenant sens par rapport à son histoire personnelle, ses valeurs, ses croyances et sa situation présente. En d’autres termes, le participant doit être capable de prendre, de manière autonome, une décision en fonction de ce qu’il estime être juste et bon pour lui-même et pour autrui.
En France, le principe du consentement éclairé et express est inscrit dans la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet, qui régit la recherche biomédicale. S’agissant des mineurs ou des majeurs protégés par la loi, la loi stipule que le consentement est donné par le représentant légal. L’arrêté du 9 mars 2007 relatif à la recherche en soins courants ne fait pas obligation de recueillir le consentement au sens de la loi Huriet. Mais cette disposition ne change rien au fond du problème, car le patient doit être informé de la recherche de façon à pouvoir refuser d’y participer. L’intérêt majeur de la loi Huriet est d’avoir mis en place les conditions pratiques qui permettent le progrès des connaissances médicales dans le respect de la dignité des patients. Elle s’inscrit dans le mouvement actuel visant à une plus large reconnaissance des droits des patients, notamment des patients vulnérables.
Ces droits ont été consacrés par la loi du 4 mars 2002, qui témoigne d’une évolution de la relation médecin-malade : le paternalisme médical qui avait longtemps prévalu est aujourd’hui abandonné au profit de la reconnaissance du patient comme consommateur et acteur de ses soins (Senon et Jonas, 2004). Cette loi trouve sa place dans le cadre législatif récent qui donne au citoyen plus de responsabilité et de transparence dans la relation à celui qui l’assiste, tout particulièrement au moment où la maladie le rend vulnérable.
La notion de consentement libre et éclairé dans la recherche psychiatrique
La question se pose de savoir si le principe du consentement éclairé peut être respecté lorsque les patients sont atteints de troubles psychiatriques altérant la compréhension, le jugement et l’autonomie et rendant donc le consentement sujet à caution. C’est tout particulièrement le cas de patients souffrant d’un état psychotique aigu ou d’une psychose chronique comme la schizophrénie : la capacité de prendre des décisions peut être altérée par l’apathie, l’ambivalence, le retrait social, l’impulsivité, les distorsions de la perception et du jugement et les perturbations de la motivation et des émotions. Il en est de même des patients atteints de démence, avec son cortège de troubles cognitifs, émotionnels et caractériels. La question se pose également de savoir si des patients atteints d’une dépression sont autonomes pour décider de participer à une recherche lorsqu’ils souffrent d’aboulie, d’une perte d’énergie, d’indécision, de pensées négatives ou d’idées de culpabilité.
La façon dont les patients atteints de troubles psychiatriques comprennent l’information délivrée et donnent leur consentement a fait l’objet de plusieurs études empiriques, notamment chez des patients schizophrènes (e.g., Roberts et Roberts, 1999 ; Grisso et Appelbaum, 1998 ; DeRenzo et al, 1998 ; Appelbaum et Grisso, 1995 ; Wirshing et al, 1998 ; Carpenter et al, 2000 ; Roberts et al, 2000 ; Kovnick et al, 2003 ; Roberts et al, 2004). Ces études ont utilisé des questionnaires standardisés, notamment le questionnaire de Mac Arthur pour la recherche clinique. Il en ressort que dans leur majorité, les patients souffrant de troubles chroniques et sévères gardent une capacité relativement préservée de donner un consentement éclairé. Certains patients ont toutefois une altération de cette capacité, consécutive aux troubles cognitifs, aux symptômes psychotiques et au défaut d’insight dont ils souffrent. C’est le cas surtout de certains patients schizophrènes. Mais la capacité de donner un consentement éclairé s’améliore notablement dès lors qu’une information complémentaire sur la recherche leur est donnée.
Ces études montrent de plus que le consentement des patients dépend également de valeurs personnelles positives (optimisme, générosité, altruisme), de la qualité de la relation unissant le patient au psychiatre traitant et au chercheur, ainsi que de l’influence de la famille et de l’entourage. Ces études montrent enfin que de nombreux patients souffrant de troubles psychiatriques sont capables de donner un point de vue très élaboré et pertinent sur leur intérêt pour la recherche psychiatrique, les espoirs qu’elle soulève et les motivations altruistes qui les conduisent à y participer. Ils se disent convaincus de la nécessité de poursuivre une réflexion éthique approfondie visant à les protéger.
Ces études empiriques sont importantes dans la mesure où elles remettent en question l’idée selon laquelle un patient serait incapable de donner un consentement éclairé du seul fait qu’il est atteint d’une maladie mentale, une idée qui ne fait qu’exprimer et reconduire la stigmatisation dont ces patients sont victimes. Ces études sont également importantes dans la mesure où elles montrent que la capacité de donner un consentement éclairé n’est pas une aptitude intrinsèque et immuable qui obéirait à la loi du tout ou rien et qui caractériserait un patient de manière définitive. Elle constitue au contraire un phénomène dynamique extrêmement complexe, impliquant de multiples processus psychologiques, culturels, sociologiques, et dépendant éminemment des fluctuations des troubles psychiatriques, du contexte et de l’objectif de la recherche, de l’information délivrée, de l’histoire personnelle, familiale et culturelle du patient et de la relation qu’il entretient avec le chercheur.
La position subjective du patient participant à une recherche
La complexité des facteurs sous-tendant le consentement n’est évidemment pas propre aux patients atteints d’une maladie psychiatrique. Il suffit pour s’en convaincre de constater que les patients atteints de maladies somatiques graves, mais indemnes de troubles psychiatriques patents, font souvent état d’un réel désarroi, voire d’une totale incompréhension, face à l’information qui leur est donnée en vue d’obtenir leur consentement à des soins ou à une participation à une recherche. Il s’ensuit un aveuglement complet sur la décision de consentir. Ceci nous confirme bien, si besoin était, qu’il n’y a pas d’un côté des sujets dits normaux qui bénéficieraient à tout moment d’une capacité pleine et entière de donner un consentement éclairé, et de l’autre côté des patients psychiatriques qui auraient une altération de cette capacité. Comment comprendre l’aveuglement dont peut faire preuve un sujet dit normal ? Tenter de répondre à cette question nous conduits à réfléchir à ce que sont les positions subjectives respectives du patient et du chercheur.
Par rapport à la situation de soins habituelle, la situation de recherche entraîne une subversion radicale des positions subjectives du patient et du médecin vis-à-vis du savoir médical et scientifique. Dans la situation de soins habituelle, le patient est le demandeur et le médecin le détenteur du savoir qui permet de répondre à la demande du patient. Dans la situation de recherche, le chercheur devient le demandeur et le patient le détenteur d’un savoir à son insu. Le patient se trouve ainsi confronté à une situation radicalement nouvelle et contradictoire : son désir légitime de guérir grâce au savoir médical se heurte à la soudaine prise de conscience de ce que ce savoir est incomplet.
A cette contradiction se surajoute la crainte que suscite en lui ce que Georges Canguilhem a appelé l’audace thérapeutique et l’audace expérimentale du chercheur. En consentant à la recherche, le patient peut éprouver le sentiment de se sentir dépossédé de la responsabilité qui est la sienne de décider du cours de son existence.
La position subjective du patient qui se prête à une recherche est donc fondamentalement ambivalente et contradictoire, faite à la fois du désir de guérir et de la crainte d’être victime d’une expérimentation hasardeuse, fruit d’un savoir mal maîtrisé. En psychiatrie, la difficulté est évidemment redoublée par le fait que les maladies touchent les patients dans leur subjectivité, dans leur relation à eux-mêmes et à autrui, et notamment au psychiatre et au chercheur. La recherche risque alors d’être vécue comme une intrusion au plus intime de l’humain et comme une dépossession du libre-arbitre et de l’identité. A l’extrême, se profile l’image du malade mental victime du psychiatre savant-fou, image qui n’est pas sans rappeler des souvenirs particulièrement noirs. Cette situation peut d’ailleurs conduire certains patients schizophrènes à développer de véritables pensées délirantes à l’égard du chercheur.
En d’autres termes, la recherche n’est pas sans conséquences sur la position subjective des patients. Non pas en raison d’une intervention directe sur le corps ou l’esprit, mais en raison des représentations mentales, explicites ou implicites, que les patients associent à cette intervention.
En voici deux exemples concrets, d’une grande banalité. Une simple prise de sang peut susciter de réelles inquiétudes lorsque la recherche concerne un domaine particulièrement sensible pour le patient, tels que, par exemple, la génétique ou l’étude du comportement, en raison de l’histoire personnelle ou familiale de ce patient. Dans le cadre d’une recherche sur les troubles de la cognition, la réalisation d’une tâche de mémoire, de résolution de problème ou de dénomination d’objets peut également apparaître anodine. Cependant, la passation de la tâche peut devenir pour le patient source d’un questionnement angoissant s’il sait que la recherche se propose de vérifier l’hypothèse selon laquelle la maladie dont il souffre altère le fonctionnement cognitif et cérébral. Ce peut être également le cas lors de l’exploration de la mémoire autobiographique dans la mesure où elle peut réactiver des souvenirs éminemment personnels et donner le sentiment au patient d’une intrusion dans ce qu’il a de plus intime.
Par-delà leur apparente banalité, ces deux interventions renvoient en réalité aux modèles théoriques auxquels le chercheur se réfère pour expliquer les troubles psychiatriques. Elles posent les questions suivantes : comment le chercheur qui recourt à ces modèles se représente-t-il les troubles qu’il étudie ? Et comment cette représentation peut-elle modifier le regard que le patient porte sur sa maladie et sur lui-même ? Ou encore, plus précisément : comment les références théoriques du chercheur et leur mise en acte dans le concret de la recherche peuvent-elles retentir sur la subjectivité du patient qui se prête à cette recherche ? A nouveau, cette question n’est pas propre à la psychiatrie, mais elle peut devenir particulièrement délicate dans un domaine comme la psychiatrie où la maladie touche le patient dans sa subjectivité.
De plus, il existe en psychiatrie une diversité des modèles théoriques que l’on ne retrouve pas en médecine somatique, et des façons de se représenter les maladies mentales radicalement différentes, voire contradictoires, selon les modèles auxquels le chercheur se réfère. Il est par exemple évident qu’une psychothérapie analytique ne véhicule pas la même façon de se représenter les troubles psychiatriques qu’une thérapie comportementale ou qu’une approche médicamenteuse.
Tenter de répondre à la question des répercussions de la recherche psychiatrique sur la position subjective des patients requiert une réflexion d’ordre épistémologique sur les modèles théoriques et les représentations de la maladie engagées par la recherche. Cette réflexion est nécessaire pour que le chercheur ne soit pas aveugle sur ce qui se joue avec le patient lors de la réalisation effective de la recherche. Car, bien qu’il n’existe aucune étude empirique pour l’affirmer, on peut raisonnablement penser que le risque d’un retentissement négatif pour le patient est d’autant plus élevé que le chercheur en méconnaît l’éventualité et ne peut donc en maîtriser les effets.
Les implications sur le plan de l’éthique de la recherche en psychiatrie
Quelles sont les implications de cette réflexion sur le plan de l’éthique de la recherche en psychiatrie ? Il me semble qu’elles sont de quatre ordres.
Premièrement, nous venons de le voir, la réflexion éthique du chercheur en psychiatrie ne peut être séparée d’une réflexion épistémologique sur les modèles théoriques et les représentations des maladies mentales que sa recherche engage. A cet égard, la formation du chercheur en psychiatrie devrait obligatoirement comporter au moins une sensibilisation au questionnement épistémologique.
Deuxièmement, il est certainement très utile pour le chercheur d’avoir engagé une réflexion personnelle sur son désir de faire de la recherche et sur son rapport au savoir et, plus généralement, sur son éthique de sa relation à autrui. Cette réflexion doit être encouragée dès les premières étapes de la formation à la recherche, en l’occurrence dès l’année de Master 2, une année privilégiée pour mettre à l’épreuve son désir de faire de la recherche.
Ces deux séries d’implications relèvent ce que l’on pourrait appeler l’éthique personnelle du chercheur, qui le conduisent à une réflexion épistémologique, à un approfondissement de sa relation au savoir et à un travail sur sa relation à autrui. Les deux autres séries d’implications concernent les pratiques même de recherche en psychiatrie. Elles s’appuient sur l’expérience que nous avons acquise au sein de l’unité Inserm de Strasbourg en réalisant des recherches sur plusieurs centaines de patients.
Tout d’abord, il est essentiel que le patient ait à tout moment la possibilité de poser les questions qu’il lui importe de poser, avant, pendant et après la réalisation de la recherche. Le patient doit bien sûr avoir la possibilité de les poser au chercheur, notamment au moment de la délivrance de l’information sur la recherche et du recueil du consentement. A cet égard, la qualité de l’échange entre le patient et le chercheur dépendra de manière cruciale de la qualité de l’information donnée et de son adaptation à chaque patient. Dans certaines situations, l’information pourra être également donnée à un membre de la famille, en accord avec le patient.
Mais pour être formulées, certaines questions requièrent du recul, ainsi qu’une confiance et une qualité relationnelle qui n’existent généralement qu’avec le psychiatre traitant. Il convient donc que, s’il le souhaite, le patient puisse reprendre avec ce dernier, dans le cadre même de la relation thérapeutique, les questions qui ont pu se poser à l’occasion de sa participation à la recherche, notamment celles suscitées, explicitement ou implicitement, par la façon dont le chercheur se représente les troubles psychiatriques.
Il est donc souhaitable que le psychiatre traitant soit à tout le moins informé par le chercheur de ce que son patient participe à une recherche. Mieux, il est souhaitable qu’un véritable dialogue s’instaure entre le chercheur et le psychiatre traitant. Idéalement, ce dialogue devra s’instaurer dès avant la réalisation de la recherche. Ceci permettra la mise en place ce que l’on pourrait appeler un débat éthique entre le chercheur et le psychiatre traitant. Il s’agit d’un échange au cours duquel le psychiatre traitant et le chercheur discuteront ensemble du degré d’autonomie du patient, du bénéfice qu’il peut tirer de la recherche, ainsi que de la façon dont sa participation à la recherche s’articule avec son histoire personnelle et familiale, sa situation présente, ses valeurs et ses motivations, sa psychopathologie.
Ce débat éthique a ainsi pour finalité d’appréhender la situation singulière d’un patient dans toute sa complexité. Il permet de déterminer si un patient donné peut être sollicité pour participer à une recherche, d’adapter à chaque patient l’information sur la recherche et d’obtenir son consentement éclairé. Ce débat éthique n’a pas la prétention de déboucher sur une codification, valable une fois pour toutes, de la relation du chercheur et du patient, mais de favoriser l’invention d’une relation adaptée à chaque patient et compatible avec le bon déroulement de la recherche et l’obtention d’un bénéfice pour le patient.
Ce débat éthique n’est pas fondamentalement différent de celui du clinicien confronté, par exemple, à des patients refusant de consentir aux soins. Mais au lieu de se dérouler dans le cadre d’un contrat de soins, ce débat se déroule dans le cadre d’un contrat de recherche défini par un objectif scientifique, des méthodes, des bénéfices attendus, des contraintes et des risques. Ce débat éthique pourra apparaître à certains comme relevant d’un idéal dont nous sommes aujourd’hui fort éloignés. C’est pourtant un tel débat que rend possible la pratique de la recherche lorsqu’elle est étroitement articulée avec une pratique de soins, et que chercheurs et cliniciens se côtoient au quotidien dans le cadre d’une même équipe. A contrario, il me semble important de préciser que le psychiatre traitant d’un patient ne peut être en aucun cas le chercheur qui va réaliser une étude avec ce même patient. Il est en effet essentiel d’éviter toute confusion entre le contrat de soins et le contrat de recherche, ce que stipule d’ailleurs explicitement la loi Huriet.
Ainsi, alors que la méthodologie de toute recherche biomédicale nécessite de mettre entre parenthèses la singularité du patient, le débat éthique permet de réintroduire dans la pratique concrète de la recherche cette singularité dans ce qu’elle a de plus radical. Il permet que la pratique de la recherche ne soit pas un acte déshumanisé, mais soit au contraire l’occasion d’une véritable rencontre, au sens plein de ce terme, entre le chercheur et le patient.
Quatrième et dernière série d’implications : En accord avec le principe éthique fondamental du respect d’autrui, il est essentiel de poursuivre des études empiriques systématiques sur la question du consentement volontaire en donnant aux patients la possibilité d’exprimer leur point de vue sur la recherche à laquelle ils participent. La prise en compte de ce point de vue est une condition nécessaire, sinon suffisante, pour que les patients souffrant de maladies psychiatriques puissent devenir des partenaires à part entière de la recherche.
Références
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