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Adapter les soins, apprivoiser l’incertitude : un travail collégial et collaboratif
"Les décisions prises au décours d’une procédure collégiale ne préjugent pas d’une évolution univoque : elles nécessitent adaptation et humilité."
Par: Danièle Lafaye, Cadre de santé / Sylvie Preuilh, Inifirmière / Bernard Paternostre, Médecin /
Publié le : 09 Mars 2017
Régulièrement, l’Equipe Mobile de Soins Palliatifs (EMSP) est appelée dans différents services (médecine, chirurgie, réanimation, urgences, dialyse,…) pour participer à une démarche décisionnelle posant des questionnements éthiques difficiles à résoudre (limitations et arrêts de thérapeutiques actives, arrêt de dialyse, abstention ou réalisation d’une amputation, demandes d’euthanasie, …). Chaque situation est unique et singulière. Les décisions prises au décours d’une procédure collégiale ne préjugent pas d’une évolution univoque : elles nécessitent adaptation et humilité. La mise en place d’une sédation profonde et continue ne doit pas être systématique dans le cadre d’arrêts des traitements actifs.
Nous proposons de l’illustrer par trois exemples. Monsieur S, 81 ans, présente un AVC grave, compliqué d’une septicémie. Le pronostic péjoratif est annoncé aux proches ainsi que le risque de décès. Une intervention chirurgicale n’est pas envisageable, d’autant plus qu’au décours de l’hospitalisation survient un nouvel AVC. Une décision collégiale d’abstention d’alimentation entérale est prise. Les membres de la famille sont informés et réagissent différemment, certains gardant un espoir et d’autres se préparant au décès. Les soins de confort et une hydratation minimale sont poursuivis de manière proportionnée. Au bout de huit jours, Monsieur S, 81 ans, entrouvre les yeux, prononce un ou deux mots… Trois jours plus tard, il commence à avaler et demande à aller au fauteuil. Un retour à domicile sera ensuite organisé avec des aides adaptées et le soutien de la famille.
Madame L., 68 ans, hospitalisée en service de médecine après un nouveau passage en réanimation, souffre d’une insuffisance respiratoire terminale. Elle ressent régulièrement des épisodes d’étouffement. Elle supporte mal la VNI (Ventilation Non Invasive) en continu. Devant l’inefficacité des traitements conventionnels, en accord avec la patiente, une abstention de réanimation et de trachéotomie est décidée en collégialité. Pour la soulager, une sédation est débutée à sa demande. Au bout de quelques heures, ne souhaitant plus « être endormie », elle demande l’arrêt du traitement sédatif. L’EMSP est alors appelée pour l’accompagnement et la prise en charge des symptômes. Madame L., alité, se présente comme une femme dynamique, veuve, mère de quatre enfants et grand-mère, aimant la moto et la cuisine, consciente de la gravité de son état. Pendant l’entretien, elle exprime son espoir d’aller un peu mieux, de rentrer chez elle… tout en précisant qu’elle prépare ses enfants et petits-enfants à la séparation à venir. Elle décédera huit jours plus tard, sans sédation, avec l’adaptation du traitement de fond à trois reprises et une titration intra-veineuse lente de morphine et de midazolam pour un épisode de gêne respiratoire aiguë vingt-quatre heures avant son décès.
Madame S., 66 ans, est en état pauci-relationnel après deux mois d’hospitalisation en réanimation suite à une rupture d’anévrysme cérébral sévère ayant entraîné plusieurs traitements lourds classiques (dérivation externe, craniectomie, internalisation de la dérivation…). Devant un diagnostic neurologique très péjoratif et suite à la demande d’une partie de la famille craignant un « acharnement thérapeutique », une extubation est réalisée. La mise en place d’une sédation préventive est envisagée devant ses antécédents respiratoires et la possible survenue d’une détresse respiratoire. A la surprise générale, elle respire seule, sans aide ventilatoire ni signe de souffrance. Alimentée par sonde naso-gastrique, le pronostic neurologique est toujours aussi péjoratif. Après plusieurs réunions d’équipe et rencontres de l’entourage - par les médecins et avec un soutien par la psychologue -, une décision collégiale d’arrêt de l’alimentation artificielle et des traitements à visée cardiaque est prise, avec l’adaptation des soins pour son confort. Un transfert en USP pour le soutien de l’entourage est proposé et réalisé. Madame S. décède huit jours plus tard, entourée de ses proches après avoir revu son ex-mari, sans recours à la sédation.
Adapter les soins au plus juste
Ces situations cliniques complexes montrent l’importance de la collaboration entre équipes référentes et EMSP. La décision collégiale vient renforcer la collaboration interdisciplinaire, en articulant les différentes approches cliniques, thérapeutiques, psychologiques et corporelles de la médecine palliative. Elle a pour objectif d’offrir une qualité de vie au patient face à des questionnements éthiques dans ces moments d’incertitude de la fin de vie. Nous devons sans cesse nous interroger sur les situations qui relèveraient d’une sédation profonde continue telle que définie par le texte de loi du 2 février 2016. La sédation profonde et continue « préventive» n’est pas une réponse systématique dans les situations d’arrêts et limitations thérapeutiques. Il est important de s’interroger sur les autres alternatives médicamenteuses et non médicamenteuses pour répondre aux souffrances des personnes malades en adaptant au plus juste les soins en fonction des demandes et de leurs besoins.
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