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Quelles implications peut avoir le test génétique chez le sujet mineur. Quels bénéfices peuvent être attendus, et dans quelles situation ? Comment dire, que dire des résultats au parent et quand les transmettre à l'enfant ou à l'adolescent ?
Par: Annie Nivelon-Chevallier, Généticienne clinicienne, C.H.R.U. de Dijon /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°2, Les tests génétique : grandeur et servitude. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
En règle générale, la pratique d'un test génétique implique une information du sujet, son libre choix et son consentement. Ces trois conditions ne sont pas envisageables chez l'enfant. Elles relèvent de ses parents qui sont d'éventuels demandeurs d'un test génétique.
Se pose alors la question du but que vise la demande de test.
La loi prévoit qu'un test ne peut être pratiqué que s'il présente un bénéfice pour le sujet concerné. Il convient donc de distinguer d'emblée deux situations très différentes.
Le test constitue un appoint diagnostique chez un enfant qui est symptomatique et a des signes pathologiques. Dans ce cas, le test génétique représente — comme les autres examens — un moyen diagnostique supplémentaire qui intervient dans le cadre d'un traitement ou d'une prise en charge adaptée.
Lorsqu'un premier enfant est déjà atteint, l'apparition de signes mineurs chez un autre enfant de la fratrie peut justifier de réaliser le test pour affirmer ou infirmer la pathologie connue dans la famille. Toute autre est la situation de l'enfant normal, chez lequel un test génétique peut être demandé par les parents quand existe une maladie familiale. Tel est l'objet de la réflexion qui suit.
Les parents sont responsables du bien-être de leur enfant. Le fait de savoir ou ne pas savoir est susceptible de mettre en cause l'intérêt de l'enfant, parfois divergent de celui de ses parents. Vivre sa liberté, sans la constante menace d'une information génétique qui concerne une pathologie jusqu'à présent incurable, s'oppose parfois à l'intérêt des parents dont l'angoisse de ne pas savoir si leur enfant développera la maladie est telle, qu'elle est de nature à compromettre leur relation avec lui.
Une réflexion a déjà été menée en Grande-Bretagne. La génétique y est solidement implantée depuis longtemps. Elle a été menée par des médecins pédiatres et généticiens, et un groupe de parents dénommé Genetic Interest Group qui réunit une centaine d'associations. Elle peut aider à aborder ce problème sous toutes ses facettes.
Réaliser un test génétique chez un enfant mineur pose trois questions.
- Une question éthique : tester un enfant et connaître son statut, le prive du droit de choisir plus tard de faire ou ne pas faire le test, sachant combien d'adultes confrontés à une proposition de test génétique, la refuse pour des raisons multiples. La confidentialité et le secret médical ne sont pas respectés, alors qu'il s'agit en France de valeurs fondamentales. Un enfant devenu adulte, pourrait contester cette rupture du secret qui n'est admise que lorsque sa santé le justifie. Il pourrait y avoir également danger potentiel, si la remise du résultat d'un test génétique n'était pas astreinte à la confidentialité.
- Une question psychologique : la connaissance du résultat d'un test peut perturber la relation parent/enfant, créant une présélection à l'intérieur de la fratrie et une anticipation de la maladie. Il paraît difficile de ne pas modifier le regard porté sur un enfant dont on croit connaître l'avenir. En revanche, il convient de prendre en compte des effets positifs. Il peut être précieux de pouvoir planifier une information dont on dispose dès l'enfance, les parents pouvant dès lors choisir le moment qui leur paraît le plus opportun pour expliquer à l'enfant le résultat d'un test.
L'anxiété inhérente au fait de ne pas savoir, peut s'avérer plus nocive pour la famille que l'accès à une connaissance fondée. Il est des situations où l'angoisse parentale peut compromettre toute dynamique. L'approche qui procède d'un choix du moindre mal est donc privilégiée. On considère habituellement que l'enfant mineur est moins défini par un âge légal que par son niveau de maturité. Il peut être considéré apte à comprendre une information génétique dès lors que sa maturité sexuelle le met en capacité de procréer. Toutefois, la période de la puberté est aussi celle des grands bouleversements psychologiques et d'une extrême fragilité émotionnelle qui fait craindre que la réalisation d'un test ne représente un élément de perturbation supplémentaire.
- Une question légale : l'intérêt de l'enfant doit primer sur celui des parents. Il est donc nécessaire que la décision de réaliser un test génétique chez un mineur fasse l'objet d'une discussion entre le médecin et les parents, prenant en compte tous les éléments de réflexion énoncés précédemment.
Après avoir rappelé ces principes généraux, on peut envisager les différentes situations rencontrées. D'un point de vue pratique, la réalisation d'un test génétique chez un enfant mineur peut se discuter dans trois situations différentes.
- Pour les maladies à révélation pédiatrique, on constate une grande demande de savoir concernant les enfants plus jeunes. Elle se fonde sur l'espoir qu'ils ne présenteront pas l'affection de leur aîné, mais aussi sur la nécessité d'envisager éventuellement un lieu de vie adapté, urbain plutôt que rural, ainsi qu'une activité professionnelle des parents qui soit compatible.
La connaissance d'un résultat positif avant les premiers symptômes, peut également permettre d'éviter des attitudes inappropriées et de préparer des relations adaptées à la situation. Les arguments qui s'opposent à la pratique de test chez un enfant encore asymptomatique, restent les mêmes. Toutefois, dans ces circonstances l'anxiété parentale est majeure, de telle sorte que la décision doit être réfléchie et discutée ;
- Pour les maladies où un sujet sain peut être conducteur de l'affection, du fait d'un remaniement chromosomique ou d'une maladie liée au chromosome X, il est raisonnable de repousser la pratique du test à l'âge de maturité sexuelle, puisqu'il n'y a aucune conséquence pour le porteur. C'est dans ces situations, cependant, que les parents discutent d'une réalisation plus précoce pour avoir le temps de moduler l'information en fonction de chaque jeune. Néanmoins, il ne faut pas attendre la première grossesse.
- Enfin, dans les maladies sans thérapeutique actuelle dont l'âge d'apparition est tardif, un test précoce ne peut être que délétère et ne doit pas être pratiqué chez un mineur.
Une situation particulière est celle des enfants en cours d'adoption.
Des pressions sont parfois exercées par les parents adoptifs ou les conseils de famille pour que des tests génétiques soient réalisés. À cet égard, il n'existe aucun encadrement. Des protocoles sont définis, variables selon les organismes de l'adoption. Il n'y a aucune justification à ce que les mêmes règles ne soient pas appliquées à tous les enfants. Même si un enfant appartient à une famille où existe une maladie génétique, ne pas être adoptable à cause d'un test positif représenterait pour lui une perte de chance considérable. On adopte un enfant et non un adulte !
Une dernière situation doit être évoquée : celle du test génétique effectué chez le fœtus. Lorsqu'un diagnostic prénatal est pratiqué pour rechercher un état pathologique grave, le test peut rassurer sur un point : l'enfant sera ou non malade.
Le test peut mettre en évidence une anomalie génétique non délétère. Mais il est également possible qu'il caractérise une anomalie génétique, non symptomatique chez ce fœtus. Il peut s'agir de l'état hétérozygote, c'est-à-dire de porteur d'une maladie à transmission récessive autosomique. Ce fait n'a aucune importance pour l'enfant à naître, puisque les conséquences ne sont envisageables que dans le cas d'un projet de descendance, ce dont on est éloigné pour cet enfant pas encore né.
S'agissant de l'état conducteur, soit d'une maladie à transmission liée au chromosome X, soit d'un remaniement chromosomique équilibré, là encore l'importance sera réelle pour un projet de descendance.
L'information délivrée aux parents, doit-elle seulement concerner la présence ou non de la maladie recherchée, ou traiter de ces états non pathologiques de sujets asymptomatiques mais néanmoins à risque ultérieur pour leur descendance.
Le choix de révéler tout ou partie de l'information devrait comme toujours faire l'objet d'une discussion avec les parents intervenant avant l'examen, ainsi que d'un consensus des professionnels. Les parents souhaitent connaître la totalité de l'information produite par le diagnostic prénatal. Le médecin s'interroge sur l'impact possible d'une information qui ne présente aucune importance immédiate et ne concerne pas, à proprement parler, une pathologie.
Il convient aussi de s'interroger sur les problèmes liés à la conservation de l'information. À son adolescence, la mise en évidence de l'état de porteur devra être révélée à l'enfant, dès lors capable de la comprendre. Rien ne permet pourtant d'être assuré que l'information ne sera pas perdue. Elle pourrait donc être conservée dans le dossier de génétique. Toutefois, les conditions de vie actuelles font que les familles se déplacent beaucoup et l'idée de fichier centralisé entraîne une certaine méfiance.
Cependant il importe de prendre en compte qu'un porteur hétérozygote de mucoviscidose présente un risque sur cent d'avoir un enfant malade et qu'un porteur de translocation chromosomique équilibrée a près de 10 % de risque que son remaniement se déséquilibre dans sa descendance. La transmission de l'information relève donc du devoir des parents et du médecin.
Enfin, le dernier point qui justifie une réflexion est celui des découvertes fortuites, sans rapport avec la maladie que recherchait le diagnostic prénatal effectué. C'est le cas des translocations chromosomiques “équilibrées“, trouvées dans une recherche de trisomie. Elles n'ont a priori aucune conséquence, mais obligent à vérifier le caryotype des parents et donc à les informer. En effet, si la translocation est retrouvée chez l'un des parents, elle peut être considérée comme une sorte de marqueur familial sans retentissement pathologique. Mais si elle est de novo, on peut s'interroger sur une éventuelle perte ou gain de matériel génétique. C'est le cas également de certaines anomalies des chromosomes sexuels qui n'ont aucun retentissement sur la vie de l'enfant, sur sa santé ou sa fertilité ultérieure, pour les situations de 47 XXX ou 47XYY. Dans ces circonstances, la révélation en contexte prénatal a essentiellement un effet péjoratif pour l'enfant.
La pratique d'un test génétique chez un enfant sain et chez l'enfant mineur, recouvre donc des situations très diversifiées que l'on doit donc envisager séparément. L'intérêt de l'enfant constitue toujours le fil conducteur d'une réflexion qui concerne à la fois les parents et les médecins.