Le terme dignité vient du latin
dignitas, qualité qui attire la considération, l’estime et le prestige. Reconnaître la dignité d’un être c’est juger qu’il mérite d’être honoré, c’est le distinguer des autres en le gratifiant d’admiration, d’hommages. La dignité est donc a priori ce qui inspire le respect et l’honneur.
Le présupposé serait alors que nous ne sommes pas tous égaux devant la dignité. Certains seraient jugés dignes, d’autres non.
Mais immédiatement surgissent plusieurs problèmes :
- Quels seraient les critères permettant de distinguer le digne de l’indigne?
- Comment pourrait-on gagner en dignité, la conserver ou la perdre ?
- Qui est autorisé à juger ? Par quelle autorité ?
Pour partager la même idée de la dignité, il faut donc se mettre d’accord :
- sur la nature de cette qualité ou vertu ;
- sur les signes qui permettent de la reconnaître chez soi ou chez autrui ;
- sur la légitimité du juge qui décerne ou retire la dignité ;
- sur le droit de chacun à contester le jugement qui ne lui accorde pas ou qui lui retire cette dignité.
Historiquement, on peut faire remonter l’idée de dignité aux stoïciens, néanmoins c’est dans l’humanisme du XVI
ème siècle qu’elle se fait principe universel de dignité avec Pic de la Mirandole
[1]. Se développe dans cet humanisme l’idée que la dignité ne serait pas due à un mérite précis mais à la nature même de tout être humain. On voit naître l’hypothèse d’une égalité des hommes autour de la notion de dignité, sans distinction de rang social, de croyance ou de vertu particulière.
Cette approche humaniste nous amènerait à un premier point : partager la même idée de la dignité serait partager la même idée de l’homme.
C’est ce qui semble repris dans
le Préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :
« La reconnaissance de la dignité inhérente* à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »
*inhérent : qui est attaché à, qui ne peut être séparé de, ni en pratique, ni en théorie.
Défendre ses droits inaliénables d’être humain c’est avant tout défendre sa dignité
La dignité serait
l’essence de l’être humain, l’essence étant ce sans quoi un être n’est pas ce qu’il est. Elle est ici qualifiée d’
inaliénable :
- on ne peut lui prendre ;
- il ne peut lui-même l’abandonner.
Inutile alors de juger de la dignité ou de l’indignité d’un homme. Juger que l’autre est un homme suffit à lui conférer une dignité absolue. Me dire indigne c’est me dire inhumain ; me traiter indignement c’est me déshumaniser, ne pas voir l’humain en moi ou vouloir le détruire.
Me dire indigne serait m’exclure de l’humanité, me discriminer comme non membre de la famille humaine. Me traiter moi-même indignement serait vouloir être ce que je ne suis pas : une chose ou une bête. Se dire ou se penser indigne serait se penser inhumain, s’exclure soi-même de la famille humaine.
La dignité est un droit, exigible de tout autre
, individu comme institution. Défendre ses droits inaliénables d’être humain c’est avant tout défendre sa dignité.
Il n’y a pas de société libre, juste et paisible sans ce respect absolu et sans réserve de la dignité de chacun
Cette première approche nous amène à un deuxième point : la dignité est une idée éthique, politique, juridique. Ce dernier caractère est repris dans
l’article Premier de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :
« Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits. »
On note ce rajout nécessaire à la déclaration de 1789 qui déclarait les hommes égaux en droits mais pas encore en dignité. La déclaration de 1948 abolit toute notion de gradient ou d’échelle de dignité, nul ne peut être considéré plus ou moins digne d’un autre.
Mais ces définitions restent théoriques et nous voudrions dans un troisième point rapprocher l’idée de dignité du
respect du corps humain, comme évoqué
dans le
Code civil : Chap. II, Du respect du corps humain, Art. 16. – «
La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. (...)Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable » (16.1)
Je suis une personne globale, pas un esprit + un corps, il est impossible de séparer l’un de l’autre, de traiter dignement l’un en méprisant l’autre. Impossible de dissocier un être humain en traitant son corps comme un objet, un pur mécanisme, un organisme biologique sain ou malade, un moyen (de plaisir, de profit, d’études....).
Tout corps humain, y compris après la mort est défini par sa dignité : il possède des droits inaliénables. Le consentement (
cf. loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) ou la recherche de l’assentiment du sujet pour toute intervention sur lui (pour recherche ou soin, de son vivant ou post-mortem) est nécessaire. Ce corps reste digne de respect quel que soit sa pathologie, sa faiblesse. Ceci n’est pas
un corps mais le corps digne d’un être humain : ce statut le protège, pose à autrui des obligations et des interdits.
[1] De la dignité humaine. 1486.