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Accepter le diagnostic et ses conséquences dans la vie

"Il faut du temps pour accepter le diagnostic, il faut du temps pour en accepter les conséquences mais pourtant nous savons que ce travail se déroule et que les malades peuvent évoluer dans le sens de l’acceptation. Certes, plus la maladie avance plus les capacités de pouvoir effectuer ce travail d’acceptation deviennent difficiles à mobiliser par le malade, tout au moins d’une manière spontanée. Mais finalement n’est-ce pas non plus un point commun qui rassemble tous les malades : ce besoin d’être aidé dans ce cheminement ?"

Par: Jean-Luc Noël, Psychologue Clinicien, Paris, Co-président du conseil scientifique de l’association Old Up, Psychologue référent de l’association ISATIS /

Publié le : 03 juin 2015

Il faut du temps pour accepter le diagnostic d’une maladie. Il faut, sans doute, encore plus de temps pour accepter que cette maladie change le cours de la vie. Connaître le nom du mal qui est en nous est autre chose que d’intégrer ce mal dans le cours de l’existence. En effet, toutes les maladies le modifie : une espérance de vie qui peut se réduire considérablement, une qualité de vie qui s’altère, des activités qui devront disparaître, une image de soi potentiellement mauvaise… La liste est longue de ce que bouleverse une maladie. Mais surtout, c’est vivre avec l’incertitude, c’est se créer une autre relation au temps, c’est faire des deuils ; de l’immortalité, certes, mais aussi une multitude de deuils du quotidien. Toutes les maladies graves sont soumises à cette temporalité qui aboutit, parfois difficilement,  à l’acception de cette maladie et de l’ensemble des changements qu’elle induit.
Ce processus a été largement décrit pour les malades atteints de cancer, mais aussi de maladies dégénératives qui deviennent invalidantes. Ces descriptions du temps de la maladie nous enseignent que chaque malade réagit avec ce qu’il est, avec sa personnalité, avec ses défenses qui, par ailleurs, sont parties intégrantes du cours de la maladie. Du déni à l’acception, on connait bien ce temps du deuil qu’implique la maladie grave. Chacun le sait et le comprend et l’on sait attendre, que l’on soit professionnel ou proche du malade, que les décisions que prend le malade coïncident avec la temporalité du vécu de sa maladie. On l’entend souvent, « c’est encore trop tôt pour qu’il accepte cela… » mais l’on sait que bien souvent, ce qui était trop tôt ne l’est plus quand le malade a cheminé.
La question que l’on doit donc se poser est de savoir pourquoi il en serait autrement dans la maladie d’Alzheimer. La clinique quotidienne nous montre les mêmes réactions après l’annonce du diagnostic, certains refusant, déniant, agressant, rationnalisant, évitant, comme dans toutes autres maladies. Nous l’observons de la même manière, il faut du temps pour accepter le diagnostic, il faut du temps pour en accepter les conséquences mais pourtant nous savons que ce travail se déroule et que les malades peuvent évoluer dans le sens de l’acceptation. Certes, plus la maladie avance plus les capacités de pouvoir effectuer ce travail d’acceptation (qui,  rappelons-le, n’est jamais linéaire) deviennent difficiles à mobiliser par le malade, tout au moins d’une manière spontanée. Mais finalement n’est-ce pas non plus un point commun qui rassemble tous les malades : ce besoin d’être aidé dans ce cheminement ?

C’est bien cela qui peut bloquer parfois, l’on a besoin que le malade prenne des décisions (parfois très importantes même si elles apparaissent banales, comme le fait d’accepter qu’une infirmière vienne à domicile donner les médicaments empêchant ainsi un sous-dosage ou un surdosage aux conséquences parfois létales). Mais cette personne est dans son temps d’acceptation qui ne correspond pas forcément aux temps du professionnel. Si elle rencontrait ces professionnels plus souvent ou différemment, les temps parviendraient certainement à coïncider. Comme pour tous les parcours dans la maladie. Mais nous sommes parfois tellement attentifs à la décision que le malade doit prendre que l’on oublie cette évidence qu’il y a un temps pour tout, et que chaque malade réagit avec ce qu’il est.  
Ainsi, si l’on doit donc s’inspirer des autres maladies, proposons aux malades des espaces spécifiques pour qu’ils puissent y vivre le temps de leur maladie, qu’ils puissent l’intégrer avec ces conséquences dans son histoire et son devenir. Ces espaces doivent être des espaces de parole (les groupes de parole sont très efficaces), d’information et d’orientation. Mais il existe peu  d’endroits où l’on puisse cheminer et il s’agit de les développer afin d’offrir aux malades la possibilité de continuer à prendre des décisions pour lui, le plus longtemps possible et dans une qualité de vie préservée. Inspirons-nous des autres maladies : aux lieux thérapeutiques correspondent toujours des lieux de prise en compte du vécu, propices pour déclencher un travail psychique aidant pour le malade. Ainsi, n’oublions pas d’adjoindre à nos lieux de prise en soin cognitive, ces espaces au sein desquels l’élaboration psychique peut se réaliser.