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De la dignité des soins psychiatriques

"Laisser entendre que la contrainte en psychiatrie est la règle et le consentement l’exception, voilà qui renvoie à des pratiques stigmatisantes, autant pour les patients que pour les soignants."

Par: Georges Berthon, Psychiatre, praticien hospitalier /

Publié le : 30 Septembre 2013

La « loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge », relègue au second plan les pratiques soignantes par lesquelles s’exprime au quotidien le respect de la dignité des patients. En remplacement de la loi du 27 juin 1990, le nouveau texte soumet toute hospitalisation privative de liberté à l’examen d’un juge. Cette avancée judiciaire souhaitable s’accompagne malheureusement d’un recul du respect des pratiques de soin, la formulation même de la loi en témoigne : « Faire l’objet de soins psychiatriques » signifie maintenant être soigné sans son consentement ! Est-ce là le reflet d’une société qui n’assume pas le recours à la contrainte lorsque celle-ci est nécessaire (1 hospitalisé sur 10), ou bien la volonté non dite d’entretenir dans l’opinion qu’un soin psychiatrique est toujours non consenti ? Laisser entendre que la contrainte en psychiatrie est la règle et le consentement l’exception, voilà qui renvoie à des pratiques stigmatisantes, autant pour les patients que pour les soignants.
 

Des autorisations administratives qui sonnent comme des soupçons

La loi du 5 juillet décrit surtout les conditions d’entrée du malade mental dans le processus de la contrainte, tout en ajoutant de nouveaux obstacles pour qu’il en sorte. Mais rien n’est dit des conditions d’une bonne sortie, l’amélioration des troubles étant tout de même le but recherché et très souvent atteint : serait-ce une finalité oubliée ? A partir de la contrainte initiale, la pratique soignante nous apprend aussi que les professionnels doivent disposer de la légitimité d’un cadre thérapeutique institutionnel reconnu pour s’engager dans une relation de soins constructive. La nouvelle loi ignore cette nécessité et impose au contraire toujours plus d’autorisations administratives qui sonnent comme des soupçons répétés à l’égard du projet thérapeutique, et qui constituent de graves intrusions dans l’intimité du soin. Face à la méfiance sécuritaire qui voit en chaque malade un délinquant, la culture médicale peine à défendre sa pratique du dépassement de la contrainte par la mise en acte d’une relation de confiance, seule garantie de l’acceptation du projet thérapeutique. Or la confiance ne saurait s’instaurer entre soignants et soignés sans l’exercice délicat et mutuellement consenti de leurs engagements réciproques. C’est l’éthique des pratiques de soins qu’il convient de restaurer et que cette loi oublie.