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"La France va donc devoir choisir entre une interprétation a minima de la décision de la CEDH et une interprétation a maxima qui la conduirait à transcrire la totalité de l’acte de naissance désignant les parents d’intention comme les parents légaux, qu’ils soient ou non génétiquement liés à l’enfant."
Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /
Publié le : 21 Novembre 2014
Tant sur le plan social que juridique, la question de la gestation pour autrui (GPA) suscite les plus vives polémiques. Ses défenseurs comme ses opposants en appellent à l’éthique, à la morale, à la philosophie, à la psychanalyse, à l’anthropologie... et au droit. Consécration d’un droit à l’enfant pour les uns, expression de la plus profonde solidarité pour les autres, évangélisée ou diabolisée, la GPA ne cesse de diviser.
De fait, au-delà des milieux professionnels concernés, chacun a une position face à la GPA. Elle interpelle, divise, exacerbe. En un mot : elle passionne.
Le 26 juin dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a provoqué un coup de tonnerre dans le ciel de la jurisprudence française relative à la situation des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui.
Par deux décisions, la France a été condamnée à l'unanimité pour avoir refusé de transcrire sur les registres français de l'état civil les actes de naissance d'enfants nés d'une convention de GPA réalisée à l'étranger, dans le respect du droit en vigueur dans le pays de naissance des enfants[1].
Aux termes de l’article 16-7 du Code civil, issu de la loi du 29 juillet 1994, « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».
Face à l’interdiction française, des couples - dont le nombre ne cesse d’augmenter- se rendent hors de nos frontières afin de bénéficier de cette technique. Lorsque celle-ci aboutit, ils rentrent en France parents d’un enfant né à l’étranger et il leur faut alors régulariser l’état civil de ce dernier, comme c’est le cas pour tout enfant né à l’extérieur du pays. A cette fin, ils doivent obtenir la transcription de l’acte de naissance dressé dans le pays d’origine de l’enfant sur les registres de l’état civil français.
En 2011, au travers de trois arrêts rendus le 6 avril, la Cour de cassation a refusé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA réalisée aux Etats-Unis[2]. Dans ces affaires, les actes en question désignaient les parents d’intention comme les parents légaux. De cette façon, bien que conformes à la réglementation de l’état dans lequel ils avaient été rédigés, ils s’avéraient en contradiction avec le droit français, notamment en ce qu’en désignant comme mère la femme qui n’avait pas accouché, ils constituaient une transgression du principe d’indisponibilité de l’état des personnes, donc de l’ordre public.