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Défis éthiques et valeurs du soin

L’éthique du soin nécessite de développer, aux côtés de la technique, une approche qui relève de l’humain et de l’attention à l’autre en tant que personne, dans le respect de ses valeurs propres.

Par: Elisabeth Quignard, Médecin en gériatrie et soins palliatifs, Réseau régional Champagne Ardenne RéGéCAP /

Publié le : 06 Janvier 2016

En hommage aux victimes des attentats, et dans le cadre de la réflexion nationale portant sur la refondation de la République, l'Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France propose son initiative « Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement ». Les éditos présentés en janvier 2016 s’inscrivent dans cette perspective.

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.


Penser la citoyenneté au quotidien et la décliner concrètement au fil de l’existence, voilà ce que les soignants sont appelés à vivre en permanence. Confrontés à la maladie, à la vieillesse, aux incapacités, aux handicaps physiques et psychiques, à la fin de la vie, ils se doivent de suivre les principes fondateurs de la bioéthique : autonomie, bienfaisance, non-malfaisance et justice. Parallèlement, ils doivent aussi s’appuyer sur des valeurs partagées en équipe et servant de référence telles que solidarité, bienveillance, respect, tolérance, dignité, honnêteté, vérité, sécurité, intégrité, intimité et protection du plus faible. Ces valeurs rejoignent les valeurs de la République, liberté, égalité et fraternité ; elles peuvent s’y trouver résumées.
 
L’éthique du soin envisage le patient dans sa globalité et dans toutes ses composantes : physiques, psychiques, sociales, culturelles et spirituelles. Elle nécessite de développer, aux côtés de la technique, une approche qui relève de l’humain et de l’attention à l’autre en tant que personne, dans le respect de ses valeurs propres. Au carrefour des sciences et techniques médicales d’une part, et des sciences humaines d’autre part, l’éthique amène à s’interroger sur le sens que peut prendre la maladie au sein d’une existence singulière.
Les tensions entre ces différentes valeurs nous obligent à nous interroger, à nous laisser interpeler, à peser sans cesse les bénéfices et les risques des solutions envisagées lors des décisions à prendre. L’éthique du soin convoque la responsabilité dans l’acte soignant.
 
La liberté est interrogée par exemple dans la possibilité d’aller et venir pour la personne dans un établissement médico-social. Liberté et droit au risque sont des questionnements fondamentaux dans les pratiques du soin et de l’accompagnement.
La liberté est aussi interrogée dans la possibilité d’être loyalement informé, de donner son consentement ou à tout le moins son assentiment, ou encore dans la possibilité de concilier une certaine intimité avec la vie en collectivité.
 
L’égalité est interrogée notamment dans les possibilités d’accès aux soins pour tous, dans le respect des valeurs de chacun, dans la réalité de la non-discrimination.
Elle est aussi convoquée à l’heure de la réflexion collégiale, démarche de délibération dans laquelle chacun peut exprimer son point de vue dans une situation délicate, en pluridisciplinarité, sans prééminence de tel avis sur tel autre, et sans nécessité d’aboutir à un consensus. C’est l’apprentissage d’une démarche fondée sur l’éthique de la discussion, qui permet de s’écouter et de confronter les points de vue, et enfin d’apporter un éclairage au médecin pour prendre sa décision.
La collégialité ne peut se décliner que dans la durée, et dans une certaine forme d’engagement permanent et solidaire : l’aventure de la démarche éthique est nécessairement collective, et représente une illustration de la citoyenneté et de la démocratie.
 
La fraternité est interrogée au quotidien dans l’attention portée à autrui et dans la sollicitude du soignant envers le soigné qui l’oblige. C’est un engagement à accompagner sans faille et parfois jusqu’au bout.
 
Ces valeurs soignantes constituent les valeurs du care. Le prendre soin s'étend aujourd’hui à la capacité de s'occuper d'autrui et de lui porter attention ; et la prise de conscience des liens d'interdépendance existant entre les individus invite à une nouvelle organisation de la société. De façon assez récente, la notion d'accompagnement, habituellement déclinée dans le soin, propose une approche plus large, plus sociale et plus politique du care.
 
C’est l’interrogation que propose par exemple Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d'État aux personnes âgées, dans son livre Une société du soin[1]: « Dans nos sociétés où la crédibilité de l'action politique est remise en cause, l'éthique du care, de la sollicitude débordant de la sphère privée du soin, peut-elle être un nouveau moteur pour un projet politique, pour un projet de société ? »
 
C’est à ce défi que nous sommes aujourd’hui collectivement confrontés.

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement

 
[1] GUINCHARD Paulette, PETIT Jean-François, Une société de soin, Ivry-sur-Seine, les éditions de l’atelier, 2010

Dans ce dossier

Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement