video
cours en ligne
Cours donné dans le cadre des enseignements de l'Espace éthique/AP-HP 2011-2012.
Par: Pierre Bétrémieux, Docteur en philosophie, EA 1610, membre du conseil de vigilance de la Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés /
Publié le : 01 Août 2013
Répondre de la vulnérabilité humaine c’est s’engager en sa faveur au travers du souci de l’autre, le plus vulnérable, par une responsabilité illimitée à son égard. Cette responsabilité infinie est représentée par celle qui nous oblige à protéger le plus vulnérable, symbolisé par l’enfant dont la souffrance est injustifiable, ou bien par la personne handicapée qu’il faut accompagner tout au long de sa vie. Le concept de responsabilité est introduit à partir des œuvres de Ricœur, Jonas et Levinas. Par le vocable « souci de l’autre » s’expriment les diverses formes de responsabilité par laquelle le sujet est convoqué pour répondre de la vulnérabilité humaine. La responsabilité pour autrui considéré comme principe d’individuation chez Levinas, détermine un « concernement » pour l’autre, identifié comme l’un des aspects du processus de maturation du nouveau-né par Winnicott. Le souci de l’autre se traduit chez Kant par une sympathie active envers autrui, à l’origine d’une éthique que l’on peut qualifier de « bienveillance active et de respect » : Kant fait de la bienfaisance envers l’autre dans la détresse, un devoir. C’est au sein de la cellule humaine élémentaire, la famille – quelle qu’en soit la structure ethnologique – que se réalise cette hospitalité sacrée, qui accueille originairement le plus faible et le plus vulnérable : le pacte parental et la bienveillance qu’il implique, représente le paradigme de la responsabilité envers autrui en tant que protection et défense du droit à l’existence de toute personne vulnérable et plus généralement de tout être humain indépendamment de ses déficiences ou de ses capacités.
Le handicap représente l’une des situations limites, au sens de Jaspers, que doit affronter l’être humain ; au même titre qu’il est assigné à faire face à sa détermination historique, au combat, à la culpabilité, à la souffrance et à la mort en tant que situations limites. Ceux qui leur sont les plus chers peuvent certes les aider à surmonter le stigmate et la honte irréductible dont sont marquées les personnes handicapées, mais ils ne peuvent leur enlever le fardeau de la déficience. Très éloigné de sa version étatique et coercitive, un eugénisme négatif, libéral et préventif est désormais admis dans nos sociétés : une fois cet état de fait légitimé, il devient impératif d’analyser les thèses utilitaristes qui, au nom d’un supposé « antispécisme », proposent de définir un « critère moral » de distinction entre la vie qui vaut d’être vécue et celle qui ne le vaut pas, refusant ainsi d’accorder la même valeur à tous les êtres humains selon leurs capacités : une restriction des traitements médicaux « futiles » devrait s’appliquer à des personnes dont « la vie devient futile », parce que considérées « aux marges de la vie ». De telles propositions « indicibles » remettent en cause le pacte parental, l’une des conditions du maintien de la cohésion de toute société décente. La famille représente la première sphère normative de la reconnaissance : celle des liens affectifs par lesquels se réalise l’accueil de l’être vulnérable, marque d’une hospitalité sacrée qui peut servir de modèle à suivre pour la famille élargie que devrait constituer la société.