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Charte éthique et accompagnement du grand âge

Cette Charte présentée le 2 septembre 2021 vise à contribuer à un plus juste engagement de celles et ceux qui investissent dans le soin et l’accompagnement un sens élevé de la responsabilité humaine et de nos solidarités démocratiques. Nous souhaitons qu’elle puisse favoriser l’esprit critique et accompagner les évolutions actuelles dans les pratiques et les organisations. Elle devrait également constituer un support pour analyser, d’un point de vue éthique, les situations concrètes parfois difficiles à arbitrer sur le terrain.

Par: Fabrice Gzil, codirecteur de l'Espace éthique/IDF /

Publié le : 02 Septembre 2021

Préambule à la Charte

Par une lettre de mission en date du 13 novembre 2020, Madame Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l’Autonomie, a demandé à Fabrice Gzil, directeur adjoint de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France, de produire – en concertation étroite avec l’ensemble des acteurs concernés – une Charte éthique sur les valeurs et les principes de l’accompagnement des personnes âgées.


Une éthique engagée et impliquée.

L’éthique peut se définir comme une réflexion sur le sens et la valeur de nos actions. Dans le domaine du soin et de l’accompagnement, elle vise à rendre les pratiques plus responsables, justes et respectueuses de la personne. Elle n’est donc pas une affaire de spécialistes hors-sol, mais d’abord une relation entre des personnes en situation de vulnérabilité et tous ceux – professionnels, bénévoles, aidants familiaux, proches aidants – qui sont présents au plus près d’elles. Par conséquent, loin de donner des leçons de morale, l’éthique vise à éclairer et soutenir la démarche de celles et ceux qui s’efforcent, au quotidien, d’accompagner les personnes ayant besoin d’aide et de soins. Comme nous y invite Emmanuel Hirsch, nous ne devons pas oublier qu’en témoignant cette attention et cette sollicitude à l’autre, ces intervenants sont les veilleurs qui défendent les valeurs de notre démocratie et de notre République.

Grand âge : une réflexion ancienne.

En France, une réflexion éthique est menée depuis de nombreuses années sur l’accompagnement des personnes âgées. Un groupe de réflexion Éthique et société – Vieillesse et vulnérabilités a notamment été mis en place à l’Espace éthique de l’AP-HP dès 1997. Et au fil des rencontres que nous avons organisées ces dernières années, nous avons constaté à quel point les professionnels et les équipes se questionnent sur le sens et les valeurs qui sous-tendent leur accompagnement et souhaitent engager une démarche éthique concertée.

La nécessité d’une réflexion renouvelée.

Plusieurs éléments rendent aujourd’hui nécessaire un approfondissement et un renouvellement de cette réflexion. D’une part, la « révolution de la longévité » : un nombre de plus en plus important de personnes poursuivent leur existence jusqu’à un âge avancé. D’autre part, un changement de culture : les personnes qui avancent en âge n’acceptent plus aujourd’hui d’être considérées comme des objets de soins ; elles veulent être reconnues comme des sujets de droit. Enfin, c’était l’une des conclusions du document-repère Pendant la pandémie et après. Quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ?1 : l’ensemble des acteurs estiment aujourd’hui nécessaire de clarifier les valeurs qui devraient servir de boussole pour mieux se repérer dans les pratiques. Et ils souhaitent renforcer et affirmer la part de l’éthique dans l’exercice de leurs missions. Ces quelques constats inspirent la rédaction de cette Charte.

Une très large consultation.

En nous appuyant d’une part sur le cadre légal (notamment l’article L.311-3 du CASF), d’autre part sur les référentiels existants (cf. Annexe A - Bibliographie sélective) et enfin sur les apports du document-repère, nous avons rédigé une première ébauche. Celle-ci a été proposée à la discussion des personnes concernées dans le cadre de quatre groupes de travail et à partir d’une enquête nationale à laquelle ont contribué pas moins de 4 333 personnes (cf. Annexe B – Enquête nationale : Synthèse des résultats). La présente Charte intègre ainsi les apports de 4 350 contributeurs : personnes âgées, aidants familiaux et proches aidants, professionnels du secteur, bénévoles et citoyens intéressés par ces questions.

Une éthique universelle, déclinée dans le contexte du grand âge.

Trois convictions ont présidé à l’écriture de cette Charte. La première est qu’il ne saurait y avoir une éthique spécifique aux personnes âgées. Celles-ci sont des citoyens partageant les mêmes droits et devoirs avec les autres membres de la société. C’est pourquoi la présente Charte énonce dix principes universels (ils valent quel que soit l’âge ou la situation de vie des personnes concernées), avant de les décliner pour tenir compte des spécificités du grand âge.
Une prise en compte de l’extrême diversité des situations.
La deuxième conviction est que les personnes qui avancent en âge sont extrêmement diverses, ne serait-ce que par leur histoire personnelle, leur environnement, leur lieu de vie, leurs problèmes de santé ou leurs éventuelles autres difficultés (physiques, sensorielles, psychiques, cognitives). Nous avons eu à coeur de ne jamais renoncer à prendre en compte cette diversité, afin que les principes puissent s’appliquer de manière personnalisée à tous.
Une éthique de la nuance et de la complexité.
La troisième conviction qui a présidé à l’écriture de cette Charte est que, face à des enjeux humains aussi sensibles, il est impératif d’assumer une éthique de la nuance et de la complexité. Ainsi, la Charte renouvelle assez profondément la culture de l’accompagnement des personnes âgées. Elle s’inscrit résolument dans une approche « capacitaire » et « inclusive ». Mais elle le fait sans méconnaître
la difficulté qu’il y a, en situation, à faire vivre ces valeurs et ces principes.

Une mise en évidence des tensions éthiques.

Nous avons enfin pris soin de ne pas énoncer des principes isolés les uns des autres, mais de bien mettre en évidence – en chaque point – les tensions qui peuvent exister entre plusieurs valeurs ou principes, et les conflits, notamment de loyauté, qui peuvent en résulter dans le processus décisionnel. Il nous semble en effet que c’est à partir du moment où l’on reconnaît et assume cette complexité que l’on entre véritablement en éthique.

Soutenir l’engagement et la réflexion de tous.

Cette Charte – en plus de proposer un cadre et des repères communs – vise à contribuer à un plus juste engagement de celles et ceux qui investissent dans le soin et l’accompagnement un sens élevé de la responsabilité humaine et de nos solidarités démocratiques. Nous souhaitons qu’elle puisse favoriser l’esprit critique et accompagner les évolutions actuelles dans les pratiques et les organisations. Elle devrait également constituer un support pour analyser, d’un point de vue éthique, les situations concrètes parfois difficiles à arbitrer sur le terrain. Les approfondissements qui suivent l’énoncé de chacun des dix principes ont été rédigés de façon à pouvoir servir de support à des actions de sensibilisation et de formation.
Chacun peut s’approprier cette Charte et la faire vivre dans sa pratique. Elle s’enrichira à travers les échanges et approfondissements qu’elle suscitera. Nous suivrons avec intérêt les évolutions auxquelles ce document contribuera et tiendrons compte des propositions qui permettront de la développer si nécessaire. L’équipe de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France et de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neuro-évolutives se tient à votre disposition, dans le cadre de ses missions, pour vous accompagner dans cette démarche éthique de responsabilisation partagée.

Présentation publique de la Charte au Ministère des Solidarités et de la santé

Charte présentée le 2 septembre 2021.

Complément - Pendant la pandémie et après. Quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ?

Un document repère pour soutenir l’engagement et la réflexion des professionnels, rédigé à la demande de Brigitte Bourguignon, Ministre déléguée en charge de l'autonomie auprès du Ministre des solidarité et de la santé