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L’émergence de la bioéthique
Le développement de l’éthique médicale contemporaine plonge ses racines dans le contexte politique et social du libéralisme individualiste des années 1960 et s’est structuré autour du rapide progrès des biotechnologies. L’application des technologies modernes aux divers champs de l’activité médicale a confronté les médecins et les chercheurs à des conflits et des dilemmes éthiques inédits qui mettaient en jeu leurs responsabilités éthiques face aux nouvelles possibilités d'intervention sur le vivant. La conception traditionnelle de la responsabilité médicale semblait alors inadaptée à ces nouveaux défis.
Par: Lazare Benaroyo, Professeur d’éthique et philosophie de la médecine, faculté de biologie et de médecine, président de la Plateforme interdisciplinaire d’éthique (Ethos) de l’université de Lausanne, Suisse /
Publié le : 19 Mai 2014
La crise de confiance des années 1960-1970
Suite aux crimes contre l’humanité perpétrés dans les camps nazis, le code de Nuremberg (1947) imposait la règle du consentement libre et éclairé et la Déclaration d’Helsinki (1964) apportait des précisions substantielles sur la notion de recherche clinique en précisant que dans toutes recherches sur l'être humain, l’intérêt de la science ne devait jamais prévaloir sur le bien-être de l’individu qui se soumet volontairement à une recherche.
Comme le relève Henry K. Beecher, Professeur d’anesthésiologie à Harvard Medical School, dans un célèbre article publié en 1966 dans The New England Journal of Medicine,[i] ces règles éthiques n’étaient pas toujours respectées. Vivement critiqué par ses collègues, Beecher précise que ses observations ne cherchent pas à dénoncer la mauvaise foi des expérimentateurs, mais à mettre en cause la nature même de l’expérimentation sur l’être humain et insiste sur l’importance de former des chercheurs afin de leur permettre d’assumer les défis éthiques propres à leurs travaux expérimentaux.
À l’instar des propos de Beecher, de nombreuses autres observations dans le champ de la clinique attestent que les médecins-chercheurs de cette époque ne parvenaient pas à trouver au sein du corpus médico-éthique traditionnel les ressources nécessaires pour relever ces défis.
L’exemple de la première transplantation cardiaque effectuée le 3 décembre 1967 par Christiaan Barnard au Groote Schur Hospital à Cape Town, en Afrique du Sud, illustre notamment bien les défis éthiques qui caractérisaient le développement des biotechnologies à la fin des années 1960. Pour faire face à ces défis, Walter Mondale, alors sénateur du Minnesota, proposait au Congrès de créer une commission chargée d’étudier la question de la responsabilité des chercheurs face aux progrès qu’ils accomplissent : cette commission constituerait un lieu où le point de vue médical sur les implications du progrès pourrait être pondéré par d’autres points de vue – tels, par exemple, les réflexions théologiques, légales, sociologiques ou psychologiques sur les avancées des biotechnologies.
Lors des premières audiences, les points de vue de Barnard et de son maître Owen Wangensteen étaient parmi ceux qui avaient suscité les réactions les plus fortes auprès des membres de la commission. D’après l’historien Rothman, les propos de ces deux chirurgiens mettaient en lumière l’observation suivante:
« Les exploits rendus possibles par les technologies médicales avaient fait passer la médecine de la catégorie d’une profession d’aide à celle d’une ingénierie du vivant. L’image du médecin qui se dégageait des audiences n’était pas celle d’une personne tenant la main de son patient au chevet de son lit, mais celle d’un technicien faisant fonctionner des machines dans des unités de soins intensifs. (…) Les audiences ne portaient pas sur la relation médecin-patient, mais bien plus sur le mauvais usage potentiel des technologies – dans le contexte d’une sorte d’anxiété mêlées de sentiments ambigus que la technologie suscitait au sein du monde médical.» [ii]
Au fil des audiences, les défenseurs du projet de Mondale acquièrent l’intime conviction que de nouveaux fondements éthiques, puisant à d’autres sources que celles auxquelles se réfère la morale médicale traditionnelle, s’avèrent indispensables pour guider les pratiques médicales.
Christiaan Barnard plaide en faveur du maintien d’une autonomie morale de la pratique médicale ; il est soutenu par les propos de son maître, Wangensteen, qui dirige le département de chirurgie de l’hôpital universitaire du Minnesota, ainsi que par Jesse Edwards, président de l’American Heart Association. Ces derniers insistent sur le fait qu’il ne leur paraît pas raisonnable de confier la responsabilité d’une décision médicale à des personnes externes à la profession, dans la mesure où celles-ci n'ont pas les compétences professionnelles suffisantes pour évaluer le bien-fondé d’une recherche expérimentale: les progrès médicaux risqueraient d’être ainsi compromis.
Plus fondamentalement, Barnard accompagné de Jesse Edwards ainsi que du généticien Arthur Kornberg, prix Nobel de médecine en 1959, reprochaient à Mondale d’imaginer les dangers qui pourraient surgir de l’usage de la technologie médicale alors que, de leur point de vue, les progrès techniques constituent un moyen de développer les thérapies du futur : limiter l’application de la technologie médicale par l’intermédiaire d’une Commission fédérale signifiait, pour Kornberg, réduire les possibilités d’aider les patients dans le futur.
Comme le remarque Rothman, au fil des audiences, le fossé se creusait entre les « insiders » et les « outsiders », qui avaient des points de vue diamétralement opposés :
« Aux yeux des uns (« outsiders »), la technologie menaçait de discréditer les valeurs sociales et les personnes profanes devaient s’associer aux scientifiques – certes des savants, mais non des sages – pour pondérer les implications de leurs recherches. (…) Aux yeux des autres (« insiders »), cependant, le public était une fois de plus en train de faussement interpréter le travail effectué par les scientifiques. Au mieux, une commission nationale sortirait les chercheurs de leurs laboratoires pendant quelques jours, au pire, elle les empêcherait de travailler et retarderait le développement de progrès scientifiques. Ainsi, résume Rothman, chaque camp estimait que sa propre position était la bonne, et jugeait le camp adverse volontairement contrariant chaque fois qu’il faisait obstacle aux mérites évidents des arguments avancés.» [iii]
Malgré les solides arguments sur lesquels il s’appuyait, Mondale ne parvint pas à réaliser son projet au terme de sa législature, qui prit fin en 1968. Le projet pu aboutir 6 ans plus tard, grâce aux efforts du sénateur Edward Kennedy: le 12 juillet 1974, le président Nixon signe l’acte de constitution de la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research. Cette structure deviendra un forum pour l'élaboration d’une nouvelle conception de l’éthique médicale puisant ses sources au sein d'un pluralisme social et moral.
Assises institutionnelles de la bioéthique naissante
La mission confiée à cette Commission nationale consiste à déterminer de quelle manière protéger le plus efficacement possible les droits et le bien-être des sujets de recherche. Le Congrès lui fixe la tâche suivante: « identifier les principes éthiques de base qui devraient sous-tendre la conduite des recherches biomédicales et comportementales effectuées sur des êtres humains, et de développer les lignes directrices qui devraient être suivies dans ces recherches. » [iv]
Pour accomplir cette mission, la commission se dote de onze membres, dont trois médecins, deux chercheurs fondamentaux, trois juristes, un philosophe, une bioéthicienne et un représentant du grand public. La commission y invite des éminents penseurs à répondre à la problématique éthique suivante: comment assurer la protection des droits individuels des sujets de recherche tout en cherchant à améliorer le bien commun ? Il s’agissait alors de fonder l’éthique de la recherche médicale sur des traditions orientées vers le respect de droits universels et intemporels, puisant notamment leurs sources dans une réactualisation de la philosophie kantienne.
Dans son rapport - The Belmont Report : Ethical Principles and Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research - qui paraît en 1978, la Commission conclut que le respect des trois principes suivants - « respect for persons, beneficence and justice » - constitue le fondement éthique de toute recherche expérimentale sur l’être humain. Aux yeux des membres de la Commission, le respect de ces principes universels permet de garantir que les droits des sujets de recherche soient respectés et que les bénéfices d’une activité médicale soient répartis de manière équitable. De l’avis de cette Commission, l’évaluation du respect de ces principes devrait être confiée à des Comités d’éthique de la recherche clinique hospitaliers. Ces derniers virent le jour dans toutes les institutions hospitalo-universitaires dès les années 1970.
La naissance du mot « bioéthique » au début des années 1970[v] atteste d’ailleurs bien ce besoin social de renouveler la signification même du champ de la responsabilité médicale qui se déployait à l’horizon de l’activité des médecins-chercheurs : une nouvelle science morale qui se concentre au-delà de l’éthique médicale traditionnelle sur l’étude interdisciplinaire des conduites humaines dans les domaines des sciences de la vie, de la santé et de l’environnement, notamment l’expérimentation sur l’être humain et l’animal, les questions d’allocation des ressources, les priorités de santé publique ainsi que l’économie de la santé, ceci en étroite collaboration avec le travail effectué par la Commission nationale et le Kennedy Institute of Ethics, fondé par la famille Edward Kennedy en 1971.
L’activité de cet institut débute avec le concours de deux théologiens, Warren T. Reich et Le Roy Walters, un élève du théologien James Gustafson. Dans ce cadre, le National Reference Center for Bioethics est fondé en 1975 à Georgetown University. Ce dernier devient rapidement le centre de documentation de référence en matière de bioéthique.
James Childress, également élève de James Gustafson, rejoint l'Institut en 1975, accompagné en 1977 du médecin et philosophe Tristam Engelhardt, puis en 1979 du philosophe Robert Veatch. James Childress, nommé professeur d'éthique chrétienne, établit à Georgetown University une collaboration fructueuse avec Tom Beauchamp, alors professeur de philosophie dans cette même université. Ces deux auteurs publient en 1979 un ouvrage intitulé Principles of Biomedical Ethics qui propose d’étendre le champ d’application du Rapport Belmont - initialement limité à la recherche expérimentale sur l’être humain - à l’ensemble de la pratique médicale. Ces deux auteurs annoncent qu’ils souhaitent proposer: « la première analyse systématique des principes éthiques qui devraient régir un grand nombre de décisions touchant la biomédecine. »[vi] Cet ouvrage connaît un énorme succès et influencera considérablement le développement de la bioéthique nord-américaine et, plus tard, européenne.
Le Kennedy Institute sert également de support à une seconde entreprise de plus grande envergure: Warren T. Reich est mandaté de publier la première Encyclopédie de bioéthique. L’ouvrage, qui comporte des contributions pluridisciplinaires émanant de théologiens, de philosophes, de juristes, de politiciens, d'économistes, de médecins et de biologistes, paraît en quatre volumes en 1978.
Ces deux publications serviront dès la fin des années 1970 de véhicule à la diffusion de l'ethos de la bioéthique nord-américaine qui englobe dès lors l’ensemble de l’activité médicale, qu’il s’agisse de la recherche ou de la clinique.
L'ethos de la bioéthique nord-américaine des années 1980
Dans la première édition de l’Encyclopédie éditée par Warren T. Reich de même que dans l’ouvrage de Tom Beauchamp et James Childress il est possible d’identifier les valeurs phares de la bioéthique nord-américaine naissante, à savoir:
- La priorité accordée au respect de l'autonomie du sujet de recherche et du patient, qui garantit le respect de la dignité de ces derniers.
- La conception de la bienfaisance médicale, qui est restreinte à ses effets bénéfiques mesurables à l’aide d’instruments techniques. Cette approche utilitariste de la bienfaisance limite explicitement son étendue à une dimension de bienfaisance médico-technique, tant dans le cadre de la recherche expérimentale que dans le domaine du soin.
- La priorité accordée, dans le champ de la clinique, à la notion de contrat médical : l’archétype de la relation médicale est celui de l’accord volontaire et informé entre le soignant et le patient, tous deux autonomes, sur le modèle du contrat qui régit la relation entre l’investigateur et le sujet de recherche.
- Le souci d'élaborer une conception de la justice distributive, notamment d’allocation des ressources rares qui parvient à préserver le bien commun, tout en respectant le bien individuel.
Cet ethos s'incarne dans trois principes cardinaux proposés dans le Rapport Belmont ainsi que l’ouvrage de Beauchamp et Childress: les principes d’autonomie, de bienfaisance et de justice. Ces auteurs précisent que le principe de bienfaisance tel qu’il est énoncé dans le Rapport Belmont se décline dans le champ médical sous deux formes distinctes: la bienfaisance proprement dite et la non-malfaisance. Examinons chaque principe en détail :
- Le principe de respect de l’autonomie est défini comme un groupe de règles morales exprimant l’obligation pour tout soignant de respecter la volonté du patient lors d’une prise de décision concernant sa santé. Pour ces auteurs, un patient ne peut prendre une décision autonome et éclairée que lorsque la possibilité d’exprimer ses propres croyances et systèmes de valeurs lui a été offerte et que sa décision est prise hors de toute contrainte. Le respect de ce principe s’exprime par les règles suivantes : le devoir d’obtention du consentement libre et éclairé du patient, ainsi que par les devoirs de confidentialité et de véracité. La personne qui n'est pas en mesure de comprendre pleinement les informations qui lui sont transmises (à cause d’un retard mental ou d’une sévère atteinte cognitive, par exemple), n'est pas considérée, aux yeux de ces auteurs, comme une personne jouissant d'une totale autonomie de décision: une décision la concernant devra dès lors être sollicitée auprès d'un tiers se substituant à elle (surrogate) ;
- le principe de non-malfaisance (nonmaleficence) constitue une obligation morale de maximaliser les effets favorables et de minimiser les effets délétères des actes médicaux. Il fonde le devoir d'évaluation du rapport risque/bénéfice d'une recherche ou d’une pratique médicale en vue de préserver la santé, de soulager la souffrance, d'améliorer les handicaps et de prolonger la vie;
- le principe de bienfaisance (beneficence) est défini comme un groupe de règles morales exprimant l’obligation :
- de supprimer le mal en soulageant la souffrance et plus particulièrement la douleur ;
- de procurer des bienfaits au malade en trouvant la juste mesure entre les risques et les bénéfices d’une intervention médicale ;
- de promouvoir le bien en améliorant les handicaps ou en prolongeant la vie ;
- de préserver la santé en favorisant la prévention des maladies.
Dans cette perspective, la bienfaisance, au sens de la bioéthique des années 1970, consiste à mettre en oeuvre les moyens techniques les plus performants à disposition du patient afin de lui donner la possibilité de choisir – au nom du respect de son autonomie - l'option de prise en charge thérapeutique qu'il juge la meilleure en fonction de ses propres valeurs et de ses besoins.
- le principe de justice est défini comme un groupe de règles morales exprimant l’obligation de répartir de manière équitable les ressources médicales de même que les bienfaits et les risques d’une conduite médicale. Dans le cadre de la pratique médicale, le principe de justice porte essentiellement, selon Beauchamp et Childress, sur la question de la distribution des ressources médicales.
Face à un dilemme éthique mettant en tension le respect de deux ou plusieurs principes dans une situation clinique concrète, Beauchamp et Childress proposent une démarche méthodologique qui s’appuie sur le caractère prima facie de chacun de ces principes. Ce caractère confère à chacun des principes le statut éthique d’obligation impérative a priori, qui est pondéré en pratique par la spécificité du contexte.
Pour illustrer leur propos, Beauchamp et Childress prennent l'exemple suivant: la règle de « ne pas mentir à un malade » est une obligation que les soignants doivent respecter impérativement a priori. Elle est fidèle au principe de respect de l’autonomie du patient. Dans la pratique, cette obligation n’est cependant pas absolue: en fonction du contexte, elle peut en effet être mise en question par une autre obligation, notamment la non-malfaisance, soit ne pas nuire au patient en donnant à ce dernier une information qui provoquerait une souffrance inutile. Aux yeux de Beauchamp et Childress, c’est donc l’exploration du contexte (pratiques institutionnelles, ressources limitées, risques techniques, croyances religieuses, projets et aspirations personnelles des patients) qui va permettre de reconnaître quel statut éthique doit être accordé, par exemple au respect de l’autonomie lors de l'élaboration d'une décision concrète et singulière.
Limites de l'ethos de la bioéthique classique
En 1990, K. Danner Clouser et Bernard Gert reprochent à Beauchamp et Childress d’avoir conféré un caractère prescriptif à la méthode d’application des principes de la bioéthique : selon ces auteurs, ce caractère s’est depuis lors développé sous la forme d'un mantra, soit d'un rituel « incantatoire » prononcé indistinctement face à toute forme de dilemmes éthique apparaissant en médecine clinique. Gert et Clouser qualifient péjorativement cette méthode de principlisme.[vii]
Au début des années 1980, Daniel Callahan avait déjà qualifié la bioéthique naissante d’éthique « minimaliste » : à en croire le discours bioéthique, écrit-il, « chacun est en droit d’agir moralement dans le sens qui lui semble bon aussi longtemps qu’il ne nuit pas à autrui ».[viii] En utilisant l’expression « éthique minimaliste », Callahan insiste sur le fait que le prix à payer pour la reconquête des droits des personnes vulnérables et des minorités (l’objectif principal de la bioéthique des années 1970), s’est paradoxalement soldé par la mise à distance de valeurs fondamentales de l’éthique sociale.
En d’autres termes, l’idéologie de défense des droits des individus - et plus particulièrement du principe d’autonomie, qui en est l’expression la plus vive -, soulève d’importants défis éthiques tant sur le plan de la recherche biomédicale que sur celui de la pratique clinique. Dans ce domaine notamment, cette tendance court le risque, comme le relève Warren Reich, un chercheur du Kennedy Institute of Ethics, de progressivement dévitaliser les liens qui unissent éthique et médecine. En insistant, en effet, sur les fortes tensions qui peuvent exister entre le devoir de respect de la volonté du malade et les possibles excès de la technologie médicale, l’ethos de la bioéthique tend à dévier l’attention du médecin d’une visée éthique essentielle à son art: respecter la dignité du patient au sein d’une relation de confiance en aidant ce dernier à restaurer l’atteinte causée par la maladie à son intégrité et à son autonomie (au sens de l’altération de sa capacité à exercer une maîtrise sur son existence).
Conclusion et perspectives contemporaines
L’éthique biomédicale s’est développée depuis les années 1960 comme l’ombre portée des avancées biotechnologiques. Poussée par l’urgence de baliser les progrès biomédicaux, elle s’est rivée au présent en suivant les contours de la culture scientifique. Elle a ainsi reproduit la tendance développée par la médecine contemporaine d’envisager l’étude de ses fondements philosophiques, sociologiques et historiques comme étant peu pertinents pour appréhender le présent et éclairer le futur. L’éthique biomédicale contemporaine s’est ainsi imperceptiblement distancée des liens qui l’unissent aux dimensions humanistes de la médecine, sans peut-être réaliser qu’en formulant ses questionnements à partir du moule façonnant les développements bio-médicaux, elle participait activement à cette dissolution.
Or, réduire la démarche éthique en médecine à une perspective qui accrédite la dissolution des liens qui unissent éthique et médecine revient à priver la médecine des dimensions critiques que les méthodes philosophiques, sociologiques et historiques peuvent apporter à l’humanisme médical pour construire un avenir porté par la responsabilité qui lui incombe.
Cette question place à nos yeux la bioéthique contemporaine devant le défi suivant: comment construire aujourd’hui une éthique médicale qui revivifie les liens qui unissent la médecine aux dimensions humanistes du soin? Comment développer une éthique de l’attention et de la réponse qui permette d’entendre et d’écouter à la fois ce que le malade aimerait nous dire et ce que son corps nous laisse entendre?
Pour relever ce défi, il nous paraît indispensable de construire une éthique qui redonne vie à ces liens[ix] en fondant cette dernière sur une anthropologie clinique qui engage la responsabilité du médecin au coeur même de sa pratique.
Références
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